J’avais au départ planifié d’aller passer mes vacances en Egypte pour Noël mais avec la situation actuelle, les déplacements sont compliqués et chers, alors j’ai finalement décidé de passer mes vacances et les fêtes de fin d’année à Damas. Et je ne suis pas déçue !

J’ai passé mes vacances à flâner dans Damas, à voir mes amis, à lire, à prendre des cours d’arabe, à écrire, à travailler tranquillement pour le collège, à me reposer et parfois même à ne rien faire.

J’avais aussi organisé une excursion avec des collègues du collège : une journée dans les villages chrétiens de Maaloula et Sednaya. C’était mon but pour le mois de décembre, je voulais absolument faire cette excursion et finir l’année sur un petit road-trip.

C’est ce que nous avons fait le 29 décembre. A 8h30 du matin, mes collègues passent me prendre en voiture place des Omeyyades devant la Librairie. Il y a Louay, mon collègue de mathématiques, Grégory, mon collègue d’histoire-géographie, et sa fille Tara, que j’ai déjà mentionnés ici puisque nous sommes arrivés à Damas en même temps en septembre, Soulafa, ma collègue d’arts plastiques avec qui je suis partie en excursion en novembre au Krak des Chevaliers et Marmarita, et sa sœur Arwa, qui habite à Los Angeles mais qui était en visite en Syrie pour les fêtes de fin d’année. Tout ce beau petit monde, réparti dans deux voitures, est prêt à profiter de cette belle journée. Enfin « belle », une épaisse brume a décidé de nous accompagner pour l’occasion, mais elle donnera finalement une ambiance très particulière, quasi mystique, aux lieux que nous visiterons.

Maaloula se situe à seulement 44 kilomètres de Damas. Une petite heure de route ponctuée des habituels checkpoints militaires (4 ou 5 quand même sur cette si petite distance) et vous arrivez dans ce petit village chrétien. Le charme tient aux maisons pastel qui descendent de la montagne et aux différents monastères et églises.

Le premier monastère que nous avons visité est Mar Takla, Saint Thècle. Il se situe en hauteur du village et a été taillé directement dans la montagne. Tout en haut se trouve une petite salle de prière magnifique et juste avant, un grand arbre a été préservé et a continué de grandir jusqu’à ce que ses branches s’épanouissent à l’extérieur. Il est habité par des sœurs de culte grec orthodoxe.

En 2013, des terroristes du Front Al Nosra, affilié à Al Qaïda, ont attaqué et occupé le village pendant plusieurs mois. Les monastères ont été pillés et gravement endommagés. Ils avaient mis le feu à une des églises. Tout a été rénové mais la peinture du plafond de cette église garde les traces du feu. Lorsque la sœur nous raconte brièvement ces quelques mois de terreur, l’émotion est bien entendu toujours palpable.

Après la visite du monastère Mar Takla, nous avons marché dans le wadi (canyon) avant de remonter vers le haut du village pour rejoindre le second monastère : Mar Sarkis, Saint Serge. La vue d’en haut est très belle lorsque l’on surplombe le wadi et le monastère Mar Talka.

Le monastère de Mar Sarkis aurait été fondé à l’époque de Constantin, y a pas trop trop longtemps quoi ! Il a lui aussi été attaqué et grandement détruit par les terroristes. L’hôtel Safir, ancien hôtel de luxe, situé juste à côté du monastère et qui n’a, lui, pas été rénové, témoigne de la violence des combats.

Après la visite de Mar Sarkis, nous faisons le chemin inverse pour rejoindre la voiture et nous diriger vers un autre village majoritairement chrétien, celui de Sednaya, qui se trouve sur le chemin du retour à 26 km de Damas. Le village en lui-même est moins charmant que celui de Maaloula. Le monastère principal est celui de Notre-Dame de Sednaya, niché sur une colline, il a des airs de forteresse, ce qui explique certainement pourquoi, à l’inverse de Maaloula, les terroristes n’ont pas réussi à l’attaquer. Un soldat nous a également fièrement expliqué que les attaques avaient repoussé par l’armée et le monastère ainsi protégé.

Ce monastère immense est également occupé par des sœurs de culte grec orthodoxe. L’architecture est bien plus moderne, notamment grâce à son immense escalier principal menant à l’entrée du monastère mais aussi dans les églises.

Nous avons assisté à une scène particulièrement émouvante. Il y a une petite pièce dans un coin reculé du monastère où l’on peut demander aux sœurs de prononcer des prières de toutes sortes : des souhaits de guérison ou bien des prières pour les morts. Cette pièce toute sombre, seulement légèrement illuminée de quelques bougies, remplie d’ex-votos de toutes formes, semblait contenir tous les espoirs mais aussi toutes les souffrances du monde. C’est comme une bulle hors du temps et de l’espace, où l’on peut se laisser aller à pleurer, accompagné d’une sœur et de ses paroles. C’était le cas pour une dame présente à ce moment-là, la sœur à ses côtés qui murmuraient des prières. Elle pleurait mais semblait aussi trouver quelque réconfort dans les paroles de la religieuse.

Nous avons continué notre tour de cet immense monastère, finissant par cette vue panoramique sur le village. Je ne sais pas pourquoi mais cette vue m’a fait penser à Jérusalem avec tous ces dômes, le mélange de mosquées et d’églises plus important que d’habitude.

Avant de rentrer, nous avons déjeuné (à l’heure syrienne, il était 16h !) dans un restaurant très connu dans la région, qui était, à priori, avant la guerre un point de rendez-vous le weekend particulièrement, et qui s’appelle « Jana Sednaya », c’est-à-dire le Paradis de Sednaya. Une nouvelle crèche nous attendait ainsi qu’un excellent repas après le plaisir et la richesse de toutes ces belles découvertes de la journée.

 

Chronique syrienne #8 – Maaloula et Sednaya