LECTURES 2021 – TOP 10

Il n’est jamais trop tard pour un bilan lectures de 2021… Si ?

 

  1. Les cerfs-volants de Kaboul

J’ai enfin lu ce best-seller passionnant qui trônait depuis des années sur ma to-read list. Et je n’ai pas été déçue. Dès les premières lignes, l’amitié entre Amir et Hassan nous captive et l’intrigue nous tiendra en haleine jusqu’à la fin. Un beau roman qui m’a fait passer du rire aux larmes, de la compassion à la colère et m’aura donné envie d’en savoir plus sur ce pays aussi mystérieux que fascinant : l’Afghanistan.

  1. Il nous reste les mots

Ce livre est un dialogue réel entre Georges Salines, le père d’une victime de l’attentat du Bataclan, et Azdyne Amimour, le père de l’un des terroristes. J’ai été touchée par le courage et l’humanité de ces deux hommes qui décident de se rencontrer et de dialoguer malgré la tragédie. Car le dialogue est nécessaire pour comprendre l’incompréhensible et éviter l’amalgame et la division. Poignant.

  1. Barberousse

La première autobiographie publiée du corsaire Barberousse nous emmène à la découverte d’une autre facette du pirate : celle de l’homme musulman qui a dédié sa vie à la protection de l’Islam et de l’Empire Ottoman. Passionnant !

  1. Mon port de Beyrouth

J’ai été, comme tout le monde, complètement abasourdie par les images de l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. Je n’ai pu m’empêcher de me demander pourquoi le sort s’acharnait-il autant sur les Libanais depuis des décennies. Pour témoigner de l’horreur et rendre hommage aux victimes, Lamia Ziade livre une œuvre utile, aussi belle que triste, mêlant l’Histoire du Liban et son histoire personnelle pour tenter de comprendre comment le Liban a pu en arriver là et demander justice pour un peuple meurtri par un gouvernement sans pitié.

  1. Une poignée d’étoiles

Ce roman syrien prend la forme d’un journal intime écrit par un adolescent damascène vivant dans la vieille ville de la capitale. Voulant devenir journaliste, il y dépeint le quotidien de son quartier : les habitudes, les coutumes. Jusqu’au jour où il rencontrera un vrai journaliste et prendra conscience des difficultés de ce métier pour devenir de plus en plus critique sur son pays et son gouvernement. Une pépite.

  1. Impasse des deux palais

Je fais partie des inconditionnelles de Naguib Mahfouz. J’aime sa manière de peindre ses livres : sa façon de dresser des portraits si réalistes de ses personnages que l’on a l’impression de les connaître et de faire partie de leur vie, sa façon de mélanger l’histoire et l’Histoire, de témoigner d’un temps et de ses mœurs et traditions. L’œuvre de Mahfouz est puissante et nécessaire, elle est la mémoire d’une époque de l’Égypte. Dans « Impasse des deux palais », premier volet de la Trilogie égyptienne, on découvre une famille traditionnelle égyptienne du vieux Caire islamique, les relations entre les différents personnages de l’histoire, leurs pensées, leurs caractéristiques, tout cela sur fond de première guerre mondiale et de Révolution égyptienne pour l’indépendance face aux Anglais.

  1. Les femmes aussi sont du voyage

Cet essai féministe est aussi agréable que nécessaire pour reconsidérer la place des femmes voyageuses dans notre société et leur invisibilisation constante au profit des discours masculins. Pour toutes les femmes qui doutent car elles ont pris un chemin différent dans leur vie que celui que la société attend de nous, ce livre est un rappel que nos choix sont notre force et que nous sommes les dignes maîtresses de nos vies !

  1. La vie de Muhammad

Cette biographie du Prophète m’a été plusieurs fois recommandée et je ne peux confirmer la force de cette œuvre. Connaître la vie du Prophète est important pour mieux comprendre l’arrivée de l’Islam, son expansion aussi rapide et l’importance de cette figure majeure de l’Islam.

  1. Léon l’Africain

J’aime ces livres qui vous embarquent pour une aventure passionnante en retraçant la vie trépidante d’un personnage. « Léon l’Africain » est une épopée à travers la vie d’un homme qui en a eu plusieurs, du Maroc à l’Italie, en passant par l’Égypte. C’est le genre de roman qui vous montre que la vie est toujours pleine de surprises et qu’il suffit de lâcher prise pour que tout reparte et que vous embarquiez dans une merveilleuse aventure.

  1. Boussole

C’est l’histoire d’un homme qui replonge dans ses souvenirs entre Vienne et le Moyen-Orient, ses voyages et pérégrinations à travers cette région fascinante, sa passion pour l’histoire, les voyages et la musique, son histoire d’amour avortée et ses réflexions incessantes. L’œuvre est un puits de sources et de références qui en a dérouté certains, mais qui ont personnellement fait mon bonheur. C’est l’un des rares livres que j’ai envie de lire et relire.

J’espère que cette sélection vous aura plu ! Pour retrouver le top lectures de l’année 2020, c’est ici !

Escale libanaise – Beyrouth

Après cinq semaines passées en France, j’étais de retour au Moyen-Orient le 11 août.

Ayant encore quelques semaines devant moi avant la rentrée des classes à Damas, j’avais envie de faire un petit séjour à Beyrouth. Je suis déjà passée plusieurs fois dans la capitale libanaise, elle est l’escale obligatoire pour pouvoir me rendre chez moi à Damas. Mais je ne m’étais jamais arrêtée assez longtemps pour pouvoir la visiter.

