En ce 8 mars 2021, journée internationale de lutte pour le droit des femmes, j’ai eu envie de vous partager le portrait d’une femme qui m’inspire.
Fin 2019, juste avant la pandémie, Sara, 32 ans, tunisienne, vivant au Caire, entreprend un voyage d’environ deux mois seule et à vélo. Elle part du Caire le 1er novembre 2019 et traverse l’Égypte, le Soudan puis prend le ferry pour l’Arabie Saoudite avant de pédaler ses derniers kilomètres pour arriver à son but final : La Mecque, le 24 décembre.
J’ai découvert Sara grâce à Instagram, et confortablement installée dans mon appartement cairote, je prenais un réel plaisir à la suivre au fur et à mesure de son avancée à travers ce voyage pas comme les autres.
Je l’ai contactée et ai découvert une personne simple, sensible et humble. J’ai eu envie de vous partager le voyage mais aussi la belle personnalité de cette voyageuse.
Nous avons fait cette petite interview à distance, j’ai envoyé mes questions puis Sarah m’a répondu par vocaux, ce qui explique parfois un petit manque de fluidité.
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Sara, j’avais 32 ans au moment du voyage, j’en ai 33 aujourd’hui. Je suis éducatrice Montessori et traductrice. En Égypte j’occupais les deux fonctions et depuis la crise Corona et depuis le voyage je ne fais que la traduction pour le moment avant de pouvoir reprendre, Inshallah, mon activité principale.
D’où t’es venue l’idée de ce voyage ?
L’idée du voyage existe depuis très longtemps, c’est un rêve, celui de pouvoir partir à pied avec un âne qui m’accompagne. Du fait de la législation de l’époque, j’attendais de me marier pour pouvoir le faire puisque l’Arabie Saoudite n’autorisait pas de voyager sans tuteur. Le tuteur est quelqu’un de ta famille, ton père, ton frère ou ton mari. Donc c‘était la condition pour un éventuel mariage mais je ne me suis pas mariée et entre temps je me suis mise aussi à faire du vélo dans mon quotidien et à chaque fois je m’imaginais « Tiens, et si j’allais plus loin que juste Le Caire ? ». Et quand il y a eu un premier appel d’offre d’une marque du Sud de la France qui a fait un appel à projet, je savais que je n’allais pas être prise car je ne correspondais à aucun critère, mais ça m’a obligée à formaliser mon projet et du coup à lui donner une idée plus concrète que ce qu’il était puisqu’avant c’était juste un rêve. Et le fait de formaliser tout ça, ça m’a motivée, ça m’a permis de voir les différentes routes que je pouvais prendre, d’étudier la question du visa pour l’Arabie Saoudite, et à ce moment-là, il y avait cette faille en fait dans le système où tu pouvais avoir un visa en tant que femme seule si tu partais pour la formule E par exemple (*c’est un visa pour les évènements sportifs et culturels). Je me suis dit je vais-je transformer en femme de formule E comme ça je vais pouvoir y aller. Ensuite il y a eu l’appel d’offre de Riverside Décathlon auquel j’ai participé et j’ai été accepté donc on m’a donné un vélo pour le temps de mon voyage. A partir de là, il n’était plus question de retourner en arrière et je suis donc passée de la formalisation à la concrétisation, à choisir un tracé particulier, à déposer des dossiers pour le visa. J’ai vraiment galéré pour l’Arabie Saoudite mais j’ai eu de la chance, un mois avant mon départ l’Arabie Saoudite a ouvert le visa touristique donc ça m’a sauvée et je n’ai pas eu de difficultés en amont. J’ai eu des difficultés avant ça mais à partir de là ça s’est fait très vite et sur internet sans même avoir à se déplacer.
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Etais-tu déjà une grande cycliste avant ce projet ? Avais-tu déjà fait des voyages à vélo ?
