Chronique syrienne #5 – Deux mois en Syrie, premier bilan !

Cela fait désormais deux mois que je vis à Damas. Jamais je n’aurais imaginé un jour vivre ici, et d’ailleurs je ne réalise toujours pas tout à fait. Si vous me connaissez ou que vous me lisez depuis quelque temps, alors vous savez surement que j’ai, pour le moment, trouvé mon bonheur dans la capitale syrienne.

C’est fou car avant de venir ici, je n’avais aucune idée de ce que j’allais découvrir. Je connaissais seulement une personne qui avait passé un an ici avant la guerre et ma grand-mère qui y a voyagé il y a longtemps. Toutes les deux m’en avaient dressé un portrait sublime. Mais après ces dix années de conflit, je ne savais pas ce qui m’attendait, dans quelle situation je me lançais. J’avais un peu peur de me retrouver face à mes vieux démons comme en Palestine. Là-bas, l’atmosphère est pesante, on a vite cette sensation d’étouffement dans cette prison à ciel ouvert. Le contexte de bénévole dans lequel j’évoluais n’y était évidemment pas pour rien. Je me suis souvent retrouvée face à des situations difficiles, face à la violence, physique et morale, de l’occupation. J’ai beaucoup souffert à mon retour et j’ai réellement mis trois ans à m’en remettre, si on peut dire complètement.

Ici, bizarrement, je me retrouve dans un environnement sain. Je me sens très bien où je suis. En deux mois, j’ai rencontré énormément de personnes, notamment mes collègues mais aussi des gens en dehors. J’ai déjà l’impression d’avoir rencontré des personnes qui sont en train de devenir et resteront des amis. J’ai découvert en partie la ville, bien que je ne parte pas à l’assaut de la capitale aussi souvent que je le voudrais. J’ai testé pas mal de cafés et restaurants et je me régale de la nourriture syrienne.

Je suis aussi très heureuse dans l’établissement scolaire où je travaille. C’est dans ce cadre que je suis venue m’installer à Damas. J’ai rencontré de super collègues que j’aime déjà beaucoup. Le lien avec les élèves est déjà bien installé et comme toujours, c’est un réel plaisir de travailler avec mes classes. Travailler avec les masques n’est, par contre, pas agréable du tout mais cela n’a pas perturbé la transmission des émotions. C’était une de mes appréhensions, je souris beaucoup et je suis très expressive. Je considère que l’émotion est centrale dans l’apprentissage et beaucoup de choses passent par le visage, notamment par la bouche, surtout en langue. Mais l’humain s’adapte et les yeux prennent le relais. C’est juste parfois très déstabilisant quand on entend que quelqu’un s’adresse à nous mais qu’on n’arrive pas à savoir qui car on ne voit pas les lèvres bouger !

Bref, je suis heureuse de découvrir tous ces adolescents syriens qui me font découvrir leur pays et leur culture et qui acceptent, en échange, que je les saoule avec l’Égypte.

Il y a deux semaines j’ai également eu la chance de partir pour mon premier voyage en Syrie pendant les vacances scolaires et j’ai pu sortir de ma zone de confort, cette petite bulle damascène qui nous fait parfois oublier où l’on se trouve.

L’un de mes challenges ici, c’est la langue. Car même si je parle arabe, je parle le dialecte égyptien et c’est très différent du dialecte syrien. Rien que pour dire « Ça va ? », ce n’est pas la même manière. Il y a aussi les nombreuses formules de politesse qui changent complètement et dont chaque réponse est différente. Comme le dialecte égyptien est très connu dans le monde arabe car la culture égyptienne (musique, films, séries) rayonne dans le monde arabe depuis des décennies, je n’ai pas de problème à me faire comprendre, mais comprendre la réponse, c’est une autre histoire ! Mais je prends des cours d’arabe syrien depuis deux semaines et je commence à mieux me débrouiller en compréhension orale et à avoir plus d’automatismes en syrien.

Cependant mon arabe égyptien est une superbe carte de visite, outre la surprise de voir une rouquemoute parler en égyptien, le dialecte égyptien est très apprécié dans le monde arabe car il est vraiment unique, drôle, plein de jeux de mots et d’intonations particulières. A chaque fois que je parle arabe, un sourire se dessine toujours sur le visage de mes interlocuteurs lorsqu’ils entendent mon accent égyptien. Ils sourient ou rient de bon cœur en m’entendant parler avant de me poser les questions habituelles : « Tu viens d’où ? », « Comment ça se fait que tu parles égyptien ? », « C’est quoi le mieux, l’Égypte ou la Syrie ? » et d’échanger avec moi quelques mots en égyptien « Ezayik ? », « 3mla eih ? ». Chaque fois je suis fière de pouvoir communiquer et d’emmener partout avec moi un peu de mon Égypte d’amour.

C’est une étrange sensation, celle de ne rien connaitre d’un pays et de recevoir des confidences, des anecdotes de ses habitants. Petit à petit c’est comme un vase qui se remplit, un puzzle qui prend forme, très lentement. On pose une pièce puis une autre, il arrive qu’on déplace aussi certaines pièces au fur et à mesure des informations récoltées. Chaque personne donne sa vision des choses, son impression, ses expériences. Pour le moment je n’ai l’impression de n’entrevoir qu’une infime partie de ce pays et de ses habitants, de leur culture, de leur mentalité, de leur histoire. Je ne fais qu’effleurer ce pays.

Cette expérience syrienne, c’est également pour moi la confirmation que j’ai fait le bon choix et que la réorganisation de ma vie ces derniers mois concernant ma manière de vivre était la bonne. Depuis longtemps maintenant je n’arrive plus à voyager « rapidement », c’est réellement devenu ma manière de vivre et de voyager, les deux en même-temps, entremêlées. Pour le moment, je n’arrive pas à imaginer un quotidien classique en France. Je sais la chance que j’ai de pouvoir vivre la vie que je mène, de vivre à l’étranger, que ma vie soit un voyage (presque) quotidien.

Quelques-uns de mes photos préférées de ces deux premiers mois à Damas :

Ce petit bilan je le dédie à Kally, ma lumineuse voisine qui était si heureuse pour moi lorsque je lui ai annoncé que je partais en Syrie. Entre-temps elle s’envole elle pour un autre voyage et je la garderai à jamais dans mon cœur pour continuer à la faire vivre à travers mes pérégrinations.

A Kally et à sa famille <3

 

Chronique syrienne #4 – Vacances en Syrie !

Pour la première fois depuis mon arrivée en Syrie, j’ai passé mes premières vacances ici la semaine dernière. J’avais au départ prévu d’aller en Égypte pour les vacances de Toussaint, mais comme nous avons dû retarder notre rentrée au lycée français de Damas, les vacances de Toussaint ont été tronquées, comme le seront celles de février. Ne restait donc « que » 6 jours de vacances. Même si j’avais très envie de retourner en Égypte voir mes amis, je n’étais pas mécontente de rester à Damas. Je viens d’arriver et j’ai plaisir à être ici, les vacances étaient donc l’occasion de profiter de mon nouveau pays d’accueil.