Mercredi 11 août donc, je fais mes adieux à Paris et à la France et m’envole pour le Liban. J’arrive à Beyrouth vers 15h35, le temps de passer la douane, de faire un test PCR à l’aéroport (gratuit mais obligatoire même vaccinée) et de récupérer mes bagages, le taxi m’attend déjà dans le hall d’arrivée. Sur le chemin, j’entends bien qu’il y a un petit bruit bizarre mais je sais que la plupart des voitures ont des soucis et qu’avec les problèmes économiques au Moyen-Orient, les compagnies et les chauffeurs doivent faire avec. En Syrie, il y a également le problème de ravitaillement des pièces détachées parfois impossibles à faire venir dans le pays à cause des sanctions. C’est le système de la débrouille qui prend alors le dessus. Au bout d’un moment, alors que le chauffeur s’engage dans la mauvaise allée et qu’il freine brutalement comprenant son erreur, l’embrayage produit un bruit de très mauvais augure et le moteur s’arrête. Impossible alors de redémarrer la voiture. Le chauffeur descend de voiture et demande à un livreur à scooter de l’aider quelques minutes mais l’homme lui fait signe qu’il est pressé et qu’il doit partir. Le chauffeur arrête alors une voiture qui arrive derrière nous et les deux hommes se mettent à pousser la voiture avant que le chauffeur ne grimpe rapidement au volant pour redémarrer le taxi qui, cette fois-ci, obéit. Nous voilà repartis. Quelques minutes plus tard, nous arrivons devant l’appartement de mon amie qui n’est pas là en ce moment mais qui me le prête. Je connais les lieux car à chaque fois que je m’arrête à Beyrouth, à part la toute première fois il y a quasiment un an, c’est désormais chez elle que je fais escale. Le coiffeur d’à côté sait très bien pour qui je viens et me donne tout de suite l’étage de chez mon amie. Dans ces rues, tout se sait.

Il n’y a pas d’électricité, Beyrouth traverse une crise économique et une pénurie d’essence sans précédent. Au Liban comme en Syrie, l’électricité est produite à partir du mazout, la pénurie de mazout explique ainsi les coupures d’électricité. La plupart des maisons et appartements ont des générateurs privés depuis des années mais en ce moment, même ces derniers ne fonctionnent pas toujours. Voyant mes deux grosses valises, la concierge de l’immeuble demande au coiffeur justement de mettre en marche le générateur pour que je puisse hisser mes valises jusqu’au sixième étage où réside mon amie. C’est chose faite, me voilà installée à Beyrouth pour quelques semaines. Il est 17h, je suis épuisée et trempée par cette chaleur humide qui caractérise si bien la capitale libanaise. Je pose mes valises, prend une bonne douche froide et me couche pour une bonne sieste de deux heures.

A mon réveil, je me sens sereine. Je suis seule, enfin. Pendant les cinq dernières semaines, j’ai été constamment avec du monde, parfois seule pour la journée chez mes parents lorsque ces derniers travaillaient mais ce n’est pas la même chose que la perspective de pouvoir être seule aussi longtemps que je le souhaite. Ça peut en effrayer certains mais cela ne me dérange pas, c’est même nécessaire pour moi. J’aime ces moments de solitude où mon esprit a tout l’espace dont il a besoin pour vagabonder, pour rêver, pour imaginer. J’ai besoin de temps pour lire, pour écrire, pour faire des recherches sur les différents sujets qui me passionnent. Ce soir-là donc, je prends du temps pour moi, je cuisine rapidement des spaghettis et je me cale dans mon lit avec Instagram à la recherche de bons plans pour Beyrouth.

Le lendemain, après une bonne grasse matinée, je pars d’abord me restaurer près de chez mon amie. La dernière fois que je suis venue, nous avions dîner et pris un verre dans ce restaurant à quelques rues de chez elle, la Ménagerie. Je décide de m’y installer, je sais que le lieu est sympa et la nourriture est bonne.

Il n’y a toujours pas d’électricité et le générateur ne fait que sauter. Il fait une chaleur dingue, je commande un café froid pour tenter de me rafraichir après le repas.

Une fois restaurée, je pars à la conquête du quartier dans lequel je loge : Achrafieh. Je suis sous le charme. J’adore le mélange d’architectures, reflet de l’histoire tumultueuse de Beyrouth.

Le but de ma promenade est également de prendre mes repères dans le quartier et de trouver où faire mes courses. Je trouve un petit primeur où j’achète quelques fruits et légumes, ainsi qu’un supermarché où je me doute que les prix seront exorbitants mais je marche depuis deux heures sous une chaleur écrasante en pleine après-midi, je veux juste acheter de quoi faire un apéro ce soir et prendre mon petit-déjeuner le lendemain. Comme d’habitude, je me mélange les pinceaux entre mes différents dialectes arabes pour dire le mot lait. Ça fait bien rire tout le monde, moi y compris.

Le soir, j’ai donné rendez-vous chez mon amie à une copine. Le petit monde des Orientalistes a encore frappé. Je m’explique : il y a maintenant 17 ans (ouch), quand j’étais en première à Avignon, j’étais dans la classe d’une certaine Laura avec qui je m’entendais bien mais chacune avait son groupe d’amis et vivait sa vie. Nous avons totalement perdu contact après le lycée. Il y a deux ans, alors que je vivais au Caire, je louais toujours un appartement à Avignon que je sous-louais. Je cherchais quelqu’un pour sous-louer ma chambre et j’avais mis une annonce sur Leboncoin. Je reçois un jour un coup de téléphone d’une personne qui me dit qu’elle est intéressée par l’annonce et qu’elle a flashé sur le poster Visit Palestine qui trône dans le salon.