Je n’étais pas une grande cycliste du tout avant ce projet donc ce qu’il s’est passé c’est que j’avais un ami en Égypte qui est parti étudier en Allemagne et qui m’a laissé son vélo et j’ai fait de ce vélo à partir de ce moment-là un compagnon du quotidien. Ce n’était pas évident au départ du fait de la circulation au Caire, et je pense que j’étais également très attachée au regard des gens et je pense que justement le vélo m’a permis de m’en détacher. Et à partir du moment où j’ai réussi à m’imposer dans les rues du Caire face aux motos, aux voitures, aux bus, aux microbus, et une fois que j’ai accepté de me prendre toute la fumée d’un car devant moi, ça a ajouté beaucoup d’adrénaline dans ma vie et ça m’a aussi fait regarder Le Caire d’un autre œil. Je me souviens que quand j’étais dans le bus et que j’en pouvais plus des embouteillages, des fois on était bloqués pendant une heure ou deux, j’étais trop fière à vélo de pouvoir éviter tout ça. Le vélo ça m’a vraiment fait aimer encore plus Le Caire je pense.
Comment t’es-tu préparée pour ce voyage ?
Pour la préparation du voyage, c’était vraiment au niveau administratif dans un premier temps pour voir la faisabilité de mon projet, même si en ayant les visas je n’étais pas sûre de la faisabilité de mon projet, mais je partais avec l’idée en tête qu’à tout moment je pouvais m’arrêter, du fait de la situation du pays ou du fait que je suis une femme seule à vélo, ou du fait de mon corps aussi parce que je n’avais aucune idée de ce dont mon corps était capable, des distances que mon corps pouvait parcourir à vélo. Donc dans un premier temps c’était une préparation administrative, après pour la préparation de l’itinéraire, c’était plus encore une fois en terme de faisabilité, essayer d’imaginer le terrain, et de savoir de combien d’eau j’ai besoin de telle place à telle place, autant en Egypte c’était simple parce que tu as beaucoup de villes, donc tu trouves toujours où te réapprovisionner en eau, mais au Soudan c’était plus compliqué, mais aussi pour la partie désertique en Egypte entre Assouan et Abu Simbel, je me suis renseignée auprès de gens qui ont fait le voyage vers l’Afrique du Sud et qui avec qui ont partagé (les informations sur) une portion de route mais après moi je suis remontée au niveau du Soudan donc j’avais pas beaucoup d’informations. Mais en tout cas jusqu’à Khartoum (*capitale du Soudan), j’ai pu avoir des informations donc je me suis renseignée auprès de voyageurs qui l’avaient fait avant moi. Ensuite il y a aussi eu une préparation au niveau de la famille, de petit à petit annoncer la couleur de ce voyage tout en prenant mes précautions pour pas les brusquer. Au niveau du matériel aussi, j’ai eu le vélo mais il a fallu l’équiper donc j’ai vu au niveau de ce que j’avais déjà parce que je faisais de la randonnée, et j’ai aussi vu avec mon frère parce qu’il avait déjà fait un petit voyage de trois jours donc il avait les sacoches, et j’ai aussi acheté des choses. Après pour la préparation sportive, j’ai arrêté de faire de la boxe car j’avais peur de me blesser et j’ai fait ce que je n’ai jamais fait, c’est-à-dire qu’un mois avant le voyage, je me suis inscrite dans une salle de sport pour travailler mes membres inférieurs. C’était la première fois que je m’inscrivais dans une salle de sport et l’idée était vraiment de muscler mes jambes parce que je me suis dit que ce que j’allais leur demander allait être prenant. Mais au final ça n’a rien à voir, si tu fais deux heures de sport, de muscu en salle, ça n’a rien à voir avec l’effort que tu fournis en pédalant tous les jours toute la journée.
Quelles étaient tes appréhensions avant de partir ?