Le jeudi des vacances était aussi un jour de fête nationale puisque c’était le Mawlid Al-Nabi, c’est-à-dire l’anniversaire du Prophète Mohamed. C’est un jour important pour les musulmans et il est célébré dans de nombreux pays. Je suis donc allée me promener dans la ville pour voir les célébrations. La coutume ici est d’acheter des sucreries pour les partager avec ses proches. Nous nous sommes donc rendus avec des amis dans le quartier populaire de Midan qui avait sorti ses plus belles et lumineuses décorations.

Je vous rassure, nous portions tous le masque, bien que nous étions les seuls. Ici c’est un peu comme si le Corona n’existait, à part à l’école où toutes les précautions sont prises (masques, portique aspergeant à l’entrée, gel hydroalcoolique dans toutes les pièces, aération et désinfections quotidiennes des salles de classe et autres, etc.), le reste de la ville ne semble pas affecté. Peu de personnes portent le masque dans la rue, les transports sont bondés, tout est ouvert et il n’y a ni confinement, ni couvre-feu. Nous prenons donc individuellement les précautions nécessaires afin de nous protéger mais la vie continue pour le moment sans être spécialement perturbée.

Le lendemain, je devais me lever tôt pour rejoindre une de mes collègues, Rocio, péruvienne et syrienne, professeure d’espagnol à l’école et en dehors, qui avait organisé un petit voyage de deux jours dans le nord-ouest du pays pour ses étudiants (tous adultes et syriens). Le rendez-vous était donné entre 7h et 7h30 devant le Ministère du tourisme. Malgré cet horaire très matinal, j’étais la première à traverser Damas dans la lumière du matin et à arriver au point de rendez-vous. M’ont rapidement rejoint les seize étudiants de Rocio, Rocio elle-même, puis notre collègue Soulafa, la professeure d’arts plastiques, qui se joignait également à nous pour ce petit road-trip. A mon grand étonnement personne n’est arrivé en retard et le bus partit donc à 7h30.

Il ne nous a pas fallu longtemps avant d’atteindre « l’autre Syrie », celle de la guerre. J’ai tendance à l’oublier dans mon confortable quotidien damascène, mais la Syrie sort de 10 ans de guerre. Ce matin-là, impossible d’y échapper, la réalité me rattrapait de plein fouet. On m’avait prévenue que la périphérie de Damas était très touchée et qu’on se retrouvait vite dans ces quartiers entièrement détruits. Pourtant cela n’a pas atténué le choc. J’ai eu l’impression d’être projetée dans une autre réalité au détour d’une route. Je rêvassais en regardant passivement le paysage quand les premiers immeubles sont apparus. C’est comme un village fantôme. Il n’y a plus rien, plus rien qui ne rappelle la vie, plus rien qui ne rappelle que des gens ont vécu là, que c’était leur quartier, qu’ils y avaient leurs habitudes, qu’ici se sont joués des banalités de la vie quotidienne, des joies, des peines, des histoires de famille, de voisinage. Plus rien, tout est emporté. Des effets personnels aux matériaux des maisons, il ne reste qu’un squelette froid percuté par les bombes et les balles. Et peut-être que c’est mieux ainsi d’ailleurs, il est de cette manière plus difficile d’imaginer les drames qui se sont déroulés dans ces lieux.

Quand nous sommes passés dans ces quartiers, j’ai observé ce paysage mais j’ai aussi observé le visage des personnes qui m’entouraient. Que ressentaient-ils ? Quelle a été leur vie pendant la guerre ? Est-ce qu’ils souffrent ? Est-ce qu’ils sont dans le déni ? Est-ce qu’ils sont habitués à ces scènes ? Est-ce qu’on s’habitue un jour ? Je ne leur ai pas demandé. J’ai parlé un peu avec eux de ce moment où nous sommes passés à travers les ruines mais je n’ai pas pu poser beaucoup de questions, c’est beaucoup trop délicat. Je ne connais rien de leur vie et je ne sais pas ce qu’une de mes questions, peut-être même anodine, pourrait déclencher dans leur inconscient et provoquer chez eux comme réaction. J’ai donc simplement observé ces visages graves.

Pourtant, une fois les immeubles détruits passés, l’ambiance a changé dans le bus. On a beau être dans un pays qui vient de vivre dix ans de guerre, on n’oublie pas comment s’amuser. On le sait peut-être même mieux que personne. On branche le téléphone à l’enceinte portable et on lance les premières chansons. La plupart sont des chansons égyptiennes – très populaires partout dans le monde arabe. On chante, on danse, on rit et on en oublie ce qui nous entoure. Ça peut paraître bizarre toute cette joie de vivre au milieu d’un tel contexte mais je crois que c’est en réalité une nécessité.

Ce genre de scènes, j’en ai vécu des tas. Le jour où j’ai compris l’importance de la musique et du rire pour les Arabes en particulier, c’était il y a presque trois ans en Palestine. Je revenais d’une manifestation en faveur de la libération d’Ahed Tamimi, cette adolescente palestinienne qui avait été arrêtée et emprisonnée parce qu’elle avait giflé un soldat israélien qui s’était introduit chez elle pour arrêter son cousin de façon arbitraire, scène trop peu banale en Palestine. Nous étions dans le village d’Ahed, tous les membres du Comité de Libération de la Palestine, leaders et bénévoles, étaient présents. Nous avons marché et manifesté mais l’armée israélienne nous attendait vers la sortie du village, et nous avons été violemment attaqués. Ce jour-là, plusieurs personnes ont été évacuées vers des hôpitaux, le clash entre manifestants et armée avait été très violent. La journée avait été rude. Pourtant, dans le bus qui nous ramenait vers Naplouse ce soir-là avec les membres de l’association pour laquelle j’étais bénévole, le bus s’est empli de musique, de chants, de danses et de rires. Comme si cette journée n’avait pas existé, et en réalité parce qu’elle avait existé, nous nous devions d’être vivants et de vivre pleinement face à l’horreur de l’occupation.

La vie plus forte que le désespoir, plus forte que tout.

Je n’ai également jamais autant chanté qu’avec mes amis révolutionnaires en Égypte, ceux qui ont vécu quatre années de batailles dans les rues, face à leur propre gouvernement qui leur tirait dessus, à l’armée qui leur roulait dessus avec les chars, les arrêtait, les torturait, les emprisonnait. Ceux qui ont vu leurs amis être défigurés, emprisonnés ou tués. Après les confidences, rarement racontées dans un registre tragique car les Égyptiens ont cela de plus que l’humour est leur meilleur allié, nous nous mettions souvent à chanter, dans les rues du Caire ou sur une felouque sur le Nil.