On commence à discuter, elle aime le Moyen-Orient, a passé beaucoup de temps en Palestine et a habité un an à Damas en 2010/2011 (je n’avais, au moment de cet appel, aucun lien avec la Syrie et aucun projet d’aller y vivre un jour). On finit par s’envoyer des mails pour régler la sous-location et c’est en voyant nos noms de famille respectifs que l’on s’aperçoit que nous avons en fait été ensemble en classe au lycée ! Laura a donc vécu un an dans ma chambre avignonnaise jusqu’à ce que je rende définitivement l’appartement l’année dernière avant mon déménagement en Syrie. Nous avons donc gardé contact et il se trouve que Laura était à Beyrouth en même temps que moi cet été sans que l’on se mette d’accord. Ça semble assez fou mais c’est en réalité très commun dans ce que l’on appelle le monde des Orientalistes, nous passons tous plus ou moins par les mêmes bases qui sont généralement Beyrouth, Le Caire et Amman aujourd’hui. Il y a donc en réalité beaucoup de chances de se croiser. Nous voici donc avec Laura, 17 ans après notre classe de première, à boire une bière sur une terrasse à Beyrouth.

Le lendemain, je me plonge dans la lecture du merveilleux « Les femmes aussi sont du voyage » de Lucie Azéma et passe aussi du temps à écrire. En fin d’après-midi, je pars rejoindre Laura à la mosquée Mohamed El Amin et nous nous promenons dans ce que l’on appelle le « centre-ville » qui était, il n’y pas si longtemps, l’un des cœurs de Beyrouth. C’était un quartier très animé, jonché de boutiques de luxe, de cafés et de restaurants. Malheureusement, avec l’explosion du port le 4 août 2020 et les différentes manifestations qui secouent le pays depuis, le quartier est devenu une zone fantôme.

Nous nous mettons à la recherche d’un café avec le wifi, donc avec l’électricité, pour pouvoir contacter Nadine, l’amie de Laura qui doit venir nous récupérer et avec qui nous allons passer la soirée. Après de multiples échecs, nous finissons par trouver un café très chic qui a l’électricité. Nous prenons un verre et Laura contacte son amie. Nadine est libanaise, de Beyrouth. Elle est avocate et parle très bien français. Elle nous récupère au café et nous emmène faire un petit tour de la ville. Elle a réussi à trouver de l’essence. Elle nous emmène ensuite dans le quartier de Hamra et plus particulièrement dans le restaurant Tamarbouta, petit restaurant très sympa qui sert de la très bonne cuisine libanaise. Nous dégustons nos mezzehs et parlons histoire et politique du Liban, de la Syrie et de l’Égypte. Je suis aux anges. Nadine m’apprend quelques expressions en arabe libanais et nous passons un très agréable moment.

Nous quittons le restaurant et Nadine me ramène chez moi. Sur le chemin, dans une rue de Achrafieh, elle m’apprend que c’est là où vit Carlos Gohn. Ah.

Je passe la plupart de mes journées à lire et à écrire chez mon amie. Je profite de la solitude, je sens que j’ai beaucoup de choses à poser sur le papier. Il fait également très chaud, j’attends la fin de l’après-midi pour aller marcher un peu.

Je passe tout de même certaines journées de façon plus active que d’autres. Un mercredi par exemple, nous décidons avec Laura d’aller visiter le musée national de Beyrouth. Nous traversons les différentes époques du pays et apprenons que pendant la guerre civile, certaines œuvres ont été scellées dans du béton afin de les protéger. C’était la première fois qu’une telle initiative était entreprise.

Après un déjeuner autour de quelques mezzehs avec Nadine, nous nous dirigeons, en pleine chaleur et avec un GPS capricieux, vers le Beirut Art Center dont j’avais appris l’existence la veille. Je suis tombée en cherchant où acheter une édition de roman graphique collectif dont j’avais entendu parler dans le génial documentaire « Crayons au poing » qui présente 4 dessinatrices du monde arabe. Lena Merhej, dessinatrice libanaise, a publié certaines de ses illustrations dans cette revue Samandal. Nous en profitons donc pour visiter les lieux et les expositions temporaires, plus ou moins réussies, présentées.

C’est ce soir-là également que Nadine nous fait la surprise de nous inviter dans un haut-lieu de la vie culturelle libanaise Metro al Medina où se jouent des reprises de chansons palestiniennes et égyptiennes de la première moitié du XXe siècle.

Un autre jour, je rejoins mon nouveau collègue qui vient intégrer l’équipe de professeurs au lycée français de Damas. Il passe également quelques jours à Beyrouth avant que nous ne prenions la route pour Damas.

Nous nous rejoignons Place des martyrs, au lieu de rassemblements et de manifestions. Les marques de la Révolution de 2019 sont bien visibles face à la mosquée Mohamed el Amine.

Nous marchons vers la petite place de l’horloge qui n’est pas toujours ouverte et est fermement gardée par plusieurs checkpoints militaires. Ici, comme dans le quartier de centre-ville qui se trouve juste en face, les lieux semblent déserts, fantômes.