Je pense que je n’avais pas d’appréhensions mais qu’à un moment je me suis laissée absorber par la crainte des autres, de gens qui m’aiment ou qui ne m’aiment pas mais la crainte de membres de ma famille, d’amis, la crainte du bawab (*sorte de gardien d’immeuble en Égypte), quand je lui ai dit que je partais, il était dans tous ses états, je lui ai seulement dit que je partais à vélo jusqu’à Assouan et pas jusqu’à la Mecque, mais il était dans tous ses états en me disant que les gens sont mauvais, qu’il allait m’arriver plein de mauvaises choses, etc. Et je pense que du coup j’ai porté toutes ces appréhensions, surtout au moment du départ. Je pense que ça a été le moment le plus dur psychologiquement lorsque j’ai dû sortir de chez moi et laisser les clés, laisser l’appartement dans lequel j’ai vécu toutes ces années et laisser le connu et le confort pour aller vers l’inconnu. A partir de là, à partir du moment où je prends la route par contre il n’y a plus d’appréhensions. Mais à chaque fois que je rencontrais quelqu’un, ils me disaient « Non mais tant que tu es là ça va, mais après tu vas voir » et ils mettaient tous leurs à priori qu’ils pouvaient avoir sur les peuples qui arrivent après eux. Mais une fois que je suis sur la route et que le mouvement s’installe, tout disparait.
La plus grande appréhension, je pense que ça a été de me dire que je n’allais pas pouvoir entrer en Arabie Saoudite à vélo puis à la Mecque à vélo. Mais en vrai, plus j’avançais, plus je me disais que c’était possible et que même si c’était pas possible, tout ce qui avait été parcouru me suffisait, en terme de tout ce que j’ai pu apprendre, en terme spirituel aussi ce voyage m’a beaucoup apporté.
Qu’est-ce qui t’a surprise pendant le voyage ?
Ce qui m’a surprise pendant le voyage, c’est que justement je n’ai pas retrouvé les préjugés que je pouvais entendre avant de partir. C’était « Les gens ne vont pas accepter qu’une femme seule voyage », c’est vrai que je connais l’Égypte et que je savais que les gens allaient accepter, mais je ne savais pas du tout ce que ça allait donner avec le vélo. « Sara la culture du vélo les gens ne vont pas comprendre. Là ça va t’es au Caire mais à partir du moment où tu vas arriver dans le Saïd, les gens ne vont pas comprendre ». Bref, des idées de ce type. Du coup j’ai été surprise du fait que, même si tout le monde ne comprenait pas ce que je faisais, en passant du temps avec eux ils se rendaient compte que j’étais une personne normale, c’est juste que j’étais à vélo (rires). Mais moi ce qui m’a surprise, c’est pas ça, c’est de rencontrer plein de cyclistes tout au long du voyage dans les trois pays donc l’Égypte, le Soudan et l’Arabie Saoudite, et des filles cyclistes dans ces trois pays. Et ce qui m’a surprise c’est que j’ai eu aucune difficulté à faire du vélo seule en Arabie Saoudite. La seule difficulté que j’ai eue, ça a été pour faire rentrer le vélo (en Arabie Saoudite) car j’étais le premier cas de figure de personne qui entrait en Arabie Saoudite par le Soudan avec un visa touristique et en plus avec un vélo. Donc c’était plus un souci administratif. Et après ça en Arabie Saoudite, j’ai été confrontée dès le départ à rouler de nuit, j’appréhendais mais ça s’est très bien passé. Après il y a eu le voyage vers la Mecque, j’appréhendais beaucoup et j’attendais à tout moment de me faire arrêter, et je me suis fait arrêter mais une fois que j’ai dit d’où je venais, j’ai été accueillie avec les plus beaux mots qu’une personne puisse espérer et pour moi c’était vraiment de l’ordre de l’inattendu en fait.
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Qu’as-tu ressenti quand tu es arrivée à la Mecque ?