Je suis donc dans ce bus en Syrie à chanter mes chansons égyptiennes préférées. Au bout d’un moment nous nous arrêtons dans un restaurant au bord de la route pour prendre un petit-déjeuner : labneh, omelette, tomates, concombres, fromage (d’ici), olives et hummus, et mon indispensable café. Puis nous nous remettons en route en direction de notre première destination : le Krak des Chevaliers, forteresse médiévale, symbole de puissance des Francs pendant les Croisades. C’est le seul monument que Salah El Din (mon mari dans une autre vie) n’a pas réussi à libérer malgré un siège d’un mois (bon il a libéré Jérusalem, on va lui pardonner hbibi <3). Avant d’arriver au Krak, il faut monter jusqu’au sommet de la montagne, sur le chemin, on traverse un village lui aussi bien touché par la guerre. Quelques habitants erraient cependant ici et là, et quelques rares « magasins » (avec des produits de première nécessité ou bien des sortes de fripes) étaient ouverts. Quelques habitations semblaient être en rénovation et regagner également leurs couleurs.

Enfin nous arrivons au Krak, impressionnant vestige d’une époque révolue.

Nous sommes ensuite allés visiter le Monastère Saint-Georges. J’aime ces endroits hors du temps et de l’espace. Une fois à l’intérieur, il est presque impossible de dire dans quel endroit du monde on se trouve, et à part quelques indices disséminés ici et là, à quelle époque nous sommes. En plus Saint Georges, je l’aime bien, les illustrations le mettant en scène terrassant le dragon sont souvent très cool. Il semble être particulièrement populaire au Moyen-Orient (il y a tout un quartier dédié au Caire – Mar Girgis).

Et en sortant : le plus cool de tous les bus. <3


Après la visite, c’était déjà la fin de l’après-midi, l’heure de prendre le déjeuner (bah oui 18h c’est un horaire normal pour déjeuner). Nous sommes allés dans un restaurant tout près du Monastère. Personne n’a aimé la nourriture, sauf moi (bizarrement). J’ai profité de ce moment pour essayer de mieux connaître mes compagnons de voyage. Tout le monde parlait anglais ce qui rendait la tâche plus facile. Par contre je me rends compte que j’ai du mal à poser des questions aux Syriens que je rencontre. Je ne sais pas si c’est le fait d’être déstabilisée car je suis dans un pays dont je ne connais que peu de choses, la peur de dire une bêtise (moi qui répète toujours à mes élèves qu’il n’y a pas de questions idiotes), je marche sur des œufs, je n’ose pas poser certaines questions de peur de froisser les personnes que je rencontre. Un exemple type c’est comment appeler la période de dix ans que la Syrie vient de vivre, certaines personnes disent clairement « la guerre », d’autres la nomme « la crise ». Et derrière un simple mot peuvent se cacher tant d’émotions que je n’ose souvent pas aller plus loin. C’est aussi ma manière de fonctionner, j’aime prendre le temps d’observer pour être sûre de ne pas être complètement à côté de la plaque. Je devrais peut-être aussi arrêter de me poser autant de questions…

Une fois le repas terminé, nous sommes partis nous installer à l’hôtel pour la nuit. L’arrivée dans la chambre nous a valu un sacré fou rire avec Soulafa (ma collègue d’arts plastiques et amie) quand on a découvert l’état des chambres : de la poussière partout, le frigo dégoutant, les lumières qui ne fonctionnent pas, quasiment pas de place pour se déplacer… Nous avons demandé à changer pour une chambre un peu plus propre et plus spacieuse. Par contre nous n’étions pas sures que le balcon serait toujours là à notre réveil vu son état. De toute manière, il fallait passer par la fenêtre pour le rejoindre (c’était vraiment le seul moyen, pas d’autre entrée !) et nous n’avons pas tenté. Nous avons passé la soirée entre rires et confidences, parmi les meilleurs moments des voyages.

Le lendemain, après avoir pris notre petit-déjeuner (avec 1h30 de retard), nous nous sommes finalement mis en route pour aller visiter des grottes incroyables et le coin de Mashta el Helwu avec son village typique et des petits restaurants près de l’eau comme celui dans lequel nous avons déjeuner et profiter du paysage pendant quelques heures avant de nous remettre en route vers Damas.

J’ai adoré sortir de Damas pour commencer à découvrir d’autres facettes de ce pays, et j’ai hâte de repartir bientôt à la conquête de la Syrie. Plus le temps passe et plus j’en découvre les richesses. Cela fera d’ailleurs deux mois que je vis à Damas dans quatre jours ! La prochaine chronique syrienne sera donc consacrée à un premier bilan de mon expérience syrienne. A dimanche prochain !

Tour du monde de mes appartements – Partie 2

Après mes diverses pérégrinations qui m’avaient jusqu’alors menée à Berlin, Avignon, Marseille, Ouarzazate et Moscou, j’étais donc de retour à Avignon.

J’ai pris un appartement dans le garage aménagé d’un médium et ai retrouvé du travail le temps de mettre en place un plan pour la suite. Je devais finir mon mémoire, que j’avais repoussé, pour valider mon Master, commencer à me renseigner pour devenir contractuelle en attendant de passer le concours et chercher un appartement à moi pour m’installer pour de bon.

J’ai effectivement fini mon mémoire et pris les renseignements pour passer le CAPES, mais une nouvelle aventure m’attendait. En mai 2014, j’ai reçu un coup de téléphone de mon ami Jerem qui me proposait de partir un mois avec lui en Égypte rendre visite à un ami commun. Je n’avais jamais eu aucune envie d’aller en Égypte mais j’acceptai tout de même : un voyage, ça ne se refuse pas. Avant de partir, j’avais quitté mon appartement-garage et (encore) mis mes affaires chez mes parents. Le plan était de passer le mois de juin en Égypte puis de passer l’été à droite à gauche et de chercher un nouvel appartement dans lequel réellement m’installer à la fin de l’été.

Un coup de foudre instantané pour le Caire plus tard, je décidai finalement de rester dans la capitale égyptienne plus longtemps que prévu. J’emménageais alors avec mon amie Paola qui venait juste de trouver un appartement dans le quartier de Mounira. L’appartement était vide, à part un vieil évier et une gazinière dans la cuisine. Paola avait les meubles de sa chambre, quelques affaires pour le salon et un matelas pour ma chambre, c’était tout. On a donc commencé à meubler petit à petit avec les moyens du bord. J’ai récupéré des cagettes du marché pour faire une sorte d’étagères où mettre mes vêtements et acheté des draps pour mon lit, ça suffisait pour ma chambre. Pour le salon Paola avait acheté des coussins et des tapis, et Naguib nous avait aidées pour la décoration. On a également finalement acheté un frigo au bout d’un mois, ça a tout changé !

Assistante en cheffe de Naguib pour le graffiti du salon « LIBERTE »

 

La porte d’entrée de l’immeuble.

Finalement au bout de quelques mois à vivre au Caire, à passer mes soirées et mes nuits dans les cafés, à arpenter la ville, à rencontrer du monde, à vivre, je décidai tout de même de rentrer en France. Je retournai très régulièrement en Égypte et je logeai à droite à gauche lorsque je revenais. Entre-temps en France, je restais chez mes parents quelques mois, le temps de trouver un appartement de nouveau dans le centre-ville d’Avignon.

