Tout commence en mars 2020, au moment même où la vie de nombreuses personnes en France et partout dans le monde se retrouve chamboulée par la pandémie du Covid-19.

Initialement j’avais prévu pour 2020 de finir mon contrat au collège où je travaillais au Caire fin juin 2020, de rentrer en France ensuite pour travailler 6 mois environ le temps de mettre de l’argent de côté, de régler certaines choses en France, puis de partir sac-à-dos (l’idée était de commencer par l’Asie et de me laisser porter ensuite par les envies et les opportunités).

Sauf que covid. Au début je ne pensais pas rentrer en France, mais lorsque la France puis l’Égypte une heure plus tard ont annoncé qu’ils allaient fermer leurs frontières, j’ai préféré rentrer. Ma situation en Égypte était trop précaire, mon école fermée, pas de certitude concernant mon salaire et plus personne avec qui partager mon loyer, ce n’était pas raisonnable de rester, je risquais d’y passer toutes mes économies.

Il a donc fallu déménager en 24 heures. Le lundi soir j’ai pris la décision de rentrer, appelé mon propriétaire pour lui annoncer et fait la quasi-totalité de mes valises. Le mardi matin, j’avais une réunion au collège pour discuter de la fermeture des écoles en Égypte et essayer de trouver une solution pour continuer les cours malgré tout. Les sœurs et les collègues étaient très étonnés de mon départ et ne réalisaient pas, comme beaucoup d’entre nous, l’ampleur de la tempête qui se profilait alors pour leur pays… Sœur André me maintenait que le collège allait réouvrir d’ici deux semaines avec l’arrivée des premières chaleurs (fin mars donc). En réalité nous sommes mi-septembre et les écoles n’ont pas encore rouvert en raison de la crise sanitaire, elles devraient néanmoins rouvrir la semaine prochaine avec différents dispositifs selon les écoles. Après cela j’ai récupéré mon salaire, confié mon argent à des amis qui restaient (en livres égyptiennes, trop compliqué de changer beaucoup d’argent d’un coup en euros et surtout à ce moment-là), acheté des masques que j’ai ensuite perdus, fini mes valises et dit au revoir à quelques amis avant de partir pour l’aéroport vers minuit.

La nuit a été longue. L’aéroport était plein d’Occidentaux qui quittaient le pays et qui rentraient chez eux. Une bonne partie avait des masques. C’est fou comme aujourd’hui on s’est plutôt bien habitués à voir des gens porter des masques mais à ce moment-là ça m’avait noué la gorge, c’était tellement absurde. C’était d’autant plus absurde que je n’aurais jamais cru quitter un jour l’Égypte dans l’urgence. Je m’étais toujours préparée à de nouveaux troubles, des manifestations, une instabilité politique et j’étais prête à rester pour être présente avec mes amis. Jamais je n’aurais imaginé devoir partir en raison d’une crise sanitaire. Bien sûr, j’aurais pu choisir de rester, mais en plus des raisons énoncées plus haut, je trouvais insensé de risquer d’être contaminée et de prendre la place d’un Égyptien dans un système de santé aussi précaire que celui de l’Égypte.

Je suis donc rentrée en France le mercredi 18 mars, après une nuit à attendre, une escale totalement vide à Rome et un autre avion lui aussi quasiment vide jusqu’à Marseille.

Ensuite j’ai hiberné quasiment tout le temps du confinement. Les cours en ligne se sont finalement mis en place avec mon école, je me levais tôt le matin, préparais mes cours, répondais aux questions des filles (j’enseignais dans un collège de filles) puis donnais mes cours en ligne et en début d’après-midi, j’étais libre. Je passais la majeure partie de mon temps à lire, j’ai pu alimenter mon compte Instagram dédié à la lecture de plusieurs articles (@carlota_amila) et avancé mon challenge annuel (lire 30 livres en 2020).

J’ai aussi pris l’habitude d’aller me promener une heure chaque soir autour de chez mes parents qui vivent à la campagne. Je savais la chance que j’avais d’avoir accès aussi facilement à la nature.

 

Poser mes valises chez mes parents m’a fait un bien fou. Depuis plusieurs années j’avais un appartement dans le centre-ville d’Avignon que je sous-louais lorsque j’étais en voyage ou bien depuis que je vivais en Égypte. La gestion à distance de cette colocation en sous-loc n’était absolument pas facile à gérer mais je n’arrivais pas à me résoudre à rendre cet appartement. C’est un appartement que j’avais beaucoup investi, dans lequel je me plaisais beaucoup et qui était mon pied-à-terre de sécurité. Pourtant en rentrant en mars, j’ai compris que quelque chose avait changé. Je crois que j’avais commencé à ressentir ça au tout début de l’année 2020. Quand je suis rentrée en France pour Noël 2019 et que je suis allée dans mon appartement au tout début de janvier, je n’avais pas du tout envie de le laisser. Puis je suis partie en voyage une semaine à Istanbul avant de rentrer chez moi dans mon appartement au Caire. Ce soir-là quand je suis arrivée dans mon appartement égyptien, je me suis sentie tellement heureuse d’être chez moi. J’avais un peu peur de rentrer seule alors qu’en partant à Noël j’étais accompagnée, et finalement je suis arrivée heureuse et sereine. A partir de ce moment-là je crois que quelque chose a changé et que je me suis détachée de mon pied-à-terre avignonnais.

Quand je suis rentrée en France et que je suis allée voir l’appartement au mois d’avril pour un petit problème d’électricité, je l’ai ressenti tout de suite en y entrant, ce n’était plus chez moi, j’avais coupé le lien, le deuil était fait. Et puis un autre évènement m’avait également certainement aidé à me faire à l’idée de le rendre…

Depuis peu, j’avais décidé de postuler pour essayer de trouver un nouveau contrat pour septembre 2020. Avec la crise du covid, il paraissait clair qu’il ne serait pas possible de repartir voyager tout de suite. De plus, le fait de rentrer en France m’avait confirmé que je n’avais pas vraiment envie de rester là. J’étais contente d’être là, de profiter de cette pause impromptue et n’avais pas de problème à l’idée de rester jusqu’en septembre mais pas plus. Quelques jours avant cette visite à mon appartement, une offre d’emploi avait été publiée sur l’un des sites de recrutement pour les écoles dans le monde : un poste de professeur de français se libérait au lycée français de Damas. Quand j’ai vu l’annonce, mon cœur a manqué un battement et je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Damas quand même, c’est quelque chose. Mais ce serait pas un peu fou d’y aller ? Je serais prête à me relancer dans une aventure aussi intense ? Mon petit cœur va supporter des émotions pareilles alors que je me remets tout juste de la Palestine ? Peut-être que j’ai besoin d’y aller pour en avoir le cœur net… Si je n’essaie pas, je ne saurai pas si je suis faite pour cette vie ou non… Et puis bon Damas, c’est là que Salah El Din est enterré et je suis quand même quasiment sûre qu’on était mariés dans une autre vie lui et moi, c’est pas un signe ça ?

Finalement je me suis lancée, j’ai postulé et j’ai été prise.

Fin avril donc, la décision était prise : dans quelques mois je quitte la France pour m’installer à Damas !

Le temps de régler cette histoire d’appartement, les papiers qui vont avec, profiter de l’été, faire les valises et c’est parti pour de nouvelles aventures 😊

A suivre : le départ et les péripéties qui vont avec !

Je déménage… en Syrie ! – Partie 1