Ode à mon automne russe.

Il y a 5 ans à la même époque, je vivais à Moscou, en Russie. Je me faisais suivre jusqu’à chez moi le premier soir et je devais évacuer mon immeuble en pleine nuit en raison d’une alerte à la bombe, mais à part ça c’était cool 🙂 J’y ai rencontré des gens géniaux, j’allais danser dans cette boîte qui passait du rock des années 50 à aujourd’hui tous les samedis soir, je mangeais des tonnes de pancakes au diner le dimanche midi, je prenais toujours le même plaisir à me balader sur la Place Rouge et je regardais avec émerveillement la neige recouvrir la ville au début de l’hiver. Ce ne fût pas la période la plus facile de ma vie, Moscou a été une expérience compliquée, mais je ne regrette rien. Ode aux décisions trop rapides, aux changements de plan de dernière minute et aux erreurs, et merci la vie ❤

Palestine V // Bethléem et le mur de séparation

L’année dernière, j’ai passé Noël à Bethléem en Palestine. Bethléem serait la ville de naissance de Jésus, j’ai d’ailleurs pu visiter l’église de la Nativité et voir la grotte où il serait né. C’est une belle ville ancienne aux édifices religieux et bâtiments en pierre. C’était beau de se retrouver là le jour de Noël, voir des pèlerins du monde entier venir se recueillir.

Mais Bethléem est aussi une ville séparée en deux par un immense mur au milieu duquel trône un checkpoint qu’il faut parfois plusieurs heures aux voitures pour traverser. La tension dans la ville est forte et dans cette ville majoritairement chrétienne, ce sont parfois les églises qui permettent l’appel à la prière des musulmans lorsque les mosquées en sont dans l’incapacité.

Lors des quelques jours que j’ai passés à Bethléem, des manifestations avaient lieu devant le mur de séparation. Un homme déguisé en Père Noël était là et sonnait la cloche. Il y avait des manifestants, des journalistes… Cette période était particulièrement tendue en Palestine car juste après que Trump ait déclaré qu’il allait déménager l’ambassade américaine à Jérusalem et que cette dernière était la capitale d’Israël. En réponse aux manifestants, deux soldates israéliennes depuis leur tour de contrôle en haut du mur, lançaient des bombes assourdissantes. Certaines ont atterri sur le toit d’un taxi qui passait par là ou auprès d’un groupe d’enfants. Et elles, elles riaient.

La construction du mur de séparation entre Israël et la Palestine a débuté en 2000 lors de la seconde Intifada. Sa construction devait alors être une solution temporaire. La raison invoquée était la « sécurité » des Israéliens. Les Nations Unies ont déclaré le mur illégal et demandé l’arrêt de sa construction et le dédommagement aux Palestiniens. Mais rien n’est fait, et en 2017, une dizaine d’années après la fin de la seconde Intifada, le mur continue de s’étendre… A Bethléem, le mur est aux portes de la ville. Il est un lieu d’affrontements entre civils palestiniens et soldats israéliens. Il est aussi devenu un moyen d’expression pour des centaines de street artistes, rappelant ainsi le mur de Berlin. Ce détournement du but même du mur est controversé. Le street artiste Banksy, l’un des premiers à avoir graffé sur le mur, a raconté comment un Palestinien l’avait interpelé alors qu’il graffait sur le mur pour lui demander ce qu’il faisait. Banksy lui a répondu qu’il voulait rendre le mur beau, mais le Palestinien a rétorqué que ce mur était une chose horrible pour le pays et qu’il ne fallait pas le rendre beau. Et c’est vrai qu’à voir les touristes poser tout sourire devant le mur, il y a de quoi s’interroger. Peut-on faire une œuvre d’art d’une chose aussi laide et cruelle? Faire de l’art avec ce mur ne détourne-t-il pas son principal symbole : l’occupation de la Palestine par Israël ? Ou au contraire cela apporte-t-Il de l’attention sur ce qu’il se passe ici?

Mon préféré !

Un pas après l’autre.

Il y a quelques mois, je prenais la décision de repartir au Moyen-Orient pour une durée indéterminée, sans plan précis mais avec la volonté de m’écouter et de répondre au besoin que j’ai d’être dans cette région du monde.

Aujourd’hui, cela fait un mois que je suis revenue au Caire et l’arrivée à été plus dure que je ne l’aurais pensé. Pour la première fois, je reviens au Caire avec un projet à mettre en place. Finie l’insouciance des vacances, de toute façon je crois que je n’en suis plus capable. Au début j’ai pensé laisser tomber, fuir, ne pas m’engager et oublier. Mais je ne peux pas, quelque chose m’en empêche et aussi dur que ce soit de commencer ce nouveau chemin, je sens au fond de moi que c’est la bonne direction.

J’ai donc trouvé du travail, je vais être enseignante de français au Collège de la Mère de Dieu, je crois que c’est l’entre deux que je recherchais : un établissement à taille humaine et familial en plein centre-ville proche de la réalité cairote. Je me suis inscrite dans une école d’arabe et j’ai trouvé un prof de oud. J’ai rencontré de nouvelles personnes qui sont au Caire pour les mêmes raisons que moi et qui me donnent espoir.

J’ai aussi retrouvé mes amis cairotes, ceux que je connais depuis des années. Jamais je ne les ai trouvés aussi fatigués et aussi las. En un an la situation s’est énormément aggravée en Égypte. Tout est plus cher (sauf les salaires) et même la classe moyenne se retrouve avec la corde au cou. Le gouvernement continue d’arrêter et d’emprisonner de manière très aléatoire tous ceux qui se, ou pourraient, s’opposer au régime (il n’y a qu’à voir la blague qu’ont été les élections au printemps dernier). Pas d’argent, pas de droits, pas de libertés, pas d’espoir. Tous pensent à partir, pour essayer ailleurs, avoir au moins la possibilité de goûter un peu à la liberté. Ils savent que la vie n’est pas rose en Europe mais ici il n’y a rien.

Alors que faire ? Je ne sais pas, je n’ai pas de réponse. Continuer de se battre, trouver de nouveaux moyens. Cette année, j’apprends à être patiente et à réfréner mes envies de prendre mon sac-à-dos pour partir en trip solo à l’autre bout de la planète. Mais je sais que c’est pour le mieux. Mettre un pied devant l’autre et faire un pas après l’autre, pour me permettre de construire mon nouveau projet. Être patiente pour me reconstruire. Et ça ira, Inshallah.

Graffiti par l’artiste Elna2ash, dans un de mes cafés préférés Al Bustan, Le Caire.

