Durant mon séjour de 3 mois en Palestine, j’ai effectué différentes missions de volontariat. Quand je suis arrivée, j’avais besoin de me poser un peu (j’ai raconté mon épisode de chialance intense dans un article précédent) et j’ai vu qu’ils cherchaient des volontaires dans l’auberge de jeunesse où je séjournais (j’avais aussi vu une annonce sur le site Workaway), du coup je me suis lancée, j’ai postulé et j’ai été prise. J’ai fait un volontariat de 2 semaines, les tâches consistaient à faire le ménage, gérer la réception, les besoins des guests, etc. Ça n’a pas été un volontariat transcendant, surtout la partie ménage dont j’avais vraiment horreur, mais ça m’a permis de me poser un peu, d’économiser (en contrepartie des différentes tâches qui prenaient entre 5 et 6 heures par jour, j’étais logée et nourrie), d’être dans une ambiance de bienveillance avec les 2 propriétaires super sympas et certains autres volontaires avec qui je me suis beaucoup liée d’amitié. Pendant mes jours off, je rejoignais Celim, mon compagnon de voyage rencontré au Caire pendant ce même voyage et avec qui je voyageais depuis, qui lui était parti à Naplouse. Là-bas, il était entré en contact avec l’association Tanweer, une association qui promeut l’héritage culturel palestinien et qui vise à soutenir les populations pour qu’elles restent sur leurs terres. J’ai eu un énorme coup de cœur pour le coordinateur de cette association Wael. Un homme généreux, toujours souriant et prêt à tout pour la cause palestinienne.
Avec Tanweer nous avons participé à différentes actions notamment accompagner des familles palestiniennes lors de la récolte des olives. Le but de notre présence (et surtout la mienne car Celim, lui, fait plutôt couleur locale) est de dissuader les soldats israéliens de venir malmener les familles palestiniennes. Le jour où nous sommes allés cueillir les olives avec une famille près de Naplouse, les coordinateurs d’une autre association ont reçu un appel pour les prévenir que dans le village voisin, des soldats israéliens avaient agressé un couple en train de faire la récolte sur leur champ d’oliviers. Le couple avait une soixantaine d’années… Sur le champ voisin, une centaine d’oliviers avaient été brulée. Le but d’une telle démarche : empêcher les Palestiniens de cultiver leurs terres car si une terre n’est pas cultivée pendant 3 ans, les Israéliens ont le droit de s’en saisir. Il est donc primordial pour les Palestiniens de cultiver leurs terres mais il faut pour cela passer outre les violences, les humiliations et les différentes stratégies mises en place par Israël pour les empêcher de le faire.
Dans le même esprit nous avons participé à plusieurs journées de plantation du « zatar », la plante de Palestine, dans différents villages palestiniens afin de soutenir les familles et de les aider à occuper leurs terres.
Nous avons également planté des oliviers, toujours pour soutenir les familles palestiniennes mais également pour rendre hommage aux martyrs tombés dans la lutte pour la liberté de leur pays.
Wael nous a également mis en contact avec l’association « Jordan Valley Solidarity » dans la Vallée du Jourdain comme son nom l’indique. La Vallée du Jourdain est une région de la Palestine qui se situe à la frontière avec la Jordanie où se trouve le fleuve du Jourdain et la Mer Morte. C’est une région stratégique puisque c’est la où se trouve la majorité des ressources d’eau… Comme par hasard, cette région est à 60% en Zone C (contrôle israélien), toutes les ressources d’eau (puits, etc.) sont contrôlées par Israël. La zone C implique que nous sommes en Palestine mais le contrôle par Israël est total. Toutes les ressources donc (eau et électricité), mais aussi les actions : pour pouvoir construire une école, une maison ou même un abri de jardin, il faut demander une permission à Israël. Si elle est délivrée (c’est rare ou c’est aléatoire), il faut attendre un bon moment, et même avec une permission, il n’est pas rare que les constructions soit finalement démolies. De même pour cultiver son champ, récolter les olives, planter des arbres, des plantes, etc., il faut une permission. La situation est donc quasiment invivable dans cette région et l’association « Jordan Valley Solidarity » et son coordinateur Rashed, se battent pour permettre aux familles (donc beaucoup de Bédouins) de vivre ou survivre. Nous avons participé à différents projets, le plus important était la construction d’une nouvelle salle de classe pour une école dans le village bédouin de Badu al-Kaabneh. Le projet s’est fait en plusieurs temps et avec énormément de personnes qui ont participé plus ou moins longtemps à son élaboration. D’abord il a fallu construire les briques à base de boue et de paille, ensuite faire le niveau sur le sol et monter les parpaings en ciment des premiers rangs de la salle de classe puis continuer avec les briques de boue.
