Vendredi matin, quelques collègues et moi – la petite équipe qui est en train de devenir habituelle : Grégory et sa fille Tara, ainsi que Louay – nous sommes mis en route en direction de Bludan.

Bludan est un petit village à 50 kilomètres de Damas et qui se situe à 1500 mètres d’altitude. Depuis quelques semaines il y neige et les Damascènes se ruent sur ce village pour profiter du grand manteau blanc. Pour éviter la foule, nous avons décidé de partir tôt. C’est donc à 8h du matin que Louay, Grégory et Tara me récupèrent place des Omeyyades. Il pleut beaucoup et nous ne sommes à ce moment-là absolument pas sûrs de trouver de la neige à seulement 50 kilomètres d’ici. Nous partons avec peu d’espoir.

Sur la route, comme prévu, il n’y a personne. Nous roulons donc tranquillement et d’autant plus doucement avec ce temps. A la sortie de Damas, nous voyons apparaître des tas de bidons remplis d’un liquide entre le jaune et le vert sur le bas-côté. Ce sont des bidons d’essence vendus à la sauvette. La crise frappe toujours fort le pays, les files d’attente aux stations-essence sont toujours impressionnantes et il y a toujours peu de transports en commun. Les prix des taxis, eux, fluctuent quasiment quotidiennement selon le prix de l’essence.

Au fur et à mesure que l’on avance, le temps se dégrade de plus en plus, la pluie est de plus en plus drue et notre espoir de trouver de la neige, quant à lui, diminue. Pourtant après une petite montée, le paysage change et nous pouvons enfin apercevoir les fameux flocons : la pluie s’est transformée en neige et le paysage commence enfin à se recouvrir légèrement de blanc. Après quelques kilomètres, la neige est de plus en plus forte et le sol de plus en plus recouvert. Tara pousse des cris de joie et ne sait plus où donner de la tête.

Évidemment, plus nous montons, plus nous trouvons de la neige. Nous avançons la voiture jusqu’au point qui nous satisfait. Nous chaussons écharpes, bonnets et gants et nous lançons à l’assaut de la magie blanche.

Batailles de neige et création de mini bonhommes de neige rapidement écrabouillés par Tara, nous profitons de ce climat si surprenant ici en Syrie. Je réalise que c’est la première fois que je vois la neige au Moyen-Orient. Je l’ai vue rapidement au Maroc une fois en traversant le col du Tichka pour rejoindre Marrakech depuis Ouarzazate, mais cela m’avait surtout causé la frayeur de ma vie lorsque les bus devaient se croiser et se retrouvaient au bord du précipice et que je me remémorais toutes les histoires sur les accidents mortels de bus sur cette partie du royaume. Mais là, c’est la première fois que je me retrouve dans une telle carte postale enneigée avec des mosquées sous la neige.

Après avoir bien profité de ce moment, nous redescendons par une autre partie du village et arrivons sur la place de l’église où nous tombons tous instantanément amoureux de l’endroit. Nous décidons de nous arrêter pour profiter de la vue et prendre quelques photos.

En me rapprochant de l’église, je vois un grand attroupement et comprend qu’il y a un évènement important. En effet, c’est un enterrement. Je m’éloigne vers le jardin de l’église un peu en retrait pour ne pas gêner. Quelques minutes plus tard, le cortège funèbre arrive et les cris et les larmes des femmes retentissent. C’est la première fois que j’entends ces cris, caractéristiques des images que l’on se fait des enterrement dans cette région du monde. C’est tout un autre rapport à la mort qui se met en scène, loin de notre pudeur occidentale. Mon cœur se serre d’entendre si clairement le désespoir face à la perte d’un proche.

Nous laissons les gens à leur recueillement et repartons discrètement. Il est l’heure pour nous d’aller prendre un petit-déjeuner dans l’un des restaurants du village. Celui que nous avons choisi a une belle vue sur la campagne et les montagnes.

Nous savourons notre hummus, nos œufs, nos manaqishs, notre labneh et des frites pour Tara. Nous discutons et commençons déjà à planifier nos prochaines excursions dans la région. Pourtant, celle-ci n’est pas encore terminée !

Après le petit-déjeuner, nous nous remettons en route et nous prenons le chemin du retour. Mais un peu avant Damas se trouve le tombeau d’Abel, le fils d’Adam et le frère de Caïn. La mosquée qui abrite son immense tombeau (les personnes de l’époque d’Abel et Caïn sont supposées avoir été beaucoup plus grandes que nous), possède également un plafond magnifique.

La route menant à ce tombeau est également somptueuse : les vallées de terre rouge parsemées d’arbres et les sommets enneigées nous enchantent. De plus, nous sommes seuls sur la route et comme toujours cela donne une dimension particulière à la visite de tels lieux, l’impression d’être (ce que je suis) privilégiée de me trouver dans un endroit tel que celui-ci malgré tous les évènements qui se sont déroulés dans ce pays. Comme toujours, je mesure ma chance et essaie de profiter de chaque instant.

Nous repartons ensuite en direction de Damas après une journée qui nous aura donné l’impression d’un voyage de quelques jours. Je prends réellement goût à ces excursions hors de Damas qui me promènent dans l’histoire, me font découvrir de nouveaux paysages et m’enrichissent toujours un peu plus.

Nous planifions déjà notre prochaine escapade qui nous emmènera cette fois-ci normalement dans un monastère au milieu du désert…

Chronique syrienne #9 – Escapade enneigée à Bludan