En arrivant à la Mecque… Quand je disais que c’est de l’ordre de l’inattendu… Alors vingt kilomètres avant d’arriver à la Mecque, tu as le checkpoint qui permet de laisser rentrer les musulmans et d’inviter les non-musulmans à prendre une autre route (*l’accès à la Mecque est interdit aux non-musulmans), moi j’étais persuadées que j’allais être arrêtée et que le voyage allait se terminer là. Je me demandais juste comment ça allait se passer une fois qu’ils allaient me demander de descendre de vélo. Par contre, ce qu’il s’est passé c’est que le policier m’arrête et il me dit « Wesh » et je lui ai dit « Wesh », il m’a dit « Wesh », je lui ai dit « Wesh », bref on a fait le ping-pong de wesh jusqu’à ce qu’il me demande où je vais donc je lui dis « A la Mecque », il me dit « Comme ça ? » en montrant mon vélo, je lui dis « Oui comme ça » du coup il me demande d’où je viens, et là pour la première fois je lui dis où je vais vraiment parce que jusqu’à présent je disais la ville d’où je venais juste avant et la ville où j’allais juste après mais je ne disais pas forcément ma destination finale ni d’où je venais. Donc je lui dit « Le Caire » et là il dit à son collègue « Tu peux pas l’arrêter », donc son collègue rentre à l’intérieur et là je me dis que c’est foutu, qu’il va appeler les flics, le grand patron et c’est fini. Sauf qu’il sort avec des bouteilles d’eau et qu’il me dit « Tu as illuminé la ville de la Mecque » et ce qu’il s’est passé c’est qu’après sur les vingt kilomètres qu’il restait, je me suis fait arrêter de nouveau et à chaque fois que je me faisais arrêter, j’avais trop peur que ce soit la fin, donc à chaque fois on me demandait de m’arrêter, il y avait des voitures qui arrivaient et je me disais « Ca y est, le grand boss est au courant et ils viennent pour m’arrêter ». Moi je voulais seulement gagner des kilomètres, je me disais « Allez tu es à 12 kilomètres de la Mecque, 10 kilomètres de la Mecque… » et à chaque fois ils bloquaient le passage pour que je m’arrête mais au contraire, c’était pour me donner de l’eau, des sandwichs. Et je suis arrivée à la Mecque avec plein d’eau et à la fin quand je suis arrivée dans la ville de la Mecque, vu que c’était le vendredi, la ville était vide et il n’y avait que la police qui tournait. Et à un moment, la police s’arrête et ils me disent « T’as l’air perdue. » et je leur dis « Oui en fait je ne sais pas comment rejoindre l’hôtel. » dont ils me disent « On ne peut pas t’aider, est-ce que tu sais s’il y a un endroit à côté ? », j’ai dit « je ne pourrais y aller que depuis l’esplanade en fait, la grande esplanade qui donne accès à la Ka’ba. » Et il me dit « ben vas-y » donc je lui demande si je peux y aller comme ça et il me dit que oui. Et moi je ne m’imaginais même pas en fait, pour moi j’allais aller à la Mecque, j’allais arriver à l’hôtel et après j’allais continuer à pied. Je ne m’imaginais pas arriver sur l’esplanade avec mon vélo, c’était juste inimaginable. Du coup il m’a dit « Oui tu peux y aller comme ça, c’est ta ville, cette ville est la tienne. » Donc je continue à faire du vélo et là il y a la sortie de la prière, donc t’as tous les pèlerins et les gens qui faisaient la prière qui sortent. Donc petit à petit je me rends compte que je ne peux plus pédaler donc je descends de mon vélo et je pousse le vélo et je sens que je me rapproche en fait, je me mets à voir toutes les images que j’avais vues de la Mecque avec tous ces pèlerins et j’étais dans cette foule mais avec mon vélo qui m’avait accompagné pendant ces deux mois et du coup j’avais du mal à y croire. Et plus j’approchais du centre, plus mon cœur se centrait. Et quand je suis arrivée à l’esplanade, sûrement que j’étais émue, mais j’étais pas émue d’être arrivée, je pensais à tous ces gens qui ont fait que ce voyage était possible et je me rendais compte qu’en fait je n’ai rien fait, en vrai j’ai rien fait, c’est Dieu qui m’a accompagnée jusqu’à cet endroit parce que mes membres n’auraient jamais pu le faire et c’est toutes ces personnes rencontrées qui ont fait que mon cœur a tenu et que mon cœur s’est rempli et qu’il a grandi pour arriver en fait. Donc ce que j’ai ressenti c’était beaucoup de gratitude envers Allah et énormément de gratitude envers toutes ces personnes qui ont été mises sur mon chemin et que j’avais l’impression d’avoir avec moi dans mon cœur sur l’esplanade à ce moment-là et du coup je me sentais plusieurs, je ne me sentais pas seule et c’était ça souvent aussi pendant le voyage. Mais à ce moment-là c’est un moment que j’ai vécu seule mais j’avais l’impression d’être accompagnée par tous ces gens qui m’ont demandé de faire des dou’as (*prières) une fois arrivée sur place.