Ce fut rue Carnot que je trouvais mon bonheur. En haut d’un étroit escalier en colimaçon, trônait mon petit appartement d’amour. Je pouvais de nouveau récupérer tous mes cartons, mes meubles, et commencer à aménager mon nouveau chez-moi. Mais une chose avait changé dans ma manière de vivre. J’avais longtemps tout accumulé, je gardais tout, je ne me séparais de rien, j’avais aussi une belle fièvre acheteuse, surtout en terme de merdes en plastique, vêtements en matières pourries que je ne portais jamais, et autres déchets. Depuis Moscou, je commençais à me questionner sur ma manière de consommer, j’avais commencé par les cosmétiques car je sentais que ce n’était pas adapté. Partir au Caire m’avait confrontée de plein fouet à une autre réalité et en rentrant, je me suis retrouvée dégoutée par moi-même de tout ce que je possédais qui n’avait aucun intérêt, que je n’utilisais pas ou dont la production était toxique pour l’environnement. J’ai alors commencé un tri drastique et j’ai réduit de moitié ce que je possédais, j’ai éliminé le plastique au maximum de ma vie et tenté de trouver une manière de consommer plus intelligemment.

Je me sentais bien dans cet appartement avignonnais.

La vue du petit atelier caché à l’étage.

 

Pourtant, un an plus tard, je déménageais pour un autre appartement avignonnais. Mes projets avaient changé : je ne souhaitais plus passer le CAPES (j’avais compris que je n’avais en réalité pas envie de rester tout le temps en France et que j’avais besoin de bouger quand je le voulais) et je mettais donc en place une autre manière de vivre. Le but était d’être enseignante contractuelle à Avignon et autour, quand j’avais envie d’être en France ou tout simplement besoin d’argent, et de voyager quand je le souhaitais. Pour cela, il fallait trouver une solution au logement. J’avais déjà plusieurs fois quitté un appartement pour aller travailler à l’étranger, et au retour c’était toujours la même problématique pour se réinstaller, trouver un endroit, déménager, faire les papiers, etc. Je voulais un chez-moi que je pouvais facilement quitter. La solution m’est tombée droit dessus lorsqu’une ancienne collègue m’a parlé d’un appartement qui se libérait juste au-dessus de chez elle, bien placé, avec une belle surface et plusieurs chambres. C’était idéal pour moi. Malgré le fait qu’il y avait BEAUCOUP de travaux de remise à neuf à faire, cela me permettait d’avoir des colocataires toute l’année, ce qui bien entendu réduisait déjà mon loyer toute l’année, mais cela me permettait aussi de sous-louer ma chambre lorsque je partais en voyage. J’ai donc déménagé dans mon nouvel appartement Rue Saint-Michel pour aménager ce qui allait devenir « La maison du bonheur ».

C’était réellement la maison du bonheur car j’y ai vécu de nombreux beaux moments, j’y ai vécu la plupart du temps avec l’une de mes amies les plus proches, Camille, qui a été la meilleure coloc de tous les temps et avec qui la vie était facile et belle. C’était un appartement dont la porte était toujours ouverte, où nous vivions officiellement à trois mais souvent à plus, nous invitions toujours nos amis, on faisait des soirées, des moments café et discussions, des fêtes, etc. C’était réellement la belle vie.

En 2017, j’ai sous-loué ma chambre pour réaliser mon rêve du moment : partir quelques mois en sac-à-dos au Moyen-Orient. Le plan était de partir quelques semaines en Égypte, quelques semaines en Jordanie puis quelques semaines en Palestine. Le plan initial s’est allongé, j’ai finalement passé deux mois et demi en Égypte, deux semaines en Jordanie puis trois mois en Palestine.

Lorsque j’étais en Palestine, j’allais de ville en ville selon les besoins des associations avec lesquelles j’étais bénévole. Mais pendant un mois et demi, j’ai loué un petit appartement à Naplouse car je donnais des cours d’anglais dans un centre de langues. C’était un petit appartement loué à une grand-mère qui me ramenait parfois des petits gâteaux. Il était situé sur la montagne, en haut d’un grand escalier qui, je pense, a contribué à me faire perdre les 8 kilos que j’avais perdus en Palestine. Il y avait une petite cour avec un olivier en plein milieu ce qui m’avait conquise au moment de la visite. Et je crois que c’est bien la seule chose parce qu’il faut quand même avouer que c’était un sacré bordel.

Après un bon nettoyage et un grand tri, je pouvais profiter d’un bon petit-déjeuner avec vue sur mon olivier et les collines de Naplouse.

En janvier 2018, je suis rentrée en France et j’ai réintégré mon appartement avignonnais. Heureuse de le retrouver et de retrouver mes colocs. Pourtant, petit à petit, s’immisçait déjà en moi, non l’envie, mais le besoin de repartir. Je ne me retrouvais plus dans ma vie en France, je vivais une période très difficile et j’avais besoin d’être là où je me sentais le mieux : au Moyen-Orient.

En août 2018, je revenais donc une fois de plus, au Caire. J’ai d’abord partagé une colocation avec trois autres personnes et deux chats dans le centre-ville du Caire juste à côté de la station de métro Mohamed Naguib. J’avais trouvé l’annonce sur Facebook quand j’étais en France et nous nous étions appelés avec les colocs présents pour que je puisse les rencontrer via Facetime et avoir une idée de l’appart. J’avais eu un très bon feeling avec les colocs, et la localisation et le prix de la coloc me convenaient donc j’avais accepté. Mais très vite, l’appart s’était révélé en réalité trop bruyant, sale, pas entretenu, avec pas mal de problèmes typiques des apparts du Moyen-Orient : les appareils électroniques qui ne fonctionnent pas, les câbles qui sortent partout, le manque de place, etc. Je ne supportais plus les chats qui puaient dont le propriétaire ne s’occupait pas. Et l’appartement était un vrai lieu de fêtes chaque soir. Ça allait au début quand je suis arrivée, mais lorsque j’ai commencé à travailler, ça devenait impossible de dormir avec le bruit et je ne supportais plus de me lever et de prendre mon petit-déjeuner au milieu des mégots et des cadavres de bières. Il fallait donc partir.

Une chambre tellement glamour.
Le squatteur n°1
Une de mes vues préférées <3
L’autre vue moins glamour.

 

Après près de deux mois de recherche et de visites d’appartements plus vétustes les uns que les autres, j’ai finalement trouvé un bel appartement que j’allais partager avec une de mes colocs du premier appart qui souhaitait également partir. Nous avions réellement trouvé la perle rare, et après un déménagement épique avec un matelas sur le toit du taxi, nous avons aménagé notre nouvel appartement à notre goût à partir de novembre 2018.