Palestine IV // Al Khalil (Hébron)

Je n’ai passé que 2 jours dans la ville de El Khalil et pourtant j’y ai ressenti tout un tas d’émotions. J’entendais parler de cette ville depuis mon arrivée en Palestine et je ne cessais d’être mise en garde sur le degré de tensions présent là-bas. La Palestine est déjà en soi une prison à ciel ouvert mais à El Khalil, le sentiment d’étouffement est à son comble.

Fin janvier, j’ai quitté Ramallah en bus un dimanche après-midi. Je suis passée comme maintes fois avant cela devant le checkpoint de Kalandia, celui qui mène à Jérusalem, j’ai traversé Bethléem, circulé dans les montagnes avant d’arriver en fin de soirée à El Khalil. Je suis la dernière passagère dans le bus et le conducteur me dépose près d’une mosquée où je vais rejoindre Mohamed, l’un des volontaires d’une association palestinienne. L’objectif des associations palestiniennes de cette ville est de venir en aide aux familles pour les aider à rester à Al Khalil. Le but des colons étant de s’étendre, ils usent de tous les moyens pour pousser les Palestiniens à quitter leur maison afin de pouvoir ensuite s’en emparer et gagner du territoire. La situation est la même partout en Palestine mais elle est particulièrement grave à Al Khalil.

Je suis un peu en retard, le tour politique du soir a commencé, je les attrape au passage. La visite consiste à nous montrer depuis les hauteurs les différentes parties de la ville, où comment elle a été morcelée et comment cela a résulté en une véritable ségrégation entre Palestiniens et Israéliens au sein même de la ville. A un moment-donné, on tombe devant le bureau de je ne sais quel groupe israélien, 2 colons sont à l’extérieur. En nous voyant, les 2 colons commencent à nous insulter et à diriger des gros faisceaux de lumière sur nous pour empêcher le tour de se dérouler normalement. Puis nous allons rendre visite à une famille qui vit près d’une prison israélienne et qui sont régulièrement victimes d’agressions. Comme d’habitude, malgré la gravité de la discussion, tout le monde blague, sourie, propose un thé, des fruits, des biscuits. Pourtant cette famille a vécu l’enfer, elle survit en partie grâce à l’association. En rentrant au centre de l’association ce soir-là où je serai hébergé pour ces 2 jours, je suis épuisée. Il y a quelque chose de lourd ans l’air, et j’ai les témoignages de cette famille qui tournent en boucle dans ma tête.

Le lendemain, nous nous rendons dans le centre-ville pour la suite du tour politique. Pour rejoindre le centre-ville, il faut passer l’un des innombrables checkpoints de la ville que des centaines de personnes doivent franchir quotidiennement. Il faut parfois attendre des heures et bon nombre de Palestiniens subissent des insultes et des humiliations permanentes.

On passe un premier checkpoint et très vite on comprend que quelque chose cloche vraiment dans cette ville. La colonisation est ici visible partout : il y a par exemple la rue Shohada qui a été fermée, isolant ainsi une partie de la population. Les associations luttent pour la réouverture de cette rue. Dans une autre rue plus loin, au dessus de la ruelle entre 2 bâtiments, un grillage protège les habitants des ordures jetées par les colons israéliens qui vivent au dessus sur les passants palestiniens.

Mais le plus impressionnant dans la ville, c’est qu’il n’y a plus grand monde. Ce n’est pas pour rien que l’on appelle Al Khalil « Ghost Town » (« La ville fantôme »). Humiliations, violences, arrestations arbitraires, évictions de leur maison, fermeture des épiceries et autres boutiques, la vie des Palestiniens est devenue un enfer et beaucoup n’ont eu d’autre choix que de fuir.

Les maisons récupérées par les Israéliens sont marquées d’une croix de David. Une façon de faire étrange qui ne peut que rappeler comment les maisons des Juifs et les Juifs eux-mêmes étaient marqués de cette croix de David pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Le tour politique s’arrête lorsque nous arrivons à une partie de la ville où Mohamed ne peut pas aller. En effet toute une partie de la ville est interdite d’accès aux Palestiniens. Il nous invite pourtant à continuer pour voir le quartier.

Un soldat israélien se joint à un autre tour politique…

Après avoir fini le tour, je suis allée visiter la mosquée qui abrite le tombeau des Patriarches, c’est-à-dire le tombeau d’Abraham ou Ibrahim, le père fondateur des 3 religions monothéistes. En 1994, pendant la prière du vendredi du mois de Ramadan, un colon israélien est entré dans la mosquée et a tué 29 Palestiniens et en a blessé 125 autres. La mosquée a été fermée pendant 8 mois et, à sa réouverture, les Palestiniens ont pu découvrir que quasiment la moitié de la mosquée avait été transformée en synagogue. Désormais il y a 2 entrées pour le bâtiment : une pour les Musulmans et une pour les Juifs. L’entrée pour les Juifs n’est réservée qu’aux Juifs et celle pour les Musulmans est « protégée » par les Israéliens via un nouveau checkpoint. J’ai vu de nombreux Palestiniens devoir se soumettre à des contrôles de sécurité stricte avant de pouvoir se rendre dans leur lieu de culte.

Après ce tour riche en émotions, il était bon de rentrer au centre de l’association et d’y retrouver tous les volontaires autour du feu préparé dans la cour. Comme la veille, tout le monde parlait, écoutait de la musique arabe, riait. Ce soir-là, j’ai préparé un koshary (un plat traditionnel égyptien) pour tout le monde. Je ne crois pas que tout le monde est aimé mais ils ont apprécié le geste, c’est déjà ça ! Les rires et l’espoir malgré la haine à quelques pas. Juste derrière le centre, c’est un quartier entier qui a été colonisé. Les Palestiniens ont été expulsés de leur maison par la force en même temps que des familles israéliennes s’y installaient, les affaires des anciens propriétaires parfois encore à l’intérieur. Si on fait le tour du centre, on voit ces maisons depuis l’arrière et les 2 soldats qui les protègent jour et nuit. Parfois dans la nuit, ils viennent toquer sur les portes et les fenêtres du centre. Ce dernier a même déjà été cambriolé par les soldats.

