Après mes diverses pérégrinations qui m’avaient jusqu’alors menée à Berlin, Avignon, Marseille, Ouarzazate et Moscou, j’étais donc de retour à Avignon.

J’ai pris un appartement dans le garage aménagé d’un médium et ai retrouvé du travail le temps de mettre en place un plan pour la suite. Je devais finir mon mémoire, que j’avais repoussé, pour valider mon Master, commencer à me renseigner pour devenir contractuelle en attendant de passer le concours et chercher un appartement à moi pour m’installer pour de bon.

J’ai effectivement fini mon mémoire et pris les renseignements pour passer le CAPES, mais une nouvelle aventure m’attendait. En mai 2014, j’ai reçu un coup de téléphone de mon ami Jerem qui me proposait de partir un mois avec lui en Égypte rendre visite à un ami commun. Je n’avais jamais eu aucune envie d’aller en Égypte mais j’acceptai tout de même : un voyage, ça ne se refuse pas. Avant de partir, j’avais quitté mon appartement-garage et (encore) mis mes affaires chez mes parents. Le plan était de passer le mois de juin en Égypte puis de passer l’été à droite à gauche et de chercher un nouvel appartement dans lequel réellement m’installer à la fin de l’été.

Un coup de foudre instantané pour le Caire plus tard, je décidai finalement de rester dans la capitale égyptienne plus longtemps que prévu. J’emménageais alors avec mon amie Paola qui venait juste de trouver un appartement dans le quartier de Mounira. L’appartement était vide, à part un vieil évier et une gazinière dans la cuisine. Paola avait les meubles de sa chambre, quelques affaires pour le salon et un matelas pour ma chambre, c’était tout. On a donc commencé à meubler petit à petit avec les moyens du bord. J’ai récupéré des cagettes du marché pour faire une sorte d’étagères où mettre mes vêtements et acheté des draps pour mon lit, ça suffisait pour ma chambre. Pour le salon Paola avait acheté des coussins et des tapis, et Naguib nous avait aidées pour la décoration. On a également finalement acheté un frigo au bout d’un mois, ça a tout changé !

Assistante en cheffe de Naguib pour le graffiti du salon « LIBERTE »

 

La porte d’entrée de l’immeuble.

Finalement au bout de quelques mois à vivre au Caire, à passer mes soirées et mes nuits dans les cafés, à arpenter la ville, à rencontrer du monde, à vivre, je décidai tout de même de rentrer en France. Je retournai très régulièrement en Égypte et je logeai à droite à gauche lorsque je revenais. Entre-temps en France, je restais chez mes parents quelques mois, le temps de trouver un appartement de nouveau dans le centre-ville d’Avignon.

Ce fut rue Carnot que je trouvais mon bonheur. En haut d’un étroit escalier en colimaçon, trônait mon petit appartement d’amour. Je pouvais de nouveau récupérer tous mes cartons, mes meubles, et commencer à aménager mon nouveau chez-moi. Mais une chose avait changé dans ma manière de vivre. J’avais longtemps tout accumulé, je gardais tout, je ne me séparais de rien, j’avais aussi une belle fièvre acheteuse, surtout en terme de merdes en plastique, vêtements en matières pourries que je ne portais jamais, et autres déchets. Depuis Moscou, je commençais à me questionner sur ma manière de consommer, j’avais commencé par les cosmétiques car je sentais que ce n’était pas adapté. Partir au Caire m’avait confrontée de plein fouet à une autre réalité et en rentrant, je me suis retrouvée dégoutée par moi-même de tout ce que je possédais qui n’avait aucun intérêt, que je n’utilisais pas ou dont la production était toxique pour l’environnement. J’ai alors commencé un tri drastique et j’ai réduit de moitié ce que je possédais, j’ai éliminé le plastique au maximum de ma vie et tenté de trouver une manière de consommer plus intelligemment.

Je me sentais bien dans cet appartement avignonnais.

La vue du petit atelier caché à l’étage.