Mes petites affaires qui m’accompagnent toujours <3

 

Mais en Égypte, rien n’est jamais aussi simple. Et rapidement la situation s’est compliquée. Le propriétaire s’est révélé être complètement dingue et intrusif, et ma colocataire bien trop reloue. Au retour de mes vacances d’été en septembre 2019, j’ai donc dû me mettre à la recherche d’un nouvel appartement.

J’ai eu de la chance cette fois-ci et j’ai vite trouvé un appartement dans le quartier de mon école à Garden City. Je crois même que c’est le premier et seul appartement que j’ai visité. Même si l’appartement n’était pas l’appart de mes rêves et comportait des problèmes, je n’ai pas hésité à le prendre car il était « correct », et au Caire, surtout à Garden City, un superbe quartier et le quartier de mon école en plus, « correct », c’est bien.

Évidemment, le propriétaire s’est révélé lui aussi être fou et intrusif, malhonnête et menteur, mais j’ai pu malgré tout passer mon année scolaire tranquillement dans mon appartement et, surtout, réapprécier de vivre seule. Je me souviens particulièrement du jour où je suis rentrée de vacances fin janvier 2020, j’avais passé quelques semaines en France pour Noël puis une semaine seule à Istanbul et je rentrais pour la première fois seule dans mon appart cairote que j’avais jusqu’alors partagé avec quelqu’un mais qui ne reviendrait pas. J’appréhendais un peu le retour seule à la maison, je ne savais pas si j’allais me sentir à l’aise ou bien si ça allait être dur. Mais quand je suis rentrée, je me suis sentie tout de suite bien dans mon chez-moi. J’étais heureuse de retrouver mon appart, mes affaires, et bientôt mon quotidien.

Ce quotidien allait être interrompue de manière brutale à peine deux mois plus tard en mars 2020 en raison de la pandémie du COVID et j’allais déménager du Caire en 24 heures pour me confiner (et hiberner) chez mes parents à Rochefort du Gard. Suivrait six mois en France, la parution du poste vacant au lycée français de Damas, ma décision de partir m’installer en Syrie et un voyage mouvementé !

Tous ces déménagements, tous ces différents modes de vie, que ce soit en France ou à l’étranger, m’ont toujours apporté beaucoup de joie mais aussi beaucoup de réflexions et de quêtes personnelles. Je suis tombée un jour sur ce dicton :

Cette citation m’a bien évidemment énormément parlé car c’est la question centrale de ma vie : choisir l’arbre, la stabilité, un certain confort, une sécurité, ou bien la pirogue, le voyage, la découverte, l’inconnu, mais aussi l’instabilité et l’insécurité pas toujours faciles à gérer. J’ai tenté différentes choses qui ont, soit fonctionné à un moment-donné puis plus à un autre, comme vivre à Avignon et partir en voyage de temps en temps, soit n’ont pas fonctionné au début, vivre quelque temps à l’étranger, mon expérience moscovite a été compliquée, mais finalement fonctionne aujourd’hui, j’ai adoré m’installer au Caire et je suis très heureuse dans ma vie damascène.

C’est fou comme on évolue et comme on change avec le temps. Quand j’étais plus jeune et jusqu’à il y a très peu de temps, l’année dernière je pense, j’avais ce besoin presque maladif d’avoir mon propre chez-moi avec mes affaires, mes meubles, ma décoration, mon aménagement. Il m’aura fallu douze ans pour réussir à lâcher cette nécessité de contrôler l’environnement qui m’entoure et ne plus me laisser parasiter par des détails. J’ai rendu les clés de la maison du bonheur en juin dernier, et même si elle représentait l’appartement parfait, je savais que c’était une libération.

Aujourd’hui je me sens sereine car je sais que mon arbre – ma famille, mes amis, la France – sont tout près et me permettent avec leur amour et leur bienveillance de mener ma pirogue où le vent me mène.

Tour du monde de mes appartements – Partie 1

Maintenant que je suis enfin installée dans mon appartement damascène, je ne peux m’empêcher de me remémorer tous les appartements dans lesquels j’ai vécu.

Berlin, Allemagne.

Mon premier appartement était une colocation dans le quartier de Wedding à Berlin. J’ai déménagé à Berlin en septembre 2008 pour y faire mon année Erasmus. J’ai visité de nombreux appartements, j’avais vraiment en tête l’appartement parfait avec les colocs parfaits, j’avais donc beaucoup de mal à me projeter dans un espace. Finalement j’ai fini par trouver une colocation dans le Nord de Berlin, à Wedding, à l’époque un quartier résidentiel très tranquille et pas en vogue du tout, ce qui a apparemment beaucoup changé aujourd’hui. C’était un appartement berlinois typique, avec de hauts plafonds, quelques moulures et du parquet. Un bel appartement. Par contre ma chambre n’était pas meublée mais cela me permettait d’acheter un mobilier qui me plairait même si j’avais un budget très limité. Commença alors la course effrénée de quelques jours avec Sarah qui devait elle aussi acheter quelques affaires. Nous avons fait plusieurs aller-retours par jour à Ikea à transporter seules nos meubles dans le métro et jusqu’à nos appartements respectifs. Et finalement la petite chambre ressembla à un petit chez moi qui me plaisait bien. J’avais même acheté une télévision d’occasion sur internet à une petite grand-mère dans un quartier pas très loin de chez moi, et j’avais ramené ma Playstation et mes collections de DVD lors d’un aller-retour en France et je les regardais en boucle les (nombreux) jours de pluie. Je me sentais plutôt bien dans cet appartement et avec mes colocs.

Malheureusement quatre mois plus tard, le bail n’était pas renouvelé par le propriétaire et nous apprenions que tout le monde devait déménager. Au mois de janvier 2009, je me suis donc mise en quête d’un nouvel appartement. Au même moment, une de mes amies espagnoles était aussi à la recherche d’un appartement avec deux autres de ses amies, espagnoles également. Nous avons fini par trouver un appartement dans l’hypercentre de Berlin juste à côté d’Alexanderplatz. Nous partagions une chambre pour deux, nous avions un salon sympathique et une cuisine. J’avais vendu la plupart des meubles achetés pour le précédent appartement et, comme je partageais ma chambre avec une autre personne, je ne pouvais pas vraiment l’organiser comme je voulais ou y disposer mes affaires comme je le désirais.

Même si ce n’était pas forcément le plus pratique, ce fut tout de même une sacrée expérience de partager ma chambre et mon appartement avec trois autres filles espagnoles. J’étais très timide et je ne sortais pas beaucoup à l’époque et ça m’a fait du bien de côtoyer cette bande de fêtardes même si je ne me greffais pas à toutes leurs soirées. L’organisation de l’appartement se passait plutôt bien, nous faisions le ménage à tour de rôle, en tout cas je ne me rappelle pas d’un conflit à ce sujet. Les filles utilisaient la cuisine et moi très peu, seulement pour faire de la purée et des batônnets de poisson haha.