 

Pendant mon court séjour à Al Khalil, j’ai eu la chance de rencontrer Esraa avec qui je me suis très vite liée d’amitié. Esraa est une Suissesse d’origine égyptienne qui vient régulièrement en Palestine. Cette fois-ci, elle était volontaire dans l’association afin d’aider pour les tours politiques ainsi qu’à la mise en place des différentes campagnes. Elle a publié sur FB 4 portraits d’habitants d’Al Khalil que j’ai voulu partager ici avec son accord. Shokran ya hbibti Esraa <3

 

Youssef, 14

« I want to become a doctor one day. School can be hard sometimes. The other day, the Israeli army entered our school so the teachers sent us home after the third lesson. We are used to smell teargas or hear sound bombs while studying. Still, I would never leave Palestine. It’s where home is. »

“Je veux devenir docteur un jour. C’est parfois dur l’école. L’autre jour, l’armée israélienne a encerclé notre école, du coup les professeurs nous ont renvoyés chez nous après le troisième cours. On est habitués à sentir l’odeur des bombes lacrymogènes ou à entendre des bombes pendant qu’on étudie. Mais peu importe, je ne voudrais jamais quitter la Palestine. C’est chez moi ici. »

 

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Aysha, 12

“It’s different for girls to live here. Girls my age in other countries can go play outside, meet their friends without worrying that they might get hurt by a settler or a soldier. I dream of becoming a teacher, having a family and that one day it will all be over like a bad dream. Maybe I will have a girl that can go play outside. But for now, what can I do, I’m 12.”

« C’est différent pour les filles qui vivent ici. Dans les autres pays, les filles de mon âge peuvent sortir jouer dehors, elles peuvent voir leurs amis sans avoir peur d’être agressées par un colon ou un soldat. Je rêve de devenir professeur, d’avoir une famille et qu’un jour tout cela sera terminé, comme un cauchemar. Peut-être qu’un jour j’aurai une fille qui pourra jouer dehors. Mais pour l’instant qu’est-ce que je peux faire ? Je n’ai que 12 ans. »

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Mohammed, 21

« My father is sentenced to 727 years in prison. Yes, for over 700 years. He was arrested during the second intifada in year 2000. I was allowed to visit him until I was 14, so I haven’t seen him for the past 7 years. My mother is a very strong woman, she did everything for us. It’s difficult but I was born into these circumstances. Well, this is Palestine. »

Mon père a été condamné à 727 années de prison. Oui, plus de 700 ans. Il a été arrêté pendant la seconde Intifada en 2000. J’ai eu le droit de lui rendre visite jusqu’à mes 14 ans, donc ça fait 7 ans que je ne l’ai pas vu. Ma mère est une femme très forte, elle a tout fait pour nous. C’est dur, mais c’est dans ce contexte que je suis né. Voilà, c’est ça la Palestine. »

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Mohammed, 82

« See, I don’t have many neighbours anymore. The shops were closed, the people were forced to leave their homes. I know I have to keep my home safe. I pray to stay alive just so they don’t take it.
If god is willing, the world will see the truth before I die. And if not, it’s good to know that I resisted until my last breath. »

“Vous savez, je n’ai plus beaucoup de voisins. Les magasins ont été fermés, les gens ont été forcés de quitter leur maison. Je sais que je dois protéger ma maison. Je prie de rester en vie juste pour qu’ils ne la prennent pas. Si Dieu le veut, le monde verra la vérité avant que je ne meure. Et sinon, c’est bon de savoir que j’aurai résisté jusqu’à mon dernier souffle. »

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Palestine III // Bénévole avec l’association Jordan Valley Solidarity, construction d’une salle de classe dans une école bédouine.

J’en ai parlé dans un article précédent, l’un des projets auquel j’ai le plus participé pendant mon séjour en Palestine a été la construction d’une nouvelle salle de classe (une salle d’activités) dans une école bédouine avec l’association Jordan Valley Solidarity.

J’ai décidé de vous en parler plus amplement car vous pouvez vous aussi participer à ce projet (et plusieurs autres) que ce soit à travers une aide financière ou bien en devenant volontaire pour l’association. J’ai donc pensé vous faire une petite présentation du contexte et des différents projets en cours.

Vallée du Jourdain – situation politique

La Vallée du Jourdain représente 30% de la Cisjordanie (la Palestine est constituée de la Cisjordanie, Jérusalem-Est et de la bande de Gaza), le Jourdain étant le fleuve qui court entre la Jordanie et la Palestine avant de rejoindre la Mer Morte (partiellement asséché aujourd’hui).

En 1967, la Vallée du Jourdain comptait 320 000 Palestiniens, aujourd’hui elle n’en compte plus que 56 000. Il y a environ 10 000 colons israéliens illégaux répartis dans 37 colonies. La Vallée du Jourdain se situe en zone C, c’est-à-dire que l’on se trouve en Palestine mais que la zone est sous le contrôle de l’armée israélienne. Toute demande de constructions, rénovations ou récoltes doit être approuvée par l’armée israélienne. Par exemple, je vous en avais parlé dans cet article, la récolte des olives dans leur propre champ doit être approuvée par l’occupation. Cette approbation est limitée, aléatoire et réversible. Lorsque je suis allée accompagner cette famille palestinienne pour récolter leurs olives, ils possédaient une autorisation de récolte pour 3 jours par l’armée israélienne. Le premier jour, l’armée est venue par 2 fois sur le champ vérifier l’autorisation, compter le nombre de personnes présentes et surveiller. Le lendemain, nous avons reçu un coup de fil de la part de la famille : l’autorisation avait été annulée, c’en était tout de la récolte cette année. Plus tard, j’ai assisté à la destruction d’un abri dans le champ d’un fermier palestinien, une quinzaine de soldats et 2 bulldozers pour ce seul homme et son abri… C’était la 8ème fois en 4 mois que cet homme recevait la visite de l’armée israélienne pour une destruction quelconque. Fatigués, las, angoissés, apeurés, beaucoup de Palestiniens décident de quitter leurs terres, permettant ainsi à Israël de les récupérer et d’agrandir doucement leur territoire.

Le village

Le village de Badu al-Kaabneh est situé dans la Vallée du Jourdain près de Jéricho, et a une population d’environ 2000 personnes qui sont des réfugiés de 1948 (c’est le nom qu’on donne à Israël en Palestine). Ces personnes ont été déplacées de la région de Naqab vers la partie palestinienne de la Vallée du Jourdain et ont été dépourvues de leurs terres et de leur droit au retour jusqu’à aujourd’hui encore.

Les villageois sont toujours menacés d’être déplacés et d’être privés de tous leurs droits comme ceux au logement, à l’éducation, à la santé, à l’accès à l’eau et à l’électricité. L’école bédouine d’Al-Kaabneh a aussi été menacée de démolition par un avis de démolition adressé en mains propres aux enseignants.

L’école

L’école a ouvert en 1967. Au départ, il y avait seulement une tente bédouine traditionnelle appelée “Khaima”. Il y avait seulement un enseignant et 15 à 20 élèves allant de la classe de CP à la 6ème. Parce qu’ils voulaient prendre la terre, les Israéliens ont déplacé l’école vers une classe unique en brique en 1987. Entre 1995 et 2003, plusieurs salles de classe ont été construites : 1 faite de pierres, 2 de métal ainsi que 7 caravanes. En 2010, l’association “Jordan Valley Solidarity” a construit 5 caravanes et peint toutes les salles. L’Union Européenne a également fait don de 2 salles de classe à l’école.

