Comme je vous le disais il y a deux semaines dans la dernière chronique syrienne, mon voyage à Alep m’a bouleversée et m’a de nouveau montré l’importance des belles rencontres du quotidien, ce qui m’a donné envie de partager avec vous des portraits de personnes rencontrées au gré de mes pérégrinations qui ont particulièrement touché mon cœur. C’est pourquoi j’ai créé cette nouvelle rubrique intitulée « Les belles personnes » qui pointera le bout de son nez entre deux chroniques syriennes.
Je souhaitais commencer avec celui de Joseph, l’une des plus belles rencontres que j’ai faite en voyage, et de ma vie.
Il y a deux ans et demi, je prenais l’avion pour retourner m’installer en Égypte. Dans l’avion qui me menait à mon escale à Athènes, j’ai fait la connaissance de Joseph. Joseph avait 92 ans, il est né et il a vécu toute sa vie à Marseille. Il va se baigner tous les matins à la Corniche. Avant il péchait, mais il a eu une maladie et il ne voit plus d’un œil. Parfois, il va quand même pêcher des oursins pour les cuisiner ensuite pour ses copines comme Carole, l’institutrice qui râle beaucoup. Mais lui, il n’en mange pas des oursins, enfin très peu, s’il en mange un « c’est le bout du monde ! ». Il m’a raconté le Marseille « d’avant ». Celui des vieilles traditions comme la Course des garçons de café, aujourd’hui oubliées.
Mais Joseph est aussi d’origine arménienne. En 2000, il avait donc 74 ans, il s’est dit qu’avant de mourir, il devait connaitre ses origines et voir le pays de ses parents. Alors il est parti, seul, à la découverte d’Erevan. Le matin, il partait tôt dans la ville et ne rentrait que tard le soir à son hôtel. Toute la journée, il marchait à la découverte de la ville et surtout de ses habitants. A Marseille, il entraine encore aujourd’hui des jeunes au foot, « Je suis le plus ancien du club, plus vieux même que le directeur » qu’il me dit d’un air malicieux. Alors c’est tout naturellement qu’il s’est tourné vers les jeunes en Arménie. Il a fait des parties de foot avec le peu de jeunes qui avaient un ballon, et ça lui a fait de la peine tous ces jeunes qui n’avaient pas grand-chose. Alors l’année suivante et les années qui ont suivi, il a ramené une valise pleine de ballons de foot, de raquettes et de balles de tennis et de badminton pour les donner aux jeunes dans la rue. « Oh c’est pas grand-chose, une goutte d’eau dans la mer ! ». Mais quelle goutte magnifique, pleine de bonté et d’humanité. Et ça lui fait plaisir.
Ces ballons et ces raquettes, ce sont des dons des associations parce que lui-même n’a pas grand-chose. Après son divorce il a tout perdu mais il a réussi à s’en sortir parce qu’il vit simplement, qu’il trouve du cuir dans les poubelles des cordonniers et qu’il crée des sacs et des pochettes, c’est son premier métier. Ces quatre dernières années, il n’a pas pu se rendre en Arménie à cause de la maladie, mais cette année, à 92 ans et en n’y voyant que d’un œil, le revoici dans un avion avec une valise remplie de ballons et de raquettes pour les jeunes d’Arménie.
A Joseph et à toutes les gouttes d’eau dans la mer. <3