Nous continuons notre marche, Pierre a besoin d’un café et d’internet, nous nous mettons donc en quête d’un café ouvert où l’électricité fonctionne, chose encore une fois non aisée à Beyrouth. Nous finissons par entrer rapidement dans le café Métropole où j’ai l’impression d’être dans le café le plus cher de Paris. Tout est écrit en français, même les serveurs parlent français et la décoration est luxueuse. Évidemment, les prix aussi sont luxueux. On se contentera donc d’un café. Nous continuons ensuite notre route à travers les différents quartiers de Beyrouth, jalonnés d’immeubles tour à tour magnifiques, traditionnels, modernes ou tombant en décrépitude. Ce qui me frappe, c’est la coexistence de tous ces contrastes, ces bâtiments se trouvent les uns à côté des autres. Métaphore de l’histoire mais aussi de la complexité du Liban et de ses habitants.

Les rues sont quasiment vides, très peu animées. Beyrouth, à l’exception de quelques lieux, est plongée dans la torpeur. Les Libanais que j’ai rencontrés pendant mon séjour m’ont dit que cela était très inhabituel, que l’été est normalement synonyme de fête car les Libanais qui vivent à l’étranger rentrent chez eux, sortent, tout le monde profite de la ville et de l’été. Mais cet été, le pays semble anormalement silencieux.

J’emmène Pierre manger dans le restaurant Tamarbouta où Nadine nous avait emmenées Laura et moi. La cour intérieure est rafraichie par les ventilateurs et nous passons un long moment à discuter et apprécier notre nourriture après cette longue marche sous le soleil.

Un soir, je décide de me rapprocher du port et du lieu de l’explosion. Comme bon nombre d’entre nous, j’ai suivi l’année dernière, atterrée et impuissante, l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. J’ai passé et repassé les vidéos de ce champignon, les images du désespoir, un goût d’apocalypse, puis l’organisation et l’humanité immédiate d’un peuple face à un état totalement démissionnaire. Le quartier où je loge est tout près du port, j’y suis donc descendue à pied. J’avais déjà aperçu les silos de loin en me promenant dans la ville mais je voulais voir de plus près où en étaient les lieux un an après. En traversant le quartier tout autour des silos, les traces de l’explosion sont toujours visibles, de plus en plus au fur et à mesure que l’on s’approche.

En partant pour Tripoli quelques jours plus tard, le bus nous a fait prendre l’autoroute longeant le port, par l’autre côté. Ici, c’est toute la fureur des Libanais, mélangée aux hommages aux victimes, qui s’exprime.

J’ai accompagné cette visite des lieux par la lecture du roman graphique Mon port de Beyrouth par Lamia Ziadé. L’autrice revient sur la chronologie du drame, mais nous apporte aussi un arrière-plan historique sur le Liban qui nous permet de comprendre un peu mieux comment le pays a pu en arriver là.

Un jour, je suis passée dans une petite librairie que j’avais repérée. Quelques minutes après notre entrée, l’électricité coupe. Quand le générateur se remet en marche, l’homme et la femme qui tiennent la librairie s’excusent et nous discutons un peu. L’homme a perdu toutes ses économies : lors de la crise économique de 2019, les comptes bancaires libanais ont été gelés, les gens ne pouvaient pas retirer leur argent. Puis la valeur de la livre libanaise a chuté de manière vertigineuse et les économies de la plupart des Libanais ne valent donc plus rien aujourd’hui. L’homme, comme beaucoup de Libanais, pense à partir, que faire d’autre ? Ils sont désespérés. Il n’y a plus d’électricité, plus d’essence, plus d’argent, plus de médicaments. Et le pire c’est que la plupart de ces produits ne sont pas juste introuvables, ils sont détenus par quelques mafias qui les mettent de côté, soit pour ne pas en manquer, soit pour créer cette pénurie, hausser les prix et ainsi s’enrichir.

Quel avenir pour le Liban ? Je n’ai jamais vu des gens aussi nationalistes que les Libanais. Ils aiment et défendent corps et âme ce petit bout de terre qui ne porte son nom que depuis cent ans. Quelle tristesse de voir tous ces gens forcés de partir d’un lieu qu’ils aiment tant parce que leur gouvernement n’a pour eux que la mort ou la misère.

« Mais t’as pas peur ? » – Être une femme qui voyage.

Ma récente lecture du livre « Les femmes aussi sont du voyage » de Lucie Azema m’a énormément travaillée. Surtout après les questionnements qui ont traversé mon été. Ce livre tombait à pic. J’ai parfois l’impression que le destin nous guide vers un livre, comme s’il était la réponse que l’on attendait. Ce fut le cas ici.

« Mais t’as pas peur ? »

Combien de fois ai-je entendu cette question ? La première fois que j’ai voyagé seule, j’avais 23 ans. Je venais de me séparer de la personne avec qui j’étais depuis 4 ans et je ressentais le besoin depuis quelque temps de me prouver que je pouvais partir en voyage seule avec mon sac-à-dos. Quelques années plus tôt, c’est la lecture d’un autre livre qui m’avait beaucoup touchée et inspirée : l’autobiographie d’Agatha Christie. L’autrice mondialement connue y raconte notamment comment elle est partie seule au Moyen-Orient à une époque où les femmes ne voyageaient pas ou peu. À la fin de cette lecture, je me suis promis de partir moi aussi un jour seule.