En 2000, l’école s’est agrandit jusqu’à la 3ème et en 2013 les enfants âgés de 5 ans ont pu être accueillis à la maternelle. Aujourd’hui en 2018, l’école accueille 80 élèves de la maternelle jusqu’à la troisième et 11 enseignants. Il y a maintenant 18 salles de classe : 7 en béton, 4 en fer et 7 caravanes.

C’est l’une des 22 écoles gouvernementales de la Vallée du Jourdain, mais il y en a seulement 3 pour les Bédouins. Celle-ci est une petite école mais très importante car elle permet à beaucoup d’enfants bédouins de la région d’être scolarisés. Les enfants viennent à pieds ou à dos d’âne. Cependant l’été, à cause de la chaleur, les familles quittent la région pour Ramallah mais les enfants continuent de venir à l’école et prennent le bus tous les jours.

L’école est sous la circonscription de Jéricho mais les enseignants viennent de différentes villes comme Ramallah, Naplouse, Jénine or Hébron. Même si certaines villes ne sont pas si éloignées de l’école en termes de kilomètres, les différents check points qu’ils doivent franchir quotidiennement rendent le trajet bien plus long et éprouvant.

Le projet

Mahmoud, le directeur de l’école depuis 2016, et Rashed, coordinateur de l’association « Jordan Valley Solidarity« , ont eu l’idée de construire une salle d’activités faite en briques de terre. La forme de la salle est inspirée de la forme des tentes bédouines traditionnelles et permet de faciliter les interactions entre les enfants. Les briques de terre sont naturelles, faciles à faire, elles gardent la pièce fraiche en été et protègent du froid l’hiver.

En Octobre, le projet a démarré. L’association « Jordan Valley Solidarity » et ses volontaires du monde entier, ont d’abord fabriqué les briques nécessaires à la construction de la salle d’activités.

Les fondations en béton et la structure intérieure en bois ont été installées puis les rangs de briques montés.

Ensuite, le toit a été installé puis recouvert d’une bâche, elle-même recouverte d’un mélange de boue et de paille, ainsi que des feuilles de palmiers pour l’isolation.

Fin novembre, une trentaine de personnes (Palestiniens et internationaux) sont venues aider à la construction du sol ainsi qu’à d’autres projets de rénovation dans l’école dont je parlerai plus tard. Nous avons mis à niveau le sol à l’aide de pierres et de sable, puis le béton a été préparé, coulé et enfin lissé pour faire le sol.

Ensuite, nous avons re-re-refait de la boue (on était devenus experts à ce moment-là haha) et avec cette dernière nous avons lissé les murs à l’intérieur et à l’extérieur tout en gardant la forme des briques puisque c’est ce qui fait tout le charme de cette construction !

Voilà à quoi ressemblait la salle de classe lors de mon départ fin janvier 2018 :

Si vous voulez aider l’association Jordan Valley Solidarity, vous pouvez devenir bénévole avec eux directement en Palestine, il y a toujours buy CBD products projets plus ou moins longs en cours et toute aide est la bienvenue (de la rédaction d’articles, aide informatique, participation à des projets de rénovation ou de construction, etc.), ou encore faire un don pour aider l’association à mettre en place ces projets ou soutenir des familles.

Toutes les informations, renseignements et l’actualité de la région et des actions de l’association sur le site  http://jordanvalleysolidarity.org/.

De manière plus locale, vous pouvez également soutenir l’antenne française de l’association Albertville – Jourdain Vallée Solidarité.

L’aventurière fauchée – et sincère.

J’ai découvert le blog de Sarah Gysler « L’Aventurière fauchée » l’année dernière et je l’ai lu d’une traite. Il y a quelques années, cette Suissesse a décidé de quitter sa Suisse natale pour parcourir le monde. Elle est partie seule et sans un sous en poche. Sur son blog, elle raconte ses différents voyages : le premier en stop jusqu’au Cap Nord, son séjour avec une famille mongole, son voyage aux Philippines et tous ceux qui ont suivis.

Il existe beaucoup de blogs de voyage magnifiques, avec des filles toutes plus belles et plus stylées les unes que les autres, avec des photos incroyables et qui te racontent leurs trips géniaux et surtout parfaits. Ce que j’ai tout de suite aimé dans le blog de Sarah, c’est qu’elle y raconte de manière très sincère sa vie sur la route. Elle parle de ce qui ne va pas, de ses doutes et de sa solitude. La vie sur la route est faite de périodes magiques où tout se met en place facilement, où tout va bien, où tout est magnifique, mais aussi (beaucoup) d’autres moments (beaucoup !) moins faciles où ça foire, où on se sent seule et nulle.

Son blog m’a aidée à plus m’ouvrir sur mon voyage et m’avait inspiré ce post que j’avais partagé sur Instagram et Facebook au moment des 3 mois de mon dernier voyage. Je venais d’arriver en Palestine, j’étais submergée par de nombreuses émotions intenses et contradictoires, et je vivais surtout une grosse remise en question. Le voici :

« 3 mois de voyage.

C’est certainement la partie la plus difficile de mon voyage. On parle jamais vraiment de ça quand on voyage : les coups de mou, les coups de blues, les déceptions, les trucs qu’on avait pas prévu et auxquels on doit faire face, la fatigue, la lassitude, la solitude parfois.

Partir c’est vivre des choses magiques, rencontrer de nouvelles personnes, partager des moments fabuleux. C’est aussi se retrouver seul*e* faire face à ses angoisses, ne plus avoir de repères, se confronter à certaines réalités.

Depuis mon arrivée en Palestine, tous les sentiments se mélangent. Il y a la situation ici, l’enfer quotidien que vit la population palestinienne, les humiliations permanentes, la peur, les arrestations arbitraires, les tirs dans la nuit. Plus que de la tristesse c’est de la colère que je ressens. Souvent je me demande si ça change quelque chose ce que je fais, si ce n’est pas pour se donner bonne conscience, si c’est pas en vain. Et puis je me rappelle que le pays tient aussi le coup en partie grâce à la présence d’internationaux et d’ONG. J’essaie de penser aux gens et de croire que chaque geste, chaque action compte. Que dans ma vie quotidienne, c’est un mot, un sourire de quelqu’un qui peut changer ma journée.