Marseille, France

De retour en France, je suis retournée m’installer quelque temps chez mes parents puis je suis allée m’installer avec mon copain de l’époque à Marseille. Nous avons pris un appartement ensemble, non meublé, que nous avons aménagé à notre goût, enfin j’avais plutôt l’impression que c’était à son goût. A part la pièce qui était mon petit atelier, à ce moment-là j’étudiais le stylisme et je prenais des cours de couture.

Ma pièce préférée : mon atelier <3

Au fur et à mesure que ma relation avec mon copain se détériorait, j’avais de plus en plus envie de me créer mon propre cocon et de me sentir réellement chez moi. J’ai finalement quitté mon copain et Marseille, et je suis revenue m’installer à Avignon pour reprendre mes études universitaires en septembre 2011.

Avignon, France

Je n’avais plus envie de vivre chez mes parents et je souhaitais vraiment vivre seule, complètement seule pour la première fois de ma vie. J’ai eu beaucoup de chance car au moment où je cherchais, un bel appartement appartenant aux parents d’une amie se libérait dans le centre-ville d’Avignon et j’ai pu m’installer dans ce l’appartement que je nommais bientôt « l’appartement de la libération ». C’était la première fois que je me retrouvais seule quelque part et que je pouvais réellement faire ce que je voulais chez moi. J’ai passé une année et demi à vivre dans cet appartement. Une année et demi qui m’ont appris à vivre seule, à m’organiser en fonction de moi, mes envies, mes besoins, sans personne d’autre, à être autonome et indépendante. C’est aussi pendant cette période que je suis partie pour mes premiers voyages solo en sac-à-dos, deux semaines en Norvège puis cinq semaines en Chine. Je crois que c’est réellement à ce moment-là que j’ai compris l’importance de vivre seule et qu’a commencé ma quête de l’indépendance.

Cet appartement était parfait pour moi car la base était très belle : un beau carrelage au sol, lumineux, une jolie cuisine simple et neutre, et il n’était pas meublé. J’ai ainsi pu le meubler exactement comme je le voulais. Je pouvais enfin laisser libre cours à mon imagination et à mes envies, et laisser parler mon obsession du détail. Plus personne ne pouvait maîtriser le monstre de contrôle et d’organisation que je peux parfois être.

Ouarzazate, Maroc

En janvier 2013, ce fut pourtant l’heure de quitter mon appartement d’amour pour partir vers de nouvelles aventures. Le Maroc m’attendait. Je partais pour un stage de 4 mois dans une école à Ouarzazate dans le sud du Maroc, aux portes du désert. Cette expérience-là aussi allait changer ma vie et marquer le début de mon amour inconditionnel pour le Monde Arabe. Mais c’est un autre sujet.

J’arrivais donc à Ouarzazate en janvier 2013. J’ai été hébergée par une famille marocaine (famille d’une amie à moi en France qui m’avait aidée à trouver mon stage, Meriem <3) qui m’a accueillie à bras ouverts. Le coup de foudre a été immédiat avec cette famille, et surtout la maman et ses filles. Mais même si je les aimais beaucoup, j’avais besoin de mon indépendance et je décidai de me mettre en quête d’un appartement. Il se trouve que plusieurs professeurs de l’école partageaient une maison et m’ont proposé de prendre la dernière chambre de libre, ce que j’ai accepté.

Ma belle maison marocaine.

 

La maison avait un rez-de-chaussée où vivait Habib, franco-marocain, un premier étage où vivait Marie, française, et Aïssam, marocain, et où se trouvaient également un grand salon ainsi que ma chambre, puis au deuxième étage se trouvaient une autre Française, Viviane, la cuisine et la terrasse.

La vue depuis la terrasse.

 

Le Maroc a été pour moi une parenthèse dorée où j’ai complètement perdu la notion du temps. Je me suis laissée porter par la légèreté et la douceur de la vie à Ouarzazate. J’allais à l’école, puis j’allais me promener, boire du thé avec mes amis, j’allais faire les courses et nous cuisinions tous ensemble à la coloc avant de retourner nous promener en ville quelques heures. Je n’ai que peu voyagé pendant la période de mon stage tellement j’étais heureuse dans cette bulle, mais je me suis rattrapée plus tard.

On n’y va pas molo sur l’appropriation culturelle.

 

J’adorais cette maison, j’adorais ma vie là-bas mais je ressentais tout de même le besoin à un moment-donné de retrouver un lieu à moi, plus confortable où je pourrais disposer mes affaires et installer ma décoration dans le moindre détail. C’était pour moi une quasi obsession de maitriser l’aménagement dans le moindre détail.

Je rentrai en France en mai 2013 avec pour objectif de terminer mon Master, mais le destin avait décidé de m’envoyer autre part. J’avais postulé sans grand espoir dans un Institut de langues à Moscou. Je n’y croyais pas trop, je n’étais pas encore diplômée, j’étais même loin d’avoir terminé mon mémoire de Master, et l’entretien avec le directeur ne s’était pas très bien passé, c’était mon premier entretien dans ce contexte et je ne connaissais pas les objectifs. Pourtant, par un coup de chance, la personne qui devait venir a annulé et le poste m’a été donné.

Moscou, Russie

En juillet 2013, je partais donc pour Moscou. Je récupérai l’appartement d’une collègue qui quittait son poste. C’était un petit appartement dans un quartier résidentiel de Moscou aux immeubles de style soviétique. L’immeuble n’avait rien d’exceptionnel et l’appartement non plus. Mais la recherche d’appartements était très compliquée à Moscou et j’avais de la chance d’avoir quelque chose tout de suite. Je partageais l’appartement avec ma coloc russe, Marina. Moscou a été une expérience très mitigée pour moi. J’ai adoré la ville que j’ai arpenté pendant des mois, mais j’ai aussi eu de gros problèmes de sécurité : on a tenté de m’agresser le premier soir où j’étais là-bas, j’ai du évacuer mon immeuble en pleine nuit en raison d’un appel anonyme concernant une bombe dans mon immeuble, et quelques autres péripéties assez morbides. J’ai rapidement décidé de partir car je ne me sentais pas à l’aise dans cette vie. De plus, je travaillais beaucoup, j’étais très mal payée et je passais ma vie dans les transports en commun car je donnais des cours à des adultes dans des entreprises aux quatre coins de la ville sans logique géographique chaque jour. Je pense que c’est ce combo qui m’a donné envie de retrouver un endroit rien qu’à moi, qui me rassurerait, avec toutes mes affaires, et un quotidien plus calme. Ma famille et mes amis me manquaient, j’avais envie de retrouver une stabilité. J’ai donc écourté mon contrat et je suis rentrée en France fin décembre 2013 dans le but de m’installer, de passer le CAPES (seule fois de ma vie où j’ai eu cette idée) et de faire ma vie en France. LOL.

Évidemment vous le savez déjà, la vie n’en avait pas décidé ainsi et avait d’autres plans pour moi, entre autres m’envoyer vivre aux quatre coins du Moyen-Orient… La semaine prochaine nous partirons donc pour l’Égypte et la Palestine avec des appartements qui valent encore le détour !