Pour ce premier voyage en solo, la destination s’était imposée d’elle-même : mon amie Sarah travaillait à Bergen, en Norvège, pour quelques mois, je partais donc lui rendre visite quelques jours avant de partir solo dans le but de rejoindre le Cap Nord. J’ai longé la côte norvégienne, en passant par la magnifique ville de Trondheim, les îles Lofoten et Tromsö avant d’arriver dans le grand Nord au-dessus du cercle polaire. J’ai voyagé en train de nuit, campé dans une tente au bord d’une falaise avec deux jeunes que je venais de rencontrer, j’ai été récupérée dans un bus de voyageurs septuagénaires allemands qui m’ont nourrie de pommes et de bonbons, j’ai rencontré Natalie, une voyageuse australienne qui m’a amenée avec ses amis en van jusqu’au Cap Nord, je me suis cachée dans une voiture pour ne pas payer la taxe, beaucoup trop élevée, du passage vers le grand Nord, je me suis réveillée dans l’horreur de l’attaque terroriste d’Oslo, j’ai été attaquée par une mouette énorme à Tromsö, bref j’ai vécu mes premières aventures en solo.

La belle Bergen
Juillet en Norvège, en polaire.

Trondheim : un de mes coups de cœur.

Les îles Lofoten.
Des voyageurs allemands septuagénaires m’ont prise dans leur bus pour passer le cercle polaire. Nous sommes au mois de juillet et il fait 12 degrés.
Symboles du Grand Nord : les rennes.
J’y suis arrivée ! Après deux semaines seule, je suis au Cap Nord ! Derrière moi : l’Arctique !

Je me rappellerai toute ma vie de l’émotion que j’ai ressentie quand je suis enfin arrivée au Cap Nord face à cette structure métallique et face à l’Arctique. Pendant des semaines j’avais planifié ce voyage. Je m’imaginais traversant les villes, rencontrant des gens, montant petit à petit vers mon but. Tout à coup j’y étais, je l’avais fait : 2 semaines solo !

 

L’année suivante, j’avais planifié un voyage de cinq semaines en Chine avec une amie chinoise, mais quelques jours avant le départ, elle ne peut finalement pas partir. Qu’à cela ne tienne, je décide de partir quand même, seule. J’ai fait plus près de 6000 kilomètres à travers la Chine, rencontré des tonnes de personnes, dormi dans des trains, dans des bus, dans des gares, je me suis libérée de mon blocage avec la nourriture, j’ai fait du vélo avec des Tibétaines, j’ai gravi la Grande Muraille de Chine et je me suis prouvée encore une fois que j’étais capable de bien plus que ce que je ne le pensais.

Ma tenue de baroudeuse de l’époque… et ma frange !
Mon parcours : 5825 kms en 5 semaines.

La sécurité

C’est la notion qui revient le plus derrière cette question de la peur.

Bien sûr, il m’est arrivé des mésaventures en voyage, j’ai parfois eu peur, j’ai cru qu’il allait m’arriver quelque chose.

Pourtant je pense que la question autour de la notion de sécurité est en réalité bien plus profonde et révèle vraiment une manière de voir les femmes. Nous sommes éduquées en tant que femmes dans cette idée que le monde dans lequel on vit est dangereux, notre société est dangereuse mais particulièrement pour nous. Alors en tant que femme, nous devons avoir un comportement sécurisant, ne pas faire de vagues, on ne doit surtout pas se mettre en danger parce que sinon se pose la notion de la responsabilité. Lorsqu’on est une femme, c’est comme si nous étions responsables de ce qui nous arrivait parce que nous n’aurons pas écouté les conseils avisés, les recommandations, les mises en garde, les avertissements de personnes qui n’ont d’ailleurs souvent jamais mis les pieds loin de chez eux. Et s’il nous arrive quelque chose, c’est que finalement on l’a bien cherché. Cette responsabilité n’existe pas pour un homme. Un homme qui va partir, on va le trouver courageux, aventurier, on ne va pas lui poser la question, je ne pense pas que mes amis garçons qui sont partis en voyage tout seul aient entendu la fameuse question « Mais t’as pas peur ? ».

En janvier 2013, je pars en stage de fin d’études à Ouarzazate, dans le sud du Maroc.

Dans notre quotidien, nous recevons déjà une multitude de mises en garde, on va avoir peur si tu sors le soir, si tu mets un vêtement qui dévoile ta peau, etc. Déjà que la zone de confort est considérée comme dangereuse, alors partir en voyage, quitter cette zone de confort c’est comme si on avait tout un tas de dangers à affronter, c’est une sorte de transgression.

Je pense qu’il y a un équilibre à trouver. Je pense que le monde est dangereux et violent de manière générale. Mais il l’est partout. Et je pense aussi qu’il n’est pas aussi dangereux, violent et aussi foncièrement mauvais que ce qu’on l’entend. Les deux existent et cohabitent et tout dépend de l’endroit où on choisit de regarder. Il ne s’agit pas d’être naïf, il faut faire attention de manière générale dans la vie car nous pouvons tous être victimes mais il ne faut pas se laisser enfermer par la peur. Justement, Lucie Azema mais aussi Sarah Marquis, aventurière suisse dont j’ai dévoré tous les livres, parlent de cette peur en disant qu’elle doit être un carburant, quelque chose qui va guider nos actions car elle est un signal d’alarme, elle permet de faire attention, de rester sur ses gardes mais il ne faut pas se laisser submerger. Il faut l’accueillir, l’écouter et ajuster ses comportements et ses décisions en fonction d’elle mais il ne faut pas qu’elle nous freine de tout faire.

En juillet 2013, je m’envole pour mon premier poste en tant que professeure de français à l’étranger. 6 mois très mouvementés à Moscou.