 

Pourtant, un an plus tard, je déménageais pour un autre appartement avignonnais. Mes projets avaient changé : je ne souhaitais plus passer le CAPES (j’avais compris que je n’avais en réalité pas envie de rester tout le temps en France et que j’avais besoin de bouger quand je le voulais) et je mettais donc en place une autre manière de vivre. Le but était d’être enseignante contractuelle à Avignon et autour, quand j’avais envie d’être en France ou tout simplement besoin d’argent, et de voyager quand je le souhaitais. Pour cela, il fallait trouver une solution au logement. J’avais déjà plusieurs fois quitté un appartement pour aller travailler à l’étranger, et au retour c’était toujours la même problématique pour se réinstaller, trouver un endroit, déménager, faire les papiers, etc. Je voulais un chez-moi que je pouvais facilement quitter. La solution m’est tombée droit dessus lorsqu’une ancienne collègue m’a parlé d’un appartement qui se libérait juste au-dessus de chez elle, bien placé, avec une belle surface et plusieurs chambres. C’était idéal pour moi. Malgré le fait qu’il y avait BEAUCOUP de travaux de remise à neuf à faire, cela me permettait d’avoir des colocataires toute l’année, ce qui bien entendu réduisait déjà mon loyer toute l’année, mais cela me permettait aussi de sous-louer ma chambre lorsque je partais en voyage. J’ai donc déménagé dans mon nouvel appartement Rue Saint-Michel pour aménager ce qui allait devenir « La maison du bonheur ».

C’était réellement la maison du bonheur car j’y ai vécu de nombreux beaux moments, j’y ai vécu la plupart du temps avec l’une de mes amies les plus proches, Camille, qui a été la meilleure coloc de tous les temps et avec qui la vie était facile et belle. C’était un appartement dont la porte était toujours ouverte, où nous vivions officiellement à trois mais souvent à plus, nous invitions toujours nos amis, on faisait des soirées, des moments café et discussions, des fêtes, etc. C’était réellement la belle vie.

En 2017, j’ai sous-loué ma chambre pour réaliser mon rêve du moment : partir quelques mois en sac-à-dos au Moyen-Orient. Le plan était de partir quelques semaines en Égypte, quelques semaines en Jordanie puis quelques semaines en Palestine. Le plan initial s’est allongé, j’ai finalement passé deux mois et demi en Égypte, deux semaines en Jordanie puis trois mois en Palestine.

Lorsque j’étais en Palestine, j’allais de ville en ville selon les besoins des associations avec lesquelles j’étais bénévole. Mais pendant un mois et demi, j’ai loué un petit appartement à Naplouse car je donnais des cours d’anglais dans un centre de langues. C’était un petit appartement loué à une grand-mère qui me ramenait parfois des petits gâteaux. Il était situé sur la montagne, en haut d’un grand escalier qui, je pense, a contribué à me faire perdre les 8 kilos que j’avais perdus en Palestine. Il y avait une petite cour avec un olivier en plein milieu ce qui m’avait conquise au moment de la visite. Et je crois que c’est bien la seule chose parce qu’il faut quand même avouer que c’était un sacré bordel.

Après un bon nettoyage et un grand tri, je pouvais profiter d’un bon petit-déjeuner avec vue sur mon olivier et les collines de Naplouse.

En janvier 2018, je suis rentrée en France et j’ai réintégré mon appartement avignonnais. Heureuse de le retrouver et de retrouver mes colocs. Pourtant, petit à petit, s’immisçait déjà en moi, non l’envie, mais le besoin de repartir. Je ne me retrouvais plus dans ma vie en France, je vivais une période très difficile et j’avais besoin d’être là où je me sentais le mieux : au Moyen-Orient.

En août 2018, je revenais donc une fois de plus, au Caire. J’ai d’abord partagé une colocation avec trois autres personnes et deux chats dans le centre-ville du Caire juste à côté de la station de métro Mohamed Naguib. J’avais trouvé l’annonce sur Facebook quand j’étais en France et nous nous étions appelés avec les colocs présents pour que je puisse les rencontrer via Facetime et avoir une idée de l’appart. J’avais eu un très bon feeling avec les colocs, et la localisation et le prix de la coloc me convenaient donc j’avais accepté. Mais très vite, l’appart s’était révélé en réalité trop bruyant, sale, pas entretenu, avec pas mal de problèmes typiques des apparts du Moyen-Orient : les appareils électroniques qui ne fonctionnent pas, les câbles qui sortent partout, le manque de place, etc. Je ne supportais plus les chats qui puaient dont le propriétaire ne s’occupait pas. Et l’appartement était un vrai lieu de fêtes chaque soir. Ça allait au début quand je suis arrivée, mais lorsque j’ai commencé à travailler, ça devenait impossible de dormir avec le bruit et je ne supportais plus de me lever et de prendre mon petit-déjeuner au milieu des mégots et des cadavres de bières. Il fallait donc partir.