A-t-il été difficile d’entrer à la Mecque en étant une femme seule ?
Je pense que ça a été difficile du fait de mes appréhensions mais dans les faits ça n’a pas été difficile, au contraire, ça a été vraiment facilité. Le seul détail que j’ai oublié de mentionner c’est que quand je lui dis que je viens du Caire et que je suis passée par le Soudan, il me dit « Mais ça fait combien de temps que tu es sur la route ? » donc là je lui dis que ça fait un peu moins de deux mois, et c’est là que son collègue lui dit « Cette femme tu ne peux pas l’arrêter. »
Un moment particulier (ou plusieurs !) qui t’a / t’ont marquée ? (J’imagine qu’il y en a beaucoup !)
Les moments qui m’ont marquée, alors il y a ce passage par le checkpoint, pas l’entrée dans la ville mais surtout le passage au checkpoint donc ce moment inattendu. Y a eu je pense le départ avec le bawab qui me bloque le passage et moi qui force le passage et je m’en suis voulue pendant tout le voyage, et lui qui m’appelle tous les jours jusqu’à ce que j’arrive à Assouan, non d’ailleurs à Assouan il ne m’a pas appelée, il m’a appelé tous les jours mais quand je suis arrivée à Assouan, c’est moi qui l’ai appelé pour lui dire « C’est bon tu peux dormir sur tes deux oreilles, je suis arrivée à Assouan » parce que lui croyait que je terminais mon voyage à Assouan. Mais oui je m’en suis beaucoup voulue d’avoir forcé le passage et c’est une image qui revenait souvent pendant le voyage. Après les moments qui m’ont marquée c’est par exemple, après Khartoum je suis remontée dans le Nord et je n’avais aucune information et aussi tu n’as pas de point d’eau comme depuis l’Egypte jusqu’à Khartoum et surtout il y a beaucoup de montées et moi je ne suis pas une grande sportive du coup le trajet que je pensais faire en 4 jours a pris deux semaines, à peu près ou je crois que c’est 10 jours, mais du coup j’ai manqué en eau. Et en fait, quand j’ai manqué en eau, un camion passe et m’envoie une bouteille d’eau. Quand j’ai manqué en nourriture, je me suis arrêtée dans un poste de police et en partant le monsieur va me donner une pastèque, un ambulancier va s’arrêter en plein milieu de (rires) de la montagne et me donner des dattes.