Je me rappelle lorsque je faisais une formation à la Croix Rouge, on nous avait expliqué que l’un des taux de mortalité le plus important était les accidents domestiques. Dans un milieu de confiance, on ne fait plus attention, on n’est plus vigilant. Un peu comme les routes du quotidien où on conduit en automatique. Là où on a le plus de chances de mourir finalement, c’est chez soi. On frôle en réalité la mort des dizaines voire des centaines de fois dans notre vie sans nous en rendre compte. Mais l’inconnu est bien plus effrayant que le quotidien qui n’est pourtant pas moins dangereux.

L’été 2016, je pars 3 semaines dans le Sud de la France, le nord de l’Espagne et le Portugal, majoritairement en covoiturage. Je serai rejoint une semaine par mon meilleur ami au milieu du voyage.

En revanche quand on est en voyage, toutes les personnes je pense, et particulièrement celles qui voyagent seules, peuvent témoigner du fait que l’on s’écoute beaucoup plus et je crois que c’est une clé essentielle pour voyager. Lorsque l’on perd tous ses repères comme c’est le cas en voyage, on ne peut plus compter que sur soi-même. On est très vigilant et à l’écoute de ses intuitions, on fait attention aux signaux. Il ne faut pas se dire que l’on va passer pour une idiote ou pour la nulle, il faut toujours s’écouter. Si tu n’as pas envie de dormir dans cet hôtel parce que tu ne le sens pas, même sans raison apparente, ne le fais pas. Si tu ne veux pas suivre ce groupe de personnes en soirée ou autre, ne le fais pas. C’est la clé, le corps sent beaucoup de choses et est capable de détecter tout un tas de dangers.

En 2017, je pars 6 mois sac-à-dos au Moyen-Orient. Je traverse l’Égypte, la Jordanie et la Palestine.

La fois où je me suis sentie le plus en danger, c’est justement un jour où j’ai préféré ignorer mes intuitions. J’étais arrivée la veille dans la nuit à Moscou, je venais commencer un nouveau travail. Le lendemain, j’avais passé la journée dans ma nouvelle école, mes collègues ont insisté pour que je vienne boire des bières avec eux à coup de « Oh ça va moi le premier soir j’ai dormi à 4h et j’avais cours à 8h ». Je n’ai pas voulu passer pour la fille nulle alors j’y suis allée même si dès le début je ne me sentais pas bien et j’avais envie de rentrer chez moi pour ranger mes affaires. J’ai fini par prendre le dernier métro pour rentrer chez moi. Je n’avais pas de smartphone à l’époque et je rentrais chez moi à pied pour la première fois avec une simple carte que j’ai évidemment mal lue. J’ai fini par me perdre et un homme m’a suivie et a tenté de m’agresser en bas de chez moi. Même si en soi, ce n’est pas de ma faute et je ne suis pas responsable du comportement de cet homme, je m’en suis tout de même énormément voulue de répondre à la pression du groupe plutôt que de m’écouter et ça m’a servi de leçon.

En mai 2018, je sillonne la côte marocaine d’Agadir à Essaouira à travers les villages de pêcheurs et surfeurs.

Comme le disait la grande exploratrice Alexandra David-Néel, je préfère mourir au fin fond de la Chine en train de faire ce que j’aime et d’explorer le monde que chez moi dans une vie où je ne suis pas épanouie. Ce n’est pas parce qu’on voyage qu’on est invincible non plus, ce n’est pas parce que je me sens en sécurité dans le monde arabe qu’il ne m’arrivera jamais rien, ici ou ailleurs, mais je sais que le risque est une possibilité dans la vie quotidienne où que l’on soit et je ne veux pas m’arrêter à la peur.

En août 2018, je retourne au Caire pour m’y installer . Je n’ai pas de boulot, pas d’appart mais des tonnes d’amis et de la ressource. J’y reste deux ans.

La question de la stabilité

Mais la sécurité n’est pas la seule notion qui se cache derrière cette question de la peur. Il y a aussi la notion de stabilité, l’incompréhension face à l’acte de voyager seule ou bien face à un choix de vie différent. Cette question cristallise toutes les représentations quant aux rôles que l’on impose aux femmes dans notre société. Car il s’agit bien du fait d’être une femme. : « Quand vas-tu te poser ? Quand vas-tu te stabiliser ? », et surtout cette question : « Mais tu ne veux pas avoir des enfants un jour ? ». Ces questions-là, on ne les poserait pas un homme qui voyage ou qui vit à l’étranger, même la trentaine passée. À 33 ans, combien de fois ai-je entendu ces questions, même si elles ne partent pas foncièrement d’une mauvaise intention, elles sont d’ailleurs aussi souvent le miroir des propres angoisses de la personne. De mon côté, je les entends à peu près depuis mes 27/28 ans. On ne perçoit pas du tout les femmes qui voyagent de la même manière que les hommes qui voyagent. Eux ont cette liberté de mouvement mais aussi cette liberté d’avoir la vie qu’ils veulent avoir, sans pression sociale constante.

Janvier 2020, je passe une semaine solo à Istanbul.