Chronique syrienne #3 – Du camping en Syrie

Une fois mon appartement trouvé et mes valises déplacées, c’est désormais le moment de prendre possession de mon humble demeure. Bien évidemment, je ne suis pas au bout de mes surprises. Les problèmes sont nombreux dans le pays et les Syriens doivent faire face à de constantes difficultés. Je l’ai dit dans la chronique précédente, beaucoup de chauffages fonctionnent au fioul mais les pénuries d’essence ne sont pas rares, comme en ce moment où il faut des heures, voir plus, pour pouvoir faire le plein de sa voiture. Mais ce n’est pas tout.

  1. Le gaz

Lorsque j’ai visité l’appartement, j’avais remarqué qu’il y avait un grand espace de cuisson avec 5 plaques au gaz. Je n’ai pas tellement réfléchi sur le moment, je me suis juste dit que c’était super d’avoir le gaz car la cuisson est bien meilleure de cette manière, et ceux qui me connaissent savent bien que je suis une excellente cuisinière et qu’en plus j’adore ça (c’est faux.).

Je n’avais, à ce moment-là, pas imaginé qu’avoir du gaz pouvait se révéler aussi compliqué. Lorsque mon propriétaire est venue me voir deux jours après mon installation pour régler quelques problèmes, voici ce qu’il m’a expliqué et ce que m’ont confirmé mes amis : chaque Syrien a une carte qui s’appelle une « Smart card » et qui donne droit à un rationnement de gaz et d’essence. Grâce à la carte, une partie de ce qui est pris est payée par le gouvernement, l’autre est payée par celui qui achète. Il y a une limite pour chacun, dès que cette limite est dépassée, la personne doit payer le prix total. Parfois on ne peut pas se servir si on a dépassé la limite. Pour pouvoir récupérer une nouvelle bouteille de gaz lorsque la sienne est vide, il faut attendre d’y être invité via une application. On reçoit des notifications comme « il reste 1000 personnes avant vous », « il reste 500 personnes avant vous », puis quand vient votre tour, vous avez 24 heures pour aller récupérer ce qui vous est dû. Il faut pouvoir transporter la bouteille qui, en outre, ne se trouve pas forcément près de chez vous. Il faut donc pouvoir aller la chercher et la transporter dans le temps imparti… Certaines personnes attendent pendant des mois. En ce moment avec la crise de l’essence, c’est ce qu’il se passe. Selon mon propriétaire, la raffinerie en Syrie est en panne et ils viennent seulement de commencer lest réparations pour produire seulement de l’essence. Il y a également les problèmes de sanction où des bateaux pleins de carburants à destination de la Syrie se retrouvent bloqués. A côté de ça bien évidemment, on peut se procurer une bouteille de gaz au marché noir mais là les prix explosent. Pour les étrangers, il n’y a pas de « smart card », il faut donc payer le prix fort à chaque fois que l’on doit remplir la bouteille.

La solution que m’a proposée mon propriétaire est que j’achète des plaques de cuisson électriques, ce que j’ai fait. Je n’ai pas trouvé de plaque avec deux espaces de cuisson mais seulement un, du coup j’ai acheté la plaque noire, un peu chère, puis une autre très bon marché qui n’a aucun réglage mais chauffe bien. Après avoir eu quelques petits problèmes d’installation car je ne savais pas où les placer pour ne pas perdre d’espace dans ma cuisine et car une des prises faisait des étincelles, j’ai finalement aménagé un petit coin cuisine dernière génération.

Je sais, vous êtes impressionnée par mon ingéniosité sans égale. J’en ai profité pour acheter un petit blender pour mon espace électroménager (vive les smoothies !).

La solution d’acheter les plaques n’était pourtant pas si évidente, car même si tout le monde s’accordait pour dire qu’il valait mieux que j’achète des plaques électriques, cela soulevait justement un autre problème :

  1. L’électricité

Comme je l’avais relaté ici, les coupures de courant sont également régulières dans le pays car l’électricité est aussi rationnée. Pour beaucoup se pose donc un dilemme : acheter une bouteille de gaz très chère et faire face au risque fort probable d’attendre son tour et de se retrouver sans gaz (ou bien dans mon cas de payer le prix fort pour la remplir) ou bien investir dans des plaques électriques et faire face aux coupures de courant ? Pour ma part, j’ai de la chance car mon immeuble, et ceux alentours, possède deux lignes d’électricité car il se trouve dans le secteur de l’hôpital qui lui possède son propre générateur (d’après ce que j’ai compris hein, la physique c’est pas trop mon truc). Ce sont ces boitiers orange :

Lorsqu’il y a une coupure, l’électricité passe directement sur la deuxième ligne. Du coup, je n’ai pour l’instant pas été embêtée par les coupures d’électricité, c’est aussi pour ça que je n’ai pas hésité à acheter les plaques. On m’a tout de même dit qu’apparemment l’hiver il peut y avoir des coupures d’électricité lorsque tout le monde se chauffe sur les chauffages électriques qui consomment énormément d’énergie… Réponse cet hiver. En tout cas, mon histoire de deux lignes d’électricité me vaut toujours des yeux pétillants d’envie quand je dis cela à des gens qui vivent dans d’autres quartiers par exemple. Imaginez-vous plusieurs heures par jour sans électricité donc sans ordinateur, sans lumière, sans internet ou autres moyens de distraction, sans rien pour cuisiner si vous cuisinez grâce à l’électricité (et si jamais votre bouteille de gaz est finie et que ce n’est pas encore le moment d’aller récupérer la nouvelle, c’est fichu !). Ça peut être drôle voire insolite au début, mais lorsque ça devient quotidien, c’est un véritable casse-tête. En parlant d’internet, nouveau problème !

  1. Internet

J’avais posé la question au propriétaire le jour de la visite concernant internet et il m’avait effectivement dit qu’il n’y avait pas internet dans l’appartement. L’intendant de l’école, qui était avec moi ce jour-là, m’avait dit de ne pas m’en faire car il connaissait quelqu’un qui travaillait dans une compagnie internet. Sauf que ce que mon propriétaire ne m’avait pas dit, c’est que non seulement il n’y a pas internet, mais il n’y a pas non plus de ligne téléphonique. Il a bien sûr attendu que je prenne l’appartement pour me prévenir… Bon, la petite entourloupe classique. Il faut donc installer la ligne téléphonique. Le fameux jour où il est venu régler les petits problèmes de l’appartement, mon propriétaire s’était rendu avant de venir dans une agence de communication pour ouvrir un contrat. Il m’a prévenue que l’agence devait m’appeler le lendemain pour venir installer la ligne téléphonique, et qu’il y avait un second problème c’est qu’il n’y a plus de porte ADSL dans le quartier. Mais il me rassure en me disant qu’évidemment en Syrie, à chaque problème sa solution, ou en tout cas, à chaque problème son bidouillage.