Ces moments m’ont marquée, après y a aussi des personnes qui m’ont marquée, y a notamment quand je suis tombée malade, et que j’étais vraiment au sol et que ça y est c’était la fin de ma vie, y a un homme qui vient accompagné de femmes mais j’arrive pas à voir qui c’est en fait je suis tellement évanouie, dans les vapes, et ils me proposent de partir avec eux dans leur village et du coup je dis « Non, non, non » car je ne voulais pas abuser de l’hospitalité des gens, je sais pas quel est leur niveau de vie, j’ai vraiment pas envie de leur manger le bout de banane qu’ils vont manger. Bref, sauf qu’ils sont revenus plusieurs fois et la dernière fois il m’a dit « Là c’est la troisième fois qu’on vient », parce que moi je disais « Je vais avancer, je vais avancer ! Je vais repartir, je vais repartir ! ». Il m’a dit « Tu vas aller nulle part, tu te lèves et tu nous suis. », sauf que j’étais incapable de les suivre, enfin j’ai commencé à rouler mais j’étais dans les vapes, c’était une catastrophe. L’homme en question a vu ça depuis son rétroviseur, il est descendu, il m’a dit « Tiens, toi tu conduis. » et du coup il a roulé à vélo devant moi et en fait, j’étais pliée de douleur, j’avais mal, j’étais dans les vapes, mais je me sentais l’obligation de (rires) d’être vivante dans la voiture en accompagnant, du coup j’étais avec les femmes, et je me rappelle je sais même pas ce que je racontais, je parlais juste pour parler, pour essayer d’exprimer ma gratitude et en même temps dans ma tête je voyais l’homme que je suivais, donc d’un côté je voyais rien parce que j’étais fatiguée et que j’étais pas bien et d’un côté je voyais tout (rires) et j’étais là « Wow subhanallah », parfois sur ton chemin tu as vraiment les personnes qu’il faut au bon moment. Y a ça, y a aussi cette femme, donc je voulais faire mes grandes ablutions et j’avais vraiment besoin de me doucher à ce moment-là, mon cycle menstruel a été complètement déréglé pendant le voyage et je me suis retrouvée à avoir mes règles deux fois par mois et vu que j’ai des règles douloureuses et que ça me prend énormément d’énergie, j’essayais de faire en sorte d’être dans une ville les deux premiers jours, sauf qu’avec cette surprise de deux fois mes règles par mois, ça me prenait au hasard et donc dans ce trajet de 10 jours qui s’est étendu je les ai eues de nouveau, c’était pas prévu et sauf que j’étais au milieu de nulle part et du coup je me rappelle je me suis dit qu’il me fallait absolument une cafeteria, je savais très bien que ça allait être des hommes qui allaient être dans la cafeteria et j’ai dit « Sara, tu prends ton courage à deux mains, tu leur expliques la situation et tu leur dis que tu veux juste un seau d’eau. » Et faut savoir que moi (rires) pendant longtemps c’était ma sœur qui m’achetait mes protections hygiéniques parce que je n’assumais pas. Du coup j’essayais de faire un travail sur moi-même parce que… j’espérais déjà voir une cafeteria parce que ça faisait 3 jours que j’avais pas vu de cafeteria, que j’avais rien vu du tout mais j’espérais et du coup je me disais « Voilà, tu vas te préparer à expliquer la situation à l’homme en question. ». Et là ça a duré un moment (rires) genre sur les coups de midi y a une cafeteria qui sort de nulle part. En fait y a une sorte de maison, et je m’approche, je rentre et là y a une femme donc je me dis très bien, ça doit être la femme qui fait le thé ou quoi et avant que le gérant arrive je vais aller lui dire en cachette. Sauf qu’en fait cette femme était la gérante et au milieu de nulle part, elle gérait toute une cafeteria seule et pour moi c’était une grande bénédiction de la rencontrer (rires). Donc je lui ai expliqué la situation, elle m’a chauffé de l’eau, elle m’a ramené un grand plateau où on sert la nourriture dans lequel je me suis douchée. Je crois que c’est la douche qui m’a le plus marquée dans ma vie et en fait je me rappelle je me douchais et je pleurais, je pleurais, je lavais mon corps et je lavais tout (rires), tout mon cœur, tout, tout, tout. Et cette femme, après je suis restée avec elle parce que je me suis attachée à elle et, je te passe les détails, mais en repartant, donc on s’était échangées nos numéros, et je l’appelais et elle ne répondait pas, enfin je tombais directement sur messagerie et du coup je me suis dit « Dans un premier temps réessaye. » et en fait, je me rappelle un soir je me suis endormie et je me suis dit « Sara, stop, arrête de l’appeler. Peut-être que cette femme a existé et on s’est peut-être trompées dans l’échange des numéros. Peut-être que cette femme n’a pas existé et que, je me suis même dit si ça se trouve c’était le fruit de mon imagination, mais bref, c’est bien que ce soit arrivé et c’est terminé en fait. Arrête de t’attacher à ça. » Et le lendemain il y a un homme qui crie mon nom, un camionneur, au début je l’ignore parce que c’était une montée et je me suis dit que c’était encore un de ces hommes que j’ai rencontrés dans une cafeteria et j’ai pas envie de parler, j’étais fatiguée, j’en pouvais plus, c’était la route des 10 jours, c’était horrible. Et finalement il s’arrête donc je m’arrête et il me dit « Oum Salima » donc c’est la femme en question chez qui je m’étais douchée, « elle t’envoie de l’eau et des dattes parce qu’elle sait qu’il n’y a rien sur la route et elle sait que (rires) tu vas avoir des difficultés dans la montagne ». Donc ça aussi c’étaient des moments qui m’ont marquée.
