À peine une semaine après le retour de mon petit voyage sur la côte syrienne (ici et ), je reprends la route pour un nouveau périple et ma première destination est Hama.

Pour le départ, on m’avait dit que je pouvais prendre le bus à la gare routière de Qaboon (là où j’étais arrivée au retour de Lattaquié, au milieu des ruines). Je rejoins donc mon collègue Grégory avec qui je vais passer ce long week-end, place des Omeyyades vers 8h30 puis nous prenons le taxi qui nous y emmène. Une fois arrivée, je me dirige vers le guichet de la compagnie de bus qui est censée partir à Hama. Il y a bien un bus mais à 12h30 et il est 9h… Je fais le tour des autres guichets, pas de bus. Un homme me confirme que la seule compagnie qui part aujourd’hui pour Hama est celle où j’ai demandé en premier. Je me dirige donc vers le soldat qui est à l’entrée de la gare routière pour voir s’il a des infos sur un minibus ou un van qui partirait d’ici pour Hama. Il me dit qu’ici il n’y en a pas mais que je peux tenter d’aller à « Karaj el Abaseen » et qu’il y en a certainement là-bas. Comme nous avons le temps d’aller voir et au pire de faire l’aller-retour, on décide de tenter le coup. Nous prenons un taxi qui nous y emmène rapidement, c’est en réalité à deux pas. Là-bas, je demande à une sorte de guichet qui me dirige vers un minibus, mais celui-ci est plein. Le chauffeur me dirige alors vers un autre chauffeur, d’un van cette fois-ci. Il part bien à Hama, il faut maintenant attendre que le van se remplisse. Nous attendons 10 minutes puis le chauffeur du van revient vers nous pour nous envoyer vers un minibus qui vient d’arriver et où il reste quelques places pour Hama. Nous voici donc (enfin) installés et quelques minutes plus tard le minibus part, il est 10h30.

C’est un vieux minibus, tout coloré, sans clim avec des fauteuils peu confortables mais le voyage se passe bien.

Il nous faudra 3 heures pour rejoindre Hama. Le minibus nous descend près du centre-ville, j’ai repéré l’hôtel sur Maps, nous sommes à 20 minutes de marche. Arrivés à l’hôtel, nous sommes agréablement surpris. L’hôtel avait l’air très sympa sur les photos Google mais on ne sait jamais ce que l’on va réellement trouver. Nous sommes accueillis par le gérant, très heureux de voir des étrangers débarquer dans son hôtel. Il nous raconte les heures de gloire de l’hôtel, cette autre époque où la Syrie regorgeait d’étrangers venus découvrir ses merveilles. C’est une phrase que j’entends tout le temps, évidemment, « avant la guerre » ou « avant les évènements », « avant la crise ». Les yeux des personnes qui prononcent cette phrase se voilent un peu et ils se plongent alors dans leurs souvenirs. C’était le temps où la Syrie connaissait un véritable essor touristique et économique, où les étrangers venaient visiter le pays ou étudier l’arabe à Damas. Aujourd’hui les étrangers sont partis, une partie du pays est en ruine, l’économie s’effondre chaque jour un peu plus avec les sanctions et tout est compliqué.

Le patio de l’hôtel où nous avons pris le petit-déjeuner le lendemain.
Ma chambre.

Nous prenons possession de nos chambres, le temps de poser nos affaires, de se rafraichir un peu, puis nous repartons en direction de la veille ville. J’ai hâte. J’attendais ce voyage quasiment depuis mon arrivée à Damas en septembre dernier. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais une irrésistible envie de me rendre à Hama. Nous marchons une dizaine de minutes puis arrivons enfin à la vieille ville et apercevons enfin les premières norias : ces énormes roues qui tournent et qui servaient autrefois à approvisionner toute la ville en eau. C’est le week-end de l’Eid, tout le monde semble s’être donné rendez-vous sur l’esplanade ou dans les rues. La vieille ville est bondée. Les familles se promènent, mangent une glace, prennent des photos, des jeunes se baignent dans l’Oronte, faisant des sauts depuis la balustrade, d’autres pêchent tranquillement.

Nous sommes émerveillés par ce spectacle. Les gens, l’activité, le jardin, les norias… et leur bruit ! Je ne m’attendais pas à ça ! Ça fait un boucan dingue. Aussi hypnotisant que leur mouvement infini.

Alors oui, c’est beau mais moi, j’ai faim. Il est près de 15h et je n’ai rien mangé depuis le petit-déjeuner à 7h30. Je repère un petit restaurant non loin de là qui a l’air pas mal. Effectivement il est très beau, bondé lui aussi par les familles qui se réunissent pour célébrer l’Eid. Le lieu est très beau, la nourriture délicieuse et nous passons un très bon moment. Nous sommes accueillis comme des rois et on nous offre les cafés et le dessert. Enfin rassasiés, nous sommes prêts à repartir à la découverte de la ville. Nous découvrons les petites rues, les pierres de couleur claire, les beaux bâtiments et les petits jardins aménagés qui longent l’Oronte.