Évidemment la compagnie de téléphone n’a pas appelé le lendemain, ni les 10 jours suivants. J’en ai finalement parlé à l’intendant du collège qui m’a dit qu’il avait eu des nouvelles de la compagnie de téléphone et qu’en réalité la ligne téléphonique a été installée, mais qu’il y a actuellement une maintenance générale dans le pays en raison de la situation complexe (économique, sociale, etc.) du moment, et qu’il va falloir patienter jusqu’au début du mois de novembre pour que la procédure d’installation soit finalisée et qu’on puisse ensuite faire le fameux bidouillage pour installer le wifi.

Quelques autres péripéties ont suivi mon installation. Lorsque je me suis installée dans l’appartement, j’ai éteint la clim pour aller dormir et quand je me suis réveillée le lendemain, il faisait une chaleur épouvantable dans l’appartement. Je me doutais bien que cette chaleur n’était pas seulement due au soleil et je me suis rendue compte que les chauffages étaient allumés ! Sauf que aucun moyen de les éteindre. J’ai donc appelé mon propriétaire (« Bonne nouvelle : les chauffages que vous n’étiez pas sûr de savoir s’ils fonctionnaient, fonctionnent ! Mauvaise nouvelle… ils fonctionnent !! ») qui lui non plus ne savait pas comment les éteindre. Il m’a demandé d’aller vérifier la fameuse machine au-dessus de ma chambre là où c’est « un peu dangereux mais ça devrait aller », ok je m’exécute (en plus j’ai le vertige). J’éteins la machine mais ça ne règle pas le problème, les chauffages chauffent toujours et transforment doucement mais sûrement mon appart en sauna. Finalement c’est l’ancien locataire qui donnera la solution : il y a tout simplement un bouton attitré sur le tableau électrique. C’est bon, je retrouve la fraicheur.

Depuis que je suis arrivée dans l’appartement, j’ai beaucoup de mal à ouvrir et fermer la porte d’entrée à clé. La serrure est très difficile et je passe parfois plusieurs minutes à me battre avant de réussir à l’ouvrir. Dix jours plus tard, nous sommes vendredi, c’est mon jour de congé et je sors pour aller au café près de chez moi. Je ferme la porte à clé et au moment où je retire la clé, la moitié de la serrure part avec la clé.

Je réussis quand même à réinsérer le morceau de serrure et à rouvrir puis refermer la serrure. Je me dis que je vais m’en occuper le lendemain, j’appellerai mon propriétaire pour régler ça, là j’ai des choses de prévu. Je pars au café puis je reviens, aucun problème pour fermer la porte et je pars me coucher tranquille. Le lendemain, samedi donc deuxième jour de week-end, je me lève tôt et je me prépare car j’ai prévu d’aller travailler au collège toute la matinée pour préparer mes cours. Je suis prête et motivée sauf qu’au moment où j’essaie d’ouvrir la porte, la clé tourne dans le vide. Impossible d’ouvrir la clé. J’essaie différentes techniques, plus ou moins audacieuse, mais rien à faire : je suis enfermée. Sauf qu’évidemment, ce n’est pas tout ! Je n’ai pas de crédit sur mon téléphone et je n’ai toujours pas internet… Sans grand espoir je vais voir sur le balcon si je n’ai pas un moyen de m’échapper (j’ai déjà dit que j’ai le vertige ?) mais bien sûr c’est impossible. Heureusement j’ai rendez-vous avec une collègue dans la journée et elle finit par m’appeler quelques heures plus tard. Elle appelle une personne du collège qui rappliquera dix minutes plus tard avec un serrurier pour me libérer, hilare, car il faut l’avouer c’est quand même le genre de trucs qui m’arrive.

J’ai eu du mal à me bouger les deux premières semaines et à vraiment investir mon appartement. Il y avait beaucoup de choses à faire, à régler, à acheter et je ne savais pas trop par où commencer. Quand je suis arrivée dans l’appartement, j’ai énormément dormi et fait autre chose (sortir avec les nouvelles personnes rencontrées par exemple ou bien me détendre devant un film ou une série). Je crois que j’ai lâché la pression après l’adrénaline de ces premières semaines à Damas.  Puis finalement, un jour, j’ai eu le déclic et je me suis bougée pour faire tout le shopping nécessaire avec l’aide précieuse de Nadia (Aka Catherine !), ma collègue de français, voisine de quartier et amie, puis pour tout aménager correctement.

J’ai également fait venir une personne pour m’aider à échanger les lits de chambre : le grand était dans la chambre sans clim et le petit dans la chambre où la clim fonctionnait et je ne pouvais pas les changer de place seule car ils étaient volumineux, il fallait donc les démonter mais je n’avais pas les outils nécessaires, puis les échanger de place et les remonter. J’avais seulement changé les matelas de place et je dormais dessus en attendant. Lorsqu’ils ont été échangés, j’avais déjà moins l’impression de faire du camping chez moi en dormant dans un vrai lit. Il m’a également installé une tringle à rideaux et mon porte-bijoux dans ma chambre.

Finalement après toutes ces péripéties, le shopping nécessaire à l’installation, la venue de l’ouvrier et après avoir bougé un peu les meubles, j’ai pu enfin vider ma valise et installer quelques affaires personnelles pour me sentir un peu plus chez moi avec mes petites affaires qui ont fait le voyage depuis Avignon pour m’accompagner dans mon nouveau chez-moi.

A la semaine prochaine pour la nouvelle chronique syrienne !

Chronique syrienne #2 – Braquage à la syrienne

Après les premières semaines passées dans la belle maison du centre-ville qui m’ont permis de découvrir le cœur historique de Damas, il était temps de se mettre à la recherche d’un appartement. C’est l’école qui s’est occupée de chercher un appartement via un agent immobilier. Alors je vous arrête tout de suite, l’agent immobilier au Moyen-Orient n’a rien à voir avec celui que vous connaissez en France. Pas de costume cravate ou de petite pochette, pas de bureau clinquant, pas d’affiches postées sur la devanture de son agence. Non, rien de tout cela. Concernant l’agent immobilier que j’ai rencontré, et cela vaut j’en suis sûre pour la plupart comme ça l’était en Égypte, le bureau est en réalité un simple local quasiment vide (quelques chaises, une petite table et de quoi faire du thé ou du café tout au plus). Comme pour beaucoup de choses ici, le travail se fait plutôt dans la rue, assis sur une chaise avec des amis ou des collègues, je ne sais que penser, à attendre que quelqu’un vienne donner une information. Je passe régulièrement devant cette « agence » et je trouve toujours l’agent devant assis avec son café et ses amis / collègues à discuter ou regarder son téléphone.

On me propose rapidement une première visite et je pars donc visiter un appartement situé à quelques minutes seulement à pied de l’école. C’est un immeuble sympa avec un petit chemin carrelé devant et des plantes, la cage d’escalier n’est pas trop délabrée malgré les éternels fils électriques qui pendent partout en gage de décoration universelle au Moyen-Orient. Beaucoup