Et aussi je me rappelle qu’une période difficile est parfois nécessaire pour aller mieux. Je me rappelle que c’est la vie que j’ai choisie et que c’est ça le bonheur : prendre ses propres décisions, être en accord avec soi-même. C’est pas avoir le sourire 24h/24h mais vivre la vie qu’on a choisi, dans les bons et les mauvais moments.
« 

Ce post m’avait valu beaucoup de réactions positives de la part de personnes qui disaient comprendre ce que je ressentais et étaient heureux de lire et de partager ces émotions-là. Finalement, je trouve que c’est ça qui est intéressant, partager ce que l’on ressent vraiment, se mettre à nu et permettre peut-être à d’autres personnes d’accepter ce qu’elles ressentent. Après avoir posté ce post et reçu les réactions, je me suis sentie un peu mieux, et petit à petit les choses se sont arrangées et j’ai récupéré mon énergie.

Je pense qu’il est vraiment important d’être honnête, dans la vie mais aussi sur ce blog. A quoi bon partager les mêmes photos et les mêmes commentaires que tout le monde sur le Trésor de Pétra ou le Jardin Majorelle de Marrakech. Ce qui est intéressant c’est la vision des choses, le ressenti de chacun sur le voyage, ce que l’on voit et ce que l’on comprend ou non.

Bref, de son blog et ses différents voyages, Sarah en a fait un livre où elle raconte comment elle s’est affranchie des pressions sociales et de son histoire familiale en/pour parcourir le monde sans argent… Inspirante, forte, drôle et fragile à la fois.

Alors ouvrez-vous, dites ce que vous ressentez, pleurez, criez et surtout, lisez le livre de Sarah Gysler « Petite » et voyagez pendant quelques heures avec elle, sincèrement.

Se relever.

Je n’ai pas trouvé le moyen d’oublier ce que j’ai vécu « là-bas ». Je me suis posée beaucoup de questions depuis mon retour sur le sens de la vie. J’ai rêvé des soldats que j’ai croisés trop souvent pendant quelques mois. J’ai pleuré de ce que j’ai vu et ce que je n’ai pas vu mais que je n’imagine que trop bien. On m’a conseillé de prendre des anti-dépresseurs « le temps que ça passe ». J’ai refusé. J’ai cherché une façon de calmer mes angoisses, sans trop de succès. J’ai erré entre les minarets et les stands d’épices quelques semaines, ça m’a fait du bien mais ça ne m’a pas apaisée.

Et finalement j’ai compris que je n’ai pas envie, que je ne dois pas oublier. J’ai eu l’impression d’être définitivement passée de l’autre côté du miroir après mon voyage en Palestine, maintenant je ne peux plus faire demi-tour. Certains choisissent d’agir chez eux, au coin de leur rue, dans leur ville/village, avec leur entourage. Je respecte toutes les formes d’engagement et je pense que l’important est d’être en accord avec soi-même. L’engagement que j’avais pris ces dernières années, avec mes élèves en tant que professeure, ou comme bénévole avec la Croix-Rouge, ne me convient plus. Je ne me sens plus à ma place.

J’ai compris le message que l’univers m’adressait lorsqu’il y a quelques semaines, j’étais à Marseille en train de voir un spectacle de danse. Pendant ce spectacle, un danseur de Gaza était invité par Skype à s’adresser au public puis à danser pour lui. Quelques heures plus tard, j’apprenais que mon ami Wael, coordinateur d’une association palestinienne avec laquelle j’ai été bénévole, était arrêté par l’occupation israélienne au moment même où je regardais ce spectacle.

Je ne peux plus rester spectatrice. Ma vie « d’avant » n’a plus la même saveur, je n’y arrive plus. Je veux me battre autant que je le peux. Je repars le mois prochain pour la ville qui m’a donné ma première grosse claque : Le Caire. Je sais qu’elle et ses habitants sauront me donner l’énergie dont j’ai besoin pour me relever et tout donner en retour.

Je sais qu’un chapitre se termine, que ma vie prend un nouveau tournant. J’ai cette sensation que beaucoup de choses m’attendent. Il est temps de regarder au loin et de mettre un premier pied en avant en espérant donner le meilleur. <3

Palestine II // Les différents missions de volontariat.

Durant mon séjour de 3 mois en Palestine, j’ai effectué différentes missions de volontariat. Quand je suis arrivée, j’avais besoin de me poser un peu (j’ai raconté mon épisode de chialance intense dans un article précédent) et j’ai vu qu’ils cherchaient des volontaires dans l’auberge de jeunesse où je séjournais (j’avais aussi vu une annonce sur le site Workaway), du coup je me suis lancée, j’ai postulé et j’ai été prise. J’ai fait un volontariat de 2 semaines, les tâches consistaient à faire le ménage, gérer la réception, les besoins des guests, etc. Ça n’a pas été un volontariat transcendant, surtout la partie ménage dont j’avais vraiment horreur, mais ça m’a permis de me poser un peu, d’économiser (en contrepartie des différentes tâches qui prenaient entre 5 et 6 heures par jour, j’étais logée et nourrie), d’être dans une ambiance de bienveillance avec les 2 propriétaires super sympas et certains autres volontaires avec qui je me suis beaucoup liée d’amitié. Pendant mes jours off, je rejoignais Celim, mon compagnon de voyage rencontré au Caire pendant ce même voyage et avec qui je voyageais depuis, qui lui était parti à Naplouse. Là-bas, il était entré en contact avec l’association Tanweer, une association qui promeut l’héritage culturel palestinien et qui vise à soutenir les populations pour qu’elles restent sur leurs terres. J’ai eu un énorme coup de cœur pour le coordinateur de cette association Wael. Un homme généreux, toujours souriant et prêt à tout pour la cause palestinienne.

<3

Avec Tanweer nous avons participé à différentes actions notamment accompagner des familles palestiniennes lors de la récolte des olives. Le but de notre présence (et surtout la mienne car Celim, lui, fait plutôt couleur locale) est de dissuader les soldats israéliens de venir malmener les familles palestiniennes. Le jour où nous sommes allés cueillir les olives avec une famille près de Naplouse, les coordinateurs d’une autre association ont reçu un appel pour les prévenir que dans le village voisin, des soldats israéliens avaient agressé un couple en train de faire la récolte sur leur champ d’oliviers. Le couple avait une soixantaine d’années… Sur le champ voisin, une centaine d’oliviers avaient été brulée. Le but d’une telle démarche : empêcher les Palestiniens de cultiver leurs terres car si une terre n’est pas cultivée pendant 3 ans, les Israéliens ont le droit de s’en saisir. Il est donc primordial pour les Palestiniens de cultiver leurs terres mais il faut pour cela passer outre les violences, les humiliations et les différentes stratégies mises en place par Israël pour les empêcher de le faire.

