Il m’en a fallu du temps pour m’aimer. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu du mal avec ma propre personne.
Mon hypersensibilité était mal perçue par les autres enfants, je fus de plus en plus harcelée à l’école, j’étais mise de côté, moquée, détestée. Et je les croyais. Je me détestais aussi. Je me trouvais horrible, moche, inintéressante et faible. Je ne disais rien, j’ai menti à mes parents pendant des années, je leur faisais croire que j’avais des amis et que des garçons étaient amoureux de moi. Parce que j’étais persuadée que s’ils apprenaient la vérité, ils seraient déçus et me verraient comme les autres.
Mon arrivée au lycée a tout changé. Je quittais enfin les critères étriqués de ce que voulait dire être quelqu’un de « cool » pour entrer dans une nouvelle ère. J’ai eu la chance d’aller dans un lycée où être différent était particulièrement apprécié. J’ai commencé à me laisser aller. Une explosion de couleurs ! Les jupes par-dessus les pantalons, les atébas en laine dans les cheveux, les t-shirts à l’effigie de mes groupes préférés. Sous des couches et des couches de vêtements lentement je pansais mes blessures, j’apprenais à être moi-même, j’expérimentais. Les moqueries étaient loin. A part le douloureux chemin du retour à la maison le soir après les cours où j’étais insultée par les gens de l’endroit où j’habitais, je rentrais vite chez moi pour me retrouver dans mon espace à moi, ma chambre, mon antre.
L’université a été un nouveau choc pour moi. Un changement radical de style de vie loin du cocon du lycée où l’on se connaissait presque tous. L’anonymat dans cette masse me faisait peur et tout à coup je perdais tous les repères que j’avais réussi à construire. Je devais tout recommencer mais je n’en avais pas la force. Je devais changer, devenir une jeune femme mais j’étais tellement loin de tout ça. J’ai fait beaucoup de mauvais choix. Mais j’ai pourtant fait un choix important juste à ce moment-là, qui pourtant à l’époque semblait complètement irrationnel et m’a d’ailleurs mise par terre : je me suis choisie. J’ai renoncé au couple de rêve parce que je savais que ce n’était pas ce que je voulais vivre. Et je savais déjà à ce moment-là, que ce que je voulais c’était une vie de passion, et que, aussi banal que cela puisse sonner, je devais d’abord commencer la quête la plus importante : me trouver.
J’avais 18 ans, et les 15 années qui ont suivi ont été mouvementées, passionnées, fragiles, merveilleuses, torturées, fantastiques… vivantes.
A 33 ans, je n’ai aucun regret sur les choix que j’ai faits quand j’avais 18 ans, ni tous les autres d’ailleurs. Ils n’ont pas tous été bons mais ils m’ont tous forgés. Le chemin n’a pas toujours été facile mais il m’a menée dans de merveilleux endroits et surtout à la rencontre de personnes fabuleuses.
Je ne m’aime pas tous les jours. Il y a encore des matins où je me réveille avec l’envie de ne pas croiser ma tête dans le miroir. Pas physiquement mais mentalement, parce que je réfléchis trop, que je me pose 1000 questions, est-ce que je suis assez bien ? Est-ce que ce que je fais a du sens ? Est-ce que j’apporte une quelconque pierre à l’édifice ? Qu’est-ce que je change réellement dans ce monde ?
Aujourd’hui en ce 14 février 2021, je viens de réaliser que j’avais passé la journée avec moi-même à m’occuper de moi sans m’en rendre compte. Je me suis fait un petit repas, j’ai mis de l’huile dans mes cheveux, fait mes ongles et regardé Grey’s Anatomy sous ma petite couverture dans mon appartement damascène. Et j’étais bien. La seule présence dont j’avais réellement besoin, la seule chose qui pouvait me permettre de faire le point après ces quelques semaines intenses de travail où j’ai fini épuisée.
J’avais une amie qui me disait que j’étais toujours « trop ». C’est vrai que je suis souvent dans l’excès. Je ne sais pas prendre de demi-décision, aimer modérément, je pleure pour des pubs, je m’enthousiasme pour beaucoup de choses, j’ai toujours 100 passions et 1000 projets, je suis souvent trop contente et j’ai trop hâte de la suite.
Mais est-ce qu’on peut vraiment être trop ? Je préfère trop vivre que de mourir en ayant trop de remords, ça serait bien trop triste.
Puisque, et même si je suis très bien entourée, la seule personne avec qui je vivrai toute ma vie, ce sera toi Carlota, sache que je t’aime, avec toutes tes imperfections, tes excès, tes sautes d’humeur, tous tes projets inachevés, mais aussi tous ceux que tu as achevés, la vie que tu as choisie d’avoir et que tu t’es construite, ton cœur plein d’amour et d’espoir dans ce monde qui te fait pourtant bien souvent trembler.
On continue notre route ensemble, toi et moi, et pour toujours <3