Puis nous nous dirigeons vers « la citadelle ». Enfin, c’est ce que je croyais. La citadelle est censée se trouver en haut d’une colline près de la vieille ville, nous nous y dirigeons donc et montons en son sommet. Une fois arrivés, le lieu n’est pas très grand et je cherche des yeux la fameuse citadelle, en vain. Jusqu’à ce que Grégory s’écrie « Ah voilà le fameux cratère ! ».  La citadelle est en fait un petit amas de pierre au fond d’un cratère. Une citadelle avait été retrouvée et des fouilles entreprises avant d’être abandonnées ce qui explique l’état du site. Je suis tellement déçue et désintéressée que je n’en ai même pas pris une photo. Je préfère faire le tour de cette colline et observer la ville d’en haut.

Nous descendons ensuite de cette petite colline et nous promenons dans la vieille ville jusqu’à un restaurant donnant sur d’autres norias. Nous profitons de notre boisson citron/menthe et admirons la vue. Le temps est parfait, c’est la golden hour et la ville resplendit sous ce rayon doré.

Nous reprenons la promenade, dans l’autre sens pour nous rediriger vers l’esplanade du départ. Il y a encore plus de gens que tout à l’heure dans les rues. Il fait meilleur, les gens sortent pour profiter début de soirée. Tout le monde nous regarde et la curiosité l’emporte chez un groupe d’adolescents fascinés par l’appareil photo de Grégory. Ils lui tapent gentiment sur l’épaule et désigne l’appareil photo, ils veulent regarder. Puis ils posent des questions à Grégory « Tu es russe ? ». Cette question, c’est LA question que les quelques étrangers présents en Syrie entendent constamment. Cela est dû évidemment à la présence russe dans le pays. C’est drôle parce qu’en réalité, on ne les voit pas. Il y a à priori une grosse communauté russe en Syrie, on me l’a confirmé de source sûre, mais je n’en ai jamais croisé aucun. Ça fait un drôle d’effet, une présence mystérieuse, fantomatique.

Une fois que Grégory a épuisé ce qu’il connait en arabe, il me passe le relais. Je continue la discussion avec le groupe d’adolescents. Ils veulent savoir d’où nous venons, ce qu’on fait ici, si on est mariés, ce que je pense du pays, si j’aime, comment ça se fait que je parle arabe, question à laquelle je réponds que j’ai habité 3 ans en Égypte et que j’y ai appris l’arabe là-bas, et à laquelle il me pose ainsi l’éternelle question suite à ma réponse : « Alors c’est quoi le mieux ? L’Égypte ou la Syrie ? ». Ce à quoi je réponds toujours que « c’est simplement différent » ce qui ne satisfait généralement pas mes interlocuteurs et qui me vaut d’autres questions.

Les garçons sont adorables, simplement curieux et heureux de voir d’autres personnes. Après quelques photos, on se dit au revoir. Puis nous continuons notre promenade et de nombreuses personnes viendront nous aborder pour nous demander « Vous êtes russes ? ». Après une bonne promenade, un gros bain de foule et des dizaines de photos (surtout pour Grégory, les gens osent moins m’aborder, certainement parce que je suis une femme et que nous voyant ensemble ils doivent penser que nous sommes mariés et il ne serait alors pas très respectueux de venir m’aborder), nous finissons par prendre le chemin pour retourner à l’hôtel et je m’endors tôt épuisée.

Le lendemain matin, Grégory et moi nous retrouvons dans le hall de l’hôtel. Nous avons décidé de prendre le petit-déjeuner ici puis d’aller nous promener dans la vieille ville et d’essayer de visiter la mosquée Nour al-din et le palais Azem. L’endroit où nous prenons le petit-déjeuner dans l’hôtel est très beau mais nous attendrons plus d’une heure pour pouvoir déguster notre pain avec du beurre et de la confiture, et nos œufs brouillés. Pourtant ils sont cinq ce matin-là et semblent s’affairer… dans le vide. Une fois le petit-déjeuner dégusté, nous partons en direction du palais Azem. Il était fermé la veille et en Syrie actuellement on ne sait jamais si les lieux seront ouverts, beaucoup étant fermés en raison : de la guerre, de rénovations, ou bien du covid.

Par chance, le palais Azem est ouvert et notre visite ne nous décevra pas.

Nous visitons ensuite la petite mosquée Nour Al-Din. Il faut attendre l’heure de la prière pour pénétrer dans son enceinte, elle reste fermée le reste du temps.

Après une nouvelle balade, nous voulons à nouveau profiter de la vue du restaurant dans lequel nous avions bu une limonade la veille. Cette fois-ci nous sommes à l’intérieur mais la vue en vaut également complètement la peine. Hama est décidément un coup de cœur.

Nous faisons ensuite nos adieux aux norias et à la vieille ville avant de nous diriger vers l’hôtel où nous avons laissé nos sacs. Nous y croisons le gérant qui nous indique comment nous rendre à la gare routière pour prendre le bus en direction de notre prochaine destination : Homs.

Chronique syrienne #13 – La belle Hama