Une chambre tellement glamour.
Le squatteur n°1
Une de mes vues préférées <3
L’autre vue moins glamour.

 

Après près de deux mois de recherche et de visites d’appartements plus vétustes les uns que les autres, j’ai finalement trouvé un bel appartement que j’allais partager avec une de mes colocs du premier appart qui souhaitait également partir. Nous avions réellement trouvé la perle rare, et après un déménagement épique avec un matelas sur le toit du taxi, nous avons aménagé notre nouvel appartement à notre goût à partir de novembre 2018.

Mes petites affaires qui m’accompagnent toujours <3

 

Mais en Égypte, rien n’est jamais aussi simple. Et rapidement la situation s’est compliquée. Le propriétaire s’est révélé être complètement dingue et intrusif, et ma colocataire bien trop reloue. Au retour de mes vacances d’été en septembre 2019, j’ai donc dû me mettre à la recherche d’un nouvel appartement.

J’ai eu de la chance cette fois-ci et j’ai vite trouvé un appartement dans le quartier de mon école à Garden City. Je crois même que c’est le premier et seul appartement que j’ai visité. Même si l’appartement n’était pas l’appart de mes rêves et comportait des problèmes, je n’ai pas hésité à le prendre car il était « correct », et au Caire, surtout à Garden City, un superbe quartier et le quartier de mon école en plus, « correct », c’est bien.

Évidemment, le propriétaire s’est révélé lui aussi être fou et intrusif, malhonnête et menteur, mais j’ai pu malgré tout passer mon année scolaire tranquillement dans mon appartement et, surtout, réapprécier de vivre seule. Je me souviens particulièrement du jour où je suis rentrée de vacances fin janvier 2020, j’avais passé quelques semaines en France pour Noël puis une semaine seule à Istanbul et je rentrais pour la première fois seule dans mon appart cairote que j’avais jusqu’alors partagé avec quelqu’un mais qui ne reviendrait pas. J’appréhendais un peu le retour seule à la maison, je ne savais pas si j’allais me sentir à l’aise ou bien si ça allait être dur. Mais quand je suis rentrée, je me suis sentie tout de suite bien dans mon chez-moi. J’étais heureuse de retrouver mon appart, mes affaires, et bientôt mon quotidien.

Ce quotidien allait être interrompue de manière brutale à peine deux mois plus tard en mars 2020 en raison de la pandémie du COVID et j’allais déménager du Caire en 24 heures pour me confiner (et hiberner) chez mes parents à Rochefort du Gard. Suivrait six mois en France, la parution du poste vacant au lycée français de Damas, ma décision de partir m’installer en Syrie et un voyage mouvementé !

Tous ces déménagements, tous ces différents modes de vie, que ce soit en France ou à l’étranger, m’ont toujours apporté beaucoup de joie mais aussi beaucoup de réflexions et de quêtes personnelles. Je suis tombée un jour sur ce dicton :

Cette citation m’a bien évidemment énormément parlé car c’est la question centrale de ma vie : choisir l’arbre, la stabilité, un certain confort, une sécurité, ou bien la pirogue, le voyage, la découverte, l’inconnu, mais aussi l’instabilité et l’insécurité pas toujours faciles à gérer. J’ai tenté différentes choses qui ont, soit fonctionné à un moment-donné puis plus à un autre, comme vivre à Avignon et partir en voyage de temps en temps, soit n’ont pas fonctionné au début, vivre quelque temps à l’étranger, mon expérience moscovite a été compliquée, mais finalement fonctionne aujourd’hui, j’ai adoré m’installer au Caire et je suis très heureuse dans ma vie damascène.

C’est fou comme on évolue et comme on change avec le temps. Quand j’étais plus jeune et jusqu’à il y a très peu de temps, l’année dernière je pense, j’avais ce besoin presque maladif d’avoir mon propre chez-moi avec mes affaires, mes meubles, ma décoration, mon aménagement. Il m’aura fallu douze ans pour réussir à lâcher cette nécessité de contrôler l’environnement qui m’entoure et ne plus me laisser parasiter par des détails. J’ai rendu les clés de la maison du bonheur en juin dernier, et même si elle représentait l’appartement parfait, je savais que c’était une libération.

Aujourd’hui je me sens sereine car je sais que mon arbre – ma famille, mes amis, la France – sont tout près et me permettent avec leur amour et leur bienveillance de mener ma pirogue où le vent me mène.

Tour du monde de mes appartements – Partie 2