L’un des meilleurs souvenirs de volontariat : la journée passée avec cette famille et les autres volontaires. Malgré la tension de voir les soldats débarqués deux fois dans la journée, cette famille avait le sourire aux lèvres toute la journée, les enfants étaient toujours prêts à blaguer et les parents à partager avec nous tout ce qu’ils avaient <3

Dans le même esprit nous avons participé à plusieurs journées de plantation du « zatar », la plante de Palestine, dans différents villages palestiniens afin de soutenir les familles et de les aider à occuper leurs terres.

Champ de zatar
Et le zatar, une fois qu’il a poussé!

Nous avons également planté des oliviers, toujours pour soutenir les familles palestiniennes mais également pour rendre hommage aux martyrs tombés dans la lutte pour la liberté de leur pays.

J’ai choisi de rendre hommage à Rachel Corrie, morte à Gaza écrasée par un bulldozer alors qu’elle s’opposait à la destruction illégale de la maison d’une famille palestinienne.

Wael nous a également mis en contact avec l’association « Jordan Valley Solidarity » dans la Vallée du Jourdain comme son nom l’indique. La Vallée du Jourdain est une région de la Palestine qui se situe à la frontière avec la Jordanie où se trouve le fleuve du Jourdain et la Mer Morte. C’est une région stratégique puisque c’est la où se trouve la majorité des ressources d’eau… Comme par hasard, cette région est à 60% en Zone C (contrôle israélien), toutes les ressources d’eau (puits, etc.) sont contrôlées par Israël. La zone C implique que nous sommes en Palestine mais le contrôle par Israël est total. Toutes les ressources donc (eau et électricité), mais aussi les actions : pour pouvoir construire une école, une maison ou même un abri de jardin, il faut demander une permission à Israël. Si elle est délivrée (c’est rare ou c’est aléatoire), il faut attendre un bon moment, et même avec une permission, il n’est pas rare que les constructions soit finalement démolies. De même pour cultiver son champ, récolter les olives, planter des arbres, des plantes, etc., il faut une permission. La situation est donc quasiment invivable dans cette région et l’association « Jordan Valley Solidarity » et son coordinateur Rashed, se battent pour permettre aux familles (donc beaucoup de Bédouins) de vivre ou survivre. Nous avons participé à différents projets, le plus important était la construction d’une nouvelle salle de classe pour une école dans le village bédouin de Badu al-Kaabneh. Le projet s’est fait en plusieurs temps et avec énormément de personnes qui ont participé plus ou moins longtemps à son élaboration. D’abord il a fallu construire les briques à base de boue et de paille, ensuite faire le niveau sur le sol et monter les parpaings en ciment des premiers rangs de la salle de classe puis continuer avec les briques de boue.

Celim et moi sommes arrivés lorsqu’une dizaine de rangs avaient été posés. Nous avons continué à poser les briques, puis un professionnel a posé la toiture et nous l’avons recouverte de boue, de paille et de feuilles de palmiers. Ensuite nous nous sommes occupés de l’isolation de la salle de classe, encore une fois avec de la boue.

Encore quelques rangs à monter.
Au boulot !
Quelques semaines plus tard, ça a bien avancé et il y a même un toit!
Préparation de la boue et bain de pieds…
Walid, surnommé « La Machine ».
Benji, un volontaire écossais, s’occupe de l’intérieur.
On peaufine l’extérieur.
Quand je suis partie, la salle de classe ressemblait à ça.

Nous allions de temps en temps passer 3 ou 4 jours travailler sur l’école. D’autres volontaires se joignaient à nous, parfois des groupes pour venir également nettoyer l’aire de jeux, planter des oliviers, des Français d’ « électricité sans frontières » (je savais même pas que ça existait) sont venus poser des panneaux solaires financés par des dons. C’était beau de voir tous ces gens venir passer une journée ou plus participer à la construction de cette école. Et c’est d’autant plus dur quand on voit le travail que cela demande, de savoir que tout ce labeur peut être détruit en quelques minutes.

Un jour, nous étions en voiture avec Rashed et Celim, on se dirigeait vers l’école pour aller travailler quand Rashed a reçu un coup de téléphone : l’armée israélienne était entrée dans un village pour détruire un abri sur le champ d’un Palestinien. Nous nous y sommes rendus pour témoigner de la situation. Bien entendu, on nous a barré la route et empêcher de s’approcher. Nous avons assisté impuissant au spectacle : un Palestinien entouré d’une vingtaine de soldats israéliens venus avec 2 tanks, des véhicules de la police des frontières et un bulldozer pour détruire un abri de jardin… A quel moment faut-il autant de monde et de machines pour détruire un si petit abri ? Si ce n’est pour impressionner et humilier l’agriculteur mais aussi tout le village. C’était la huitième fois en 4 mois que les soldats venaient détruire quelque chose chez ce monsieur, sans raison. Et des histoires comme cela, il y en a des centaines et c’est quotidien.

Dans la Vallée du Jourdain, toujours avec l’association « Jordan Valley Solidarity », nous sommes allés aider à trier, étiqueter les livres et organiser la bibliothèque du village d’Al Jitflek.

Le village d’Al Jitflek

Nous avons également participé à plusieurs manifestations donc une très important à Nabi Saleh, dans le village d’Ahed Tamimi en soutien à cette jeune fille et à sa famille. Tous les membres du comité de résistance et de libération de la Palestine étaient présents, et nous étions nombreux à défiler dans les rues de ce village avec des drapeaux palestiniens et des pancartes pour Ahed et sa famille. Ensuite nous nous sommes approchés d’un checkpoint, l’armée israélienne nous attendait. Il y avait une trentaine de soldats, un drone, plusieurs tanks dont le fameux tank blanc, celui qui envoie les eaux usées des colonies (de l’eau et de la merde quoi) sur les manifestants. Il y avait aussi une machine que je n’avais encore jamais vue jusque-là : une machine capable de tirer 5 ou 6 gaz lacrymogènes d’un seul coup, et il devait y avoir 4 ou 5 machines comme celle-là. Quand nous nous sommes approchés, les soldats n’ont pas attendu et ont très rapidement tiré tous les gaz lacrymos qu’ils pouvaient d’un seul coup. Cela a créé un nuage très épais de gaz très dangereux, 2 personnes ont été blessées et ont dû être évacuées à l’hôpital. Les affrontements ont continué jusqu’à ce que la majorité des manifestants fatigués ou las de recevoir du gaz rebroussent chemin.

Rassemblement dans les rues de Nabi Saleh pour Ahed Tamimi et sa famille.

Les affrontements avec l’armée israélienne démarrent.
Très vite, nous sommes cernés par les gaz lacrymos qui deviennent d’épais nuages de fumée.
Le Haj, à terre, a ensuite été conduit à l’hôpital intoxiqué par les gaz lacrymogènes.
L’armée israélienne ne va cesser de lancer ses gaz pendant des heures.