Celim et moi sommes arrivés lorsqu’une dizaine de rangs avaient été posés. Nous avons continué à poser les briques, puis un professionnel a posé la toiture et nous l’avons recouverte de boue, de paille et de feuilles de palmiers. Ensuite nous nous sommes occupés de l’isolation de la salle de classe, encore une fois avec de la boue.
Nous allions de temps en temps passer 3 ou 4 jours travailler sur l’école. D’autres volontaires se joignaient à nous, parfois des groupes pour venir également nettoyer l’aire de jeux, planter des oliviers, des Français d’ « électricité sans frontières » (je savais même pas que ça existait) sont venus poser des panneaux solaires financés par des dons. C’était beau de voir tous ces gens venir passer une journée ou plus participer à la construction de cette école. Et c’est d’autant plus dur quand on voit le travail que cela demande, de savoir que tout ce labeur peut être détruit en quelques minutes.
Un jour, nous étions en voiture avec Rashed et Celim, on se dirigeait vers l’école pour aller travailler quand Rashed a reçu un coup de téléphone : l’armée israélienne était entrée dans un village pour détruire un abri sur le champ d’un Palestinien. Nous nous y sommes rendus pour témoigner de la situation. Bien entendu, on nous a barré la route et empêcher de s’approcher. Nous avons assisté impuissant au spectacle : un Palestinien entouré d’une vingtaine de soldats israéliens venus avec 2 tanks, des véhicules de la police des frontières et un bulldozer pour détruire un abri de jardin… A quel moment faut-il autant de monde et de machines pour détruire un si petit abri ? Si ce n’est pour impressionner et humilier l’agriculteur mais aussi tout le village. C’était la huitième fois en 4 mois que les soldats venaient détruire quelque chose chez ce monsieur, sans raison. Et des histoires comme cela, il y en a des centaines et c’est quotidien.
Dans la Vallée du Jourdain, toujours avec l’association « Jordan Valley Solidarity », nous sommes allés aider à trier, étiqueter les livres et organiser la bibliothèque du village d’Al Jitflek.
Nous avons également participé à plusieurs manifestations donc une très important à Nabi Saleh, dans le village d’Ahed Tamimi en soutien à cette jeune fille et à sa famille. Tous les membres du comité de résistance et de libération de la Palestine étaient présents, et nous étions nombreux à défiler dans les rues de ce village avec des drapeaux palestiniens et des pancartes pour Ahed et sa famille. Ensuite nous nous sommes approchés d’un checkpoint, l’armée israélienne nous attendait. Il y avait une trentaine de soldats, un drone, plusieurs tanks dont le fameux tank blanc, celui qui envoie les eaux usées des colonies (de l’eau et de la merde quoi) sur les manifestants. Il y avait aussi une machine que je n’avais encore jamais vue jusque-là : une machine capable de tirer 5 ou 6 gaz lacrymogènes d’un seul coup, et il devait y avoir 4 ou 5 machines comme celle-là. Quand nous nous sommes approchés, les soldats n’ont pas attendu et ont très rapidement tiré tous les gaz lacrymos qu’ils pouvaient d’un seul coup. Cela a créé un nuage très épais de gaz très dangereux, 2 personnes ont été blessées et ont dû être évacuées à l’hôpital. Les affrontements ont continué jusqu’à ce que la majorité des manifestants fatigués ou las de recevoir du gaz rebroussent chemin.
Il est difficile de mettre des mots justes sur ces actions. J’étais heureuse d’être là-bas, de côtoyer ces personnes, d’être présente, de faire un geste. Ça a soulevé énormément de questions concernant le volontariat : est-ce que c’est vraiment utile ? Est-ce que ça va changer quelque chose ?
Je n’ai pas forcément répondu à toutes ces questions mais ce que je sais, c’est que pour eux, peu importe les actions auxquelles nous prenions part avec les autres volontaires, l’important c’était qu’on soit là, qu’on ait fait le chemin depuis chez nous jusqu’en Palestine pour aider, soutenir, qu’on voit ce qu’il se passe vraiment là-bas, qu’on soit capable d’en parler, de témoigner quand on rentrerait chez nous. C’est tellement important pour un peuple qui se sent complètement abandonné par la communauté internationale. « Don’t forget us » (Ne nous oublie pas) c’est la phrase que j’ai le plus entendue quand je suis partie.