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Un mot pour résumer l’Égypte ?
Alors un mot pour résumer l’Égypte… Ca va être très difficile (rires). L’Égypte c’est une grande histoire d’amour, l’Égypte c’est (rires) 12 ans de « je t’aime, moi non plus » mais qui se terminent avec un grand je t’aime (rires). Donc tu peux choisir le mot « je t’aime » mais… En fait l’Égypte m’a vue à plusieurs phases de ma vie. L’Égypte m’a vue grandir. Je suis arrivée en Égypte la première fois pleine de colère et au fil des années j’ai pu exprimer cette colère là-bas (rires), c’était un terrain propice. Mais l’Égypte m’a aussi vue m’apaiser, me calmer et trouver un équilibre. Et du coup, en un mot, l’Égypte c’est ma mère (rires), avec tout le respect que je dois à ma mère. C’est pour ça qu’en fait je ne peux pas résumer l’Égypte à ce voyage parce que c’est une longue relation (rires), ce n’est pas terminé. Mais du coup oui, l’Égypte m’a vue grandir et évoluer, elle m’a vue prendre des coups de poing, des claques, elle m’a donné beaucoup d’amour, elle m’a beaucoup appris. Du coup, je ne sais pas si ça a du sens pour toi mais je choisirais le mot « mère » (rires).
Un mot pour résumer le Soudan ?
Pour résumer le Soudan, ça a été mon éducateur. Je pense que le Soudan c’est ce qui m’a le plus préparée à mon pèlerinage, mon petit pèlerinage ma ‘Oumra (*le « petit pèlerinage » fait en dehors de la période de l’Eid qui constitut le grand pèlerinage, le Hajj), à la Mecque. J’ai beaucoup appris spirituellement du fait de mon isolement, du fait aussi des personnes que je rencontrais. Je me sentais très très proche du Créateur, je me sens toujours proche du Créateur mais je pense que le gros déclic il a été au Soudan. En fait, déjà en Égypte, il y a une préparation qui s’est faite au niveau de mon cœur je pense sur la route du fait des personnes rencontrées, du fait de plein d’épisodes, mais je pense qu’il y a vraiment eu une expansion (rires) au niveau de mon cœur au Soudan. J’ai compris beaucoup de principes comme Tawakal, ça veut dire « se remettre à Dieu », je l’ai vraiment compris au Soudan, je l’ai vécu, je l’ai expérimenté et du coup c’est quelque chose qui fait partie de moi maintenant, qui faisait surement partie avant mais l’expérimenter à ce point-là, ça a été réformateur je pense. Ça a été une grande préparation spirituelle, une éducation, c’est mon éducateur le Soudan (rires).
Un mot pour résumer l’Arabie Saoudite ?
Et l’Arabie Saoudite, on va dire « Surprise ». Pour moi l’Arabie Saoudite ça a été vraiment la surprise de ce voyage. Parce que j’ai découvert un pays avec beaucoup de richesses, que ce soit en termes de nature, mais aussi en termes de rencontres mais également pour écrabouiller tous les préjugés que je pouvais avoir.
As-tu d’autres projets de voyage en tête pour le post pandémie ?