Parfois je me dis qu’effectivement, revenir vivre en France, ce serait quand même plus simple que d’être en Syrie à gagner des cacahuètes ! Oui mais je les savoure mes cacahuètes. J’ai appris à gérer mes cacahuètes et à les apprécier au maximum. Je n’ai pas le CAPES et je travaille en contrat local depuis des années donc mon salaire n’est jamais très élevé. Ici en Syrie, c’est le salaire le plus bas que j’ai jamais eu ! La question s’est donc posée tout de même l’année dernière avant de renouveler mon contrat. Et chaque fois je me fais la même réflexion pour m’aider à décider : quand je serai vieille, assise dans mon appartement, entourée de mes chats et de mes livres, qu’est-ce que je me dirai ? « Ohlala entre 2020 et 2022 je ne gagnais vraiment rien du tout en Syrie ! » ou bien « Ohlala entre 2020 et 2022 j’ai vécu des choses incroyables en Syrie ! ». La réponse était ainsi vite trouvée.

En septembre 2020, je pars m’installer en Syrie où je vis actuellement.

Alors souvent, à la question « Mais t’as pas peur ? », je réponds : « Peur de quoi ? ».

Ma plus grande peur, c’est celle de passer à côté de ma vie, que la peur me paralyse et m’empêche de prendre mes propres décisions, me détourne de mes projets, de rencontres fabuleuses, de moments merveilleux.

Ma plus grande peur ce n’est pas la mort, c’est de ne pas vivre.

 

Lecture #14 – Les femmes aussi sont du voyage

Lucie Azema introduit son livre en disant qu’elle a écrit ce livre pour qu’il soit lu mais jamais emporté, mais je vais pourtant devoir lui désobéir car j’ai corné environ 250 pages sur 300 tant son livre regorge d’informations, de sources et de pistes de réflexion.

Elle explore une multitude de thèmes comme l’invisibilisation des femmes voyageuses dans les récits de voyage, les questions de sécurité, d’éducation, de la restriction des femmes concernant le voyage, ainsi que la question de la décolonisation dans le voyage, les récits de voyage connus et mis en avant étant majoritairement écrits par des hommes blancs.

L’aspect sociologique de la représentation de la femme, de son rôle dans la société et de ce qui est attendu d’une femme qui ne l’est jamais pour un homme est également abordé. En tant que femme voyageuse, combien de fois ai-je entendu ces questions qu’on ne pose (quasiment) jamais aux hommes ? « Quand est-ce que tu vas te poser ? Tu ne veux pas te stabiliser ? Tu ne veux pas d’enfants ? ». Son livre a donc particulièrement résonné en moi et il résonnera, j’en suis sûre, chez beaucoup de femmes, qu’elles soient voyageuses ou non, tant les thèmes sont larges.

J’ai complété ma lecture par l’écoute de deux podcasts :
-celui comprenant une interview de l’autrice dans l’émission « La salle des machines » sur France Culture ;
-celui sur des figures majeures de femmes voyageuses comme Alexandra David-Néel et Ella Maillart dans l’émission « Cultures Monde » également sur France Culture.

Je vous recommande bien évidemment tout cela chaudement !

Lecture #13 – Il nous reste les mots

Azdyne Amimour est le père de Samy, l’un des terroristes du Bataclan.

Georges Salines est le père de Lola, l’une des victimes de cet attentat.

Les deux hommes se sont rencontrés plusieurs fois au cours de ces dernières années et au fil de leurs rencontres s’est dessinée l’idée d’un livre.
J’ai tout de suite voulu lire ce livre. Je trouvais incroyable qu’une telle rencontre ait eu lieu et que ces deux hommes ait trouvé le moyen de communiquer.

Le livre et leurs conversations abordent de nombreux sujets délicats : à quel point les parents sont-ils responsables du devenir de leurs enfants ? Aurait-il pu en être autrement ? Le père de ce terroriste a-t-il malgré lui mener son fils dans cette voie ? Comment se sent ce père, lui aussi victime, qui a perdu son fils mais qui doit aussi vivre avec le fait que son fils ait tué de nombreux innocents ? La communication entre ces deux parents, tous deux victimes, est-elle possible et peut-elle amener à trouver des solutions contre la radicalisation ?

Autant de thématiques abordées avec beaucoup de bienveillance et de respect de l’autre dans ce livre très émouvant et très juste.

Ce livre m’a d’ailleurs rappelé l’excellent film sur le sujet de la radicalisation « Le ciel attendra » (slide 2) où l’on suit le parcours de deux jeunes femmes : Sonia s’est arrêtée juste à temps, avant de partir en Syrie pour faire le jihad et qui est en processus de déradicalisation, Mélanie, quant à elle, a rencontré un jeune homme sur internet qui va la mener doucement vers l’islam d’abord, puis vers la radicalisation. Le film montre, avec beaucoup de pudeur et sans sensationnalisme, les stratégies mises en œuvre par les recruteurs et l’enfermement psychologique dans lequel se retrouvent les victimes. Un film qui permet de comprendre en partie comment des personnes sensées peuvent se retrouver sur ce chemin dangereux.

Lecture #12 – Barberousse, autobiographie d’un héros bafoué

Quand on vous dit « Barberousse », la première chose qui vous vient en tête c’est pirate, aventurier ou corsaire sanguinaire.

Peu de chances à priori que vous sachiez que Barberousse était musulman et que, loin d’être le pirate sanguinaire de l’imaginaire collectif occidental, il était en réalité un défenseur de l’islam qui a dévoué sa vie à la protection de sa religion et de l’Empire Ottoman sous le règne notamment de Souleymane le Magnifique.

Cette autobiographie, unique version traduite en français grâce à la superbe maison d’édition Albidar, retrace ainsi ses exploits et nous plonge dans la vie d’un grand aventurier. L’homme nous emmènera sur les côtés méditerranéennes d’Istanbul à Alger en passant par Tunis.