Il est difficile de mettre des mots justes sur ces actions. J’étais heureuse d’être là-bas, de côtoyer ces personnes, d’être présente, de faire un geste. Ça a soulevé énormément de questions concernant le volontariat : est-ce que c’est vraiment utile ? Est-ce que ça va changer quelque chose ?

Je n’ai pas forcément répondu à toutes ces questions mais ce que je sais, c’est que pour eux, peu importe les actions auxquelles nous prenions part avec les autres volontaires, l’important c’était qu’on soit là, qu’on ait fait le chemin depuis chez nous jusqu’en Palestine pour aider, soutenir, qu’on voit ce qu’il se passe vraiment là-bas, qu’on soit capable d’en parler, de témoigner quand on rentrerait chez nous. C’est tellement important pour un peuple qui se sent complètement abandonné par la communauté internationale. « Don’t forget us » (Ne nous oublie pas) c’est la phrase que j’ai le plus entendue quand je suis partie.

Palestine I // Retour de voyage, premières impressions.

Je viens de rentrer d’un voyage de 5 mois et demi au Moyen-Orient. J’ai passé 2 mois dans un de mes pays préférés, l’Egypte, puis 2 semaines en Jordanie, et enfin 3 mois en Palestine. Chaque étape du voyage a été très différente et, pour le moment, j’ai surtout envie de parler des 3 mois que j’ai passés en Palestine.

 

 

Quand j’étais en terminale (il y a 12 ans…), on n’avait pas eu le temps d’étudier un dernier chapitre en histoire : celui sur le conflit israélo-palestinien. Je n’y connaissais pas grand-chose et ne m’y intéressais pas forcément. Et puis il a fallu étudier ce dernier chapitre toute seule à la maison avant le bac. Je me rappelle que quand je l’ai étudié, j’ai tout de suite trouvé ça absurde. Comment la création d’un état juif en plein milieu du Moyen-Orient avait-il à l’époque semblait une bonne solution ? Je n’ai à ce moment-là appris que les grandes lignes du conflit, et je n’avais alors absolument pas les liens que j’ai aujourd’hui avec le Monde Arabe, mais j’ai très vite su que j’étais plutôt pro-Palestine. Pendant des années, j’ai lu sur le conflit, regardé des films et des documentaires. J’ai toujours eu envie d’y aller, voir comment c’était vraiment là-bas, en savoir plus, comprendre, apporter mon soutien d’une manière ou d’une autre. Il y a 4 ans, quand je vivais à Moscou, j’ai rencontré une femme là-bas qui m’a dit y être allée plusieurs fois, que ce n’était pas comme ce qu’on en voyait dans les médias, et qu’il fallait y aller pour se faire sa propre opinion. Le projet a commencé à germer dans ma tête et les années qui ont suivi mon retour de Russie, je n’ai fait que me rapprocher de cette région pour finalement passer la frontière depuis la Jordanie le 1er novembre 2017.

 

Lorsque j’étais en Palestine, j’ai eu beaucoup de mal à écrire. De manière générale, j’écris pas mal : j’écris dans mon journal intime, dans mon carnet de voyage, dans mes carnets d’idées, j’écris des ébauches plus ou moins réussies d’articles ou des posts plus spontanés, mais j’écris. Pendant mon séjour de 3 mois en Palestine, je n’ai que très peu écrit. Je suis rentrée depuis quelques jours et je « commence » à y voir plus clair. Lorsque je suis arrivée, je me suis vite sentie oppressée. Je n’avais encore rien vu de choquant mais il y avait quelque chose dans l’air (métaphoriquement parlant), un truc lourd, un truc qui m’empêchait de respirer correctement, de me concentrer, d’être constructive, d’être bien. Je me suis sentie tout à coup très triste et j’ai passé les 2 premières semaines à pleurer. Je ne sais pas pourquoi j’ai réagi comme ça, en plus je n’avais pas l’impression de pleurer pour ça. J’avais plutôt l’impression de pleurer pour tout un tas d’autres choses. Avant de partir en voyage, j’avais eu une année (ou deux, ou trois, je ne sais plus) assez agitée et j’avais fini par oublier de m’écouter. Je faisais un peu un déni de ce dont j’avais besoin et envie et j’en ai souffert. La fatigue des 2 mois et demi de voyage déjà effectués et un petit coup de blues n’aidant pas, en arrivant en Palestine, j’ai pris conscience de tout ça et tout est sorti. Sauf que je me sentais encore plus stupide d’être tout à coup centrée sur mes émotions alors que j’étais dans un pays sous occupation où les gens ont affaire à des choses bien plus graves que mes petits problèmes. Pendant ces 2 premières semaines, je faisais un volontariat dans une auberge de jeunesse à Ramallah et j’y ai rencontré une autre volontaire, Elisabeth, une infirmière anglaise avec qui j’ai discuté de tout ça. Elle m’a dit qu’elle avait lu un livre juste avant son départ de la Palestine qui disait que lorsqu’on voyage dans des pays ou des régions en situation de crises ou de guerres, on s’attend à en oublier nos problèmes alors qu’en fait c’est tout le problème et que ces endroits font ressortir ce qui ne va pas en nous, et c’est pour cela que, de manière générale de toute manière, il faut régler ses propres problèmes avant de pouvoir aider les autres. Ces paroles, et celle de ma mère qui s’y connait bien, m’ont beaucoup apaisée et j’ai tenté petit à petit d’accepter ma souffrance pour pouvoir la résoudre.

A l’époque j’ai écrit un petit post sur Instagram que j’ai aussi publié sur Facebook qui résumait donc ces 3 mois de voyage et j’ai eu beaucoup de réactions.

« 3 mois de voyage.

C’est certainement la partie la plus difficile de mon voyage. On parle jamais vraiment de ça quand on voyage : les coups de mou, les coups de blues, les déceptions, les trucs qu’on avait pas prévu et auxquels on doit faire face, la fatigue, la lassitude, la solitude parfois.

Partir c’est vivre des choses magiques, rencontrer de nouvelles personnes, partager des moments fabuleux. C’est aussi se retrouver seul*e* faire face à ses angoisses, ne plus avoir de repères, se confronter à certaines réalités.