Alors j’avais beaucoup de projets de voyage en tête. Déjà je devais faire un voyage en Arabie Saoudite mais il y a eu le Corona, donc ce voyage est peut-être remis à plus tard mais tout dépend de combien de temps va durer la période pandémie avant qu’on passe à une période post-pandémie. Ensuite il y a un projet qui me tient vraiment à cœur c’est de faire le retour et prendre le temps, faire un espèce de voyage de la gratitude où je prends le temps et de passer remercier les gens. De préférence j’aimerais bien faire ce retour par un autre chemin tout en passant voir les gens, mais en essayant de rendre ce chemin plus court, parce que du coup j’ai été contactée par beaucoup de gens qui veulent faire ce voyage et qui veulent faire un copié-collé de mon parcours alors que concrètement ce n’est pas du tout le plus rapide. Mais pour eux, ç a du sens parce que je l’ai expérimenté. Donc je voudrais faire le parcours plus court, ça me permettrait de ne pas refaire exactement le même chemin et d’expérimenter le chemin plus court pour qu’éventuellement ce soit un modèle reproductible.
As-tu un blog / site où tu parles de tes projets ? Je mettrai le lien vers ta vidéo et vers ton IG mais si tu veux rajouter autre chose dis-moi.
J’ai ma page Instagram qui est répliquée sur Facebook. Donc la page Facebook c’est exactement la même chose qu’Instagram mais c’est que le voyage à la Mecque. Donc la page Instagram c’est « Sara.rahala » donc là c’est ma page Instagram perso et sur Facebook c’est « Cycling to Mecca » et c’est une page où tout ce qui concerne le voyage « Cycling to Mecca » sur Instagram est transféré automatiquement.
Et y a la vidéo qu’on retrouve sur Youtube, qui résume dans de grandes lignes le voyage, c’est pas une vidéo de grande qualité mais c’était une manière pour moi de pouvoir rendre hommage à toutes ces personnes rencontrées qui ont facilité ce voyage, même si j’ai pas pu tous les mettre par souci de cacher leur visage pour certains ou tout simplement parce que j’ai pas d’image parce que mon but n’était pas du tout de documenter ce voyage mais en fait au fur et à mesure des rencontres, je me suis dit que c’était dommage de ne pas garder un souvenir de ça et donc je faisais des petites séquences très courtes pour me rappeler.
En fait ma plus grande crainte à un moment dans le voyage, c’était d’oublier. Et maintenant après un an, je me dis que parfois j’oublie, surtout quand on me pose des questions, je raconte et puis quand je rentre chez moi, je me dis « Ah mais je n’ai pas parlé de ça, j’ai oublié ! » ? Mais en fait quand je me connecte au plus profond de moi-même, même si ma langue n’arrive pas à mettre en mots plein de choses, même si des fois j’oublie des histoires, je sais que mon cœur n’a pas oublié parce que je vais retrouver un objet, je vais retrouver une image qui va arriver en moi et ça va raviver plein de souvenirs qui sont là en fait.
Du coup la vidéo est sur le compte Youtube, c’est Sara Rahala. Ce n’est pas une chaîne Youtube en soi mais c’est où j’ai pu poster la vidéo pour pouvoir la partager avec les gens qui le demandaient. Ça fait un moment que je l’avais faite en fait cette vidéo, j’arrivais pas à la regarder, déjà de la faire ça a été très difficile et quand ça y est j’ai réussi à la regarder juste avec un sourire et sans pleurs , sans cœur qui se serre, sans rien, à ce moment-là j’ai dit c’est bon, c’est le moment de le partager avec d’autres personnes parce que quand j’ai réussi à la voir juste avec amour, j’ai commencé à la montrer à ma famille, à des amis et j’ai vu l’effet que ça pouvait avoir sur eux donc j’ai dit pourquoi pas la rendre publique.
Retrouvez donc Sara sur sa page Instagram « Sara.rahala » ici :
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Et sur sa page Facebook « Cycling to Mecca » là :
Et la vidéo se trouve juste ICI !