Embarquez pour une aventure incroyable et laissez-vous porter au gré des vents aux côtés de cet homme au destin hors du commun !

Lecture #11 – Otared

Je voulais lire ce roman égyptien depuis très longtemps et j’ai enfin pu me le procurer pendant mon dernier voyage en Égypte. L’université américaine du Caire a une librairie magique place Tahrir. Le genre d’endroit où tu as envie de tout acheter tellement 1) les contenus sont ultra intéressants et 2) les livres sont BEAUX.

Début mai je l’ai enfin commencé. J’ai tout de suite adhéré au style, à l’histoire mais j’ai également tout de suite senti que ce serait une lecture difficile vu le niveau de violence mis en scène. Courant mai, les évènements en Palestine m’ont énormément affectée, à tel point que je n’avais aucune énergie à mettre dans la lecture, et surtout pas pour me retrouver dans un univers ultra-violent. J’ai donc remis ma lecture à plus tard et je l’ai finalement terminé fin juin.

Le roman se passe à différents moments de l’histoire : principalement en 2025 où l’auteur imagine que l’Égypte est envahie par de nouveaux colonisateurs, mais aussi en 2011 au début de la Révolution égyptienne. De nombreuses histoires se mêlent avec pour point commun la violence et le manque d’humanité qui auront pour apothéose une fin VRAIMENT atroce. Je vous avais prévenus, on est sur du lourd.

Le livre est intéressant car il met en scène toute une métaphore sur l’enfer et l’humanité qui porte à réfléchir. J’ai aussi adoré lire un roman égyptien différent, j’adore les univers dystopiques et j’ai adoré trouver ça sous une plume égyptienne.

Je conseille le livre, mais en étant psychologiquement préparé à plonger dans un univers où l’auteur fait ressortir ce qu’il y a de pire chez l’Homme.

Lecture #10 – Abd El Kader, l’harmonie des contraires

Quelle est votre dernière lecture ratée ? La mienne, c’est celle-ci. J’attendais depuis un moment de pouvoir me plonger dans ce livre traitant comme son nom l’indique, d’Abd El Kader, haut personnage historique algérien qui a également vécu et est d’ailleurs mort à Damas.

Malheureusement, le livre n’est pas bien structuré, il n’est ni chronologique, ni vraiment thématique. On ne sait pas trop où veut en venir l’auteur qui fait des allers-retours entre différentes périodes de la vie du personnage, sans vraiment de logique – en tout cas elle ne m’est pas apparue – et manque de creuser sa personnalité et les évènements de sa vie.

Je suis donc ressortie de la lecture de ce livre avec un goût d’inachevé et ma quête d’un nouveau livre sur Abd El Kader a repris !
Si jamais vous avez un (bon) conseil…

Lecture #9 – Léon l’Africain

Cela faisait un moment que l’on me conseillait de lire « Léon l’Africain ». Pourtant férue de littérature arabe, je ne connais que peu l’œuvre d’Amin Maalouf. J’ai lu l’année dernière « Origines » où il explore son histoire familiale, mais il me semble bien que c’est le seul de ses livres que j’ai lu.

« Léon l’Africain » est une biographie romancée d’un homme au destin extraordinaire. Le vent de sa vie l’emmènera vers différents horizons géographiques, professionnels mais aussi personnels. Une vie riche d’aventures et de rencontres au Maroc, en Égypte puis en Italie.

Ce livre m’a évidemment énormément touchée. J’ai aimé suivre les pérégrinations de cet homme qui s’est laissé porter par les aléas de la vie et qui a su en tirer parti. J’ai aimé le voir évoluer, repartir de zéro plusieurs fois au cours de sa vie, délaisser le confort, dire adieu maintes fois à famille et amis.

J’y ai retrouvé un peu de ma vie. Même si je ne peux bien évidemment pas comparer mon parcours au sien, j’ai parfois l’impression d’avoir déjà eu 10 vies et j’aime cette richesse que me procurent toutes ces aventures.

Je vous le recommande donc fortement. Ouvrez ce livre et embarquez au côté de Léon l’Africain !

Lecture #8 – Chicago

Parmi les livres d’Alaa el Aswany que je n’avais pas encore lus, il restait celui-ci « Chicago ». C’est désormais chose faite depuis que je l’ai trouvé sur les rayons du CDI du collège où je suis enseignante.

Comme à son habitude, Alaa El Aswany dresse le portrait d’une série de personnages. Pourtant cette fois-ci, l’auteur nous emporte loin de son cadre habituel, l’Égypte, et plus particulièrement Le Caire, pour nous emmener dans la communauté égyptienne de Chicago.

À travers ses personnages, l’écrivain explore la problématique de l’intégration. Il y a ceux qui, pour mieux s’intégrer, dénigrent leur propre communauté et leur propre culture, ceux qui, à l’inverse, trop bousculés par la culture d’accueil, la rejettent pour se replier sur eux-mêmes, ceux qui trouvent un entre-deux, et les autres…

Tous nous plongent à travers une réflexion sur l’intégration, l’assimilation, le racisme et la perception de l’autre.

Comme toujours, la plume d’Alaa El Aswany m’a emportée dans son univers, m’a fait aimer ou détester ses personnages, m’emporter avec ou contre eux, être triste ou heureux pour eux. Et même si la bulle cairote habituelle de ses romans m’a un peu manqué, j’ai trouvé le pari d’en sortir réussi.

Je recommande donc chaudement !