Depuis mon arrivée en Palestine, tous les sentiments se mélangent. Il y a la situation ici, l’enfer quotidien que vit la population palestinienne, les humiliations permanentes, la peur, les arrestations arbitraires, les tirs dans la nuit. Plus que de la tristesse c’est de la colère que je ressens. Souvent je me demande si ça change quelque chose ce que je fais, si ce n’est pas pour se donner bonne conscience, si c’est pas en vain. Et puis je me rappelle que le pays tient aussi le coup en partie grâce à la présence d’internationaux et d’ONG. J’essaie de penser aux gens et de croire que chaque geste, chaque action compte. Que dans ma vie quotidienne, c’est un mot, un sourire de quelqu’un qui peut changer ma journée.
Et aussi je me rappelle qu’une période difficile est parfois nécessaire pour aller mieux. Je me rappelle que c’est la vie que j’ai choisie et que c’est ça le bonheur : prendre ses propres décisions, être en accord avec soi-même. C’est pas avoir le sourire 24h/24h mais vivre la vie qu’on a choisi, dans les bons et les mauvais moments. »

 

Avec les réactions sur internet mais aussi en discutant autour de moi avec d’autres voyageurs, j’ai senti que j’avais touché un point sensible, que tout le monde se sentait ou s’était senti à un moment donné un peu comme moi et ça m’a encouragée à continuer d’écrire et surtout d’investir ce blog.

Et puis le coup de blues est passé, j’ai commencé à me sentir mieux, à prendre mes marques, à prendre part à des actions qui m’intéressaient réellement, j’ai terminé mon volontariat à Ramallah et je suis allée à Naplouse, rejoindre Celim, la personne que j’avais rencontré durant la première partie de mon voyage et avec qui je voyageais depuis. Nous avons commencé à participer à différents projets avec plusieurs associations palestiniennes (je vais consacrer un article à ces associations, leurs projets et les contacts dans le prochain article). Et puis j’ai aussi trouvé un petit boulot de prof d’anglais dans un centre de langues à Naplouse pendant un mois. J’ai pris un petit appartement pour quelque temps et j’ai partagé mon temps entre le bénévolat avec les associations, les cours d’anglais, j’ai aussi pris des cours particuliers d’arabe et il se trouve que le prof était en fait mon voisin, on a bien ri le jour où on s’est croisés pour la première fois sur le palier. J’ai aussi profité de mon séjour pour voyager dans le pays découvrir des villes comme Bethléem, Jérusalem ou encore El Khalil (Hébron).

 

J’ai énormément appris sur la situation là-bas. Des choses que je n’avais jamais lues. Et puis même, même quand on lit, même quand on nous raconte, ce n’est jamais pareil que lorsqu’on y est, qu’on voit de nos yeux, qu’on le vit vraiment. Il y a une différence entre entendre parler des soldats israéliens et les voir. Voir la haine dans leurs yeux, la violence dans leurs gestes. Il y a ce qu’on lit et qu’on a presque du mal à croire et ce que l’on voit en vrai : les Palestiniens qui se font frapper par les soldats, les soldats qui lancent des bombes assourdissantes à nos pieds depuis leur tour de contrôle et qui rient de nous voir courir, les drones qui volent au-dessus de nos têtes pendant les manifestations, les gaz lacrymos qui asphyxient, les démolitions illégales de maisons, les demandes de permissions qui ne sont pas acceptées sans aucun motif, les colons qui sont partout, les points d’eau et d’électricité tous contrôlés par Israël, le bruit des bombes assourdissantes dans les rues de Naplouse la nuit, les contrôles aux checkpoints… La liste est longue.

Je n’ai jamais été aussi en colère que pendant ce voyage. J’ai crié et j’ai pleuré, beaucoup. Au début je ne savais pas, je ne comprenais pas ce que je ressentais et puis quand je suis allée à la première manifestation, j’ai compris. J’étais et je suis en colère pour ce peuple qu’on a laissé tomber, ces gens qui ne sont plus soutenus, qui sont seuls face à une toute puissance. En manifestation, c’en est presque risible tellement c’est clair : d’un côté il y a l’armée israélienne avec les soldats et leurs M16, les drones, les tanks et le tank blanc (qui jette les eaux usées des colonies : en gros de l’eau et de la merde), parfois la police des frontières en renfort ; et de l’autre, il y a les Palestiniens avec leurs lance-pierres (et il faut le dire leur agilité incroyable !) et c’est tout. Pas d’armée, pas de police, juste les ambulances du Croissant Rouge Palestinien. Ah si, y a un truc en plus qu’ils ont : le courage. Parce qu’il faut les voir aller au plus près possible alors que les soldats en face, armés jusqu’aux dents, reculent en les voyant arriver.

Plus je participais à des actions, des manifestations, plus j’apprenais sur le conflit et ce qu’il se passe vraiment au quotidien pour les Palestiniens, plus j’étais en colère, plus j’avais envie de hurler sur les soldats et d’insulter les colons, et ça m’est arrivé quelques fois. Pourtant, ce qui caractérise les Palestiniens, c’est cette capacité à rester calme face aux humiliations, aux insultes et à toutes les tentatives d’Israël de faire de leur vie quotidienne un enfer. Et puis il y a ce sourire, malgré l’occupation, malgré les arrestations, les morts, la peur certainement, et je crois le manque d’espoir car ils se sentent abandonnés. Pourtant les Palestiniens continuent de sourire et d’offrir tout ce qu’ils sont capables d’offrir.

L’un de mes meilleurs souvenirs, en tout cas l’un des plus drôles, restera pour moi celui où pendant un affrontement avec l’armée israélienne à la sortie de Naplouse, pendant que tout le monde jette des pierres ou court pour fuir les gazs lacrymos, des gens surgissent de nulle part pour au choix : mettre de la musique à fond dans sa voiture ou encore vendre du café. Arab style.

Cairo – Mon Amour

 

Voici le portail de l’immeuble au Caire dans lequel j’ai habité pendant quelques mois il y a 3 ans. Quelques mois qui ont changés ma vie. J’ai rencontré des personnes qui m’ont ouvert les yeux et changé ma vision du monde, j’ai appris à être plus forte, à ne pas me laisser faire, j’ai râlé contre le côté intrusif de la société égyptienne, les gars du café du coin qui semblaient tout connaître de ma vie, j’ai pesté contre le bruit, celui des klaxons à toute heure, des gens qui crient et des vendeurs de rue. Mais j’ai aussi aimé la gentillesse spontanée des gens qui viennent m’aider dans la rue, la beauté cachée sous la poussière des immeubles du centre-ville, l’appel à la prière des mosquées du coin, les promenades de nuit dans Garden City, les balades en felouque sur le Nil, les conversations révolutionnaires au café en buvant le thé et fumant la chicha, les concerts de musique traditionnelle et les achats divers dans Khan El Khalil, la vue sur le Caire Islamique depuis la Citadelle, les vendeurs de foul et leurs chariots colorés, les graffitis de la rue Mohamed Mahmoud, ces rues pleines d’anecdotes, de souvenirs et de sens… Cairo, je t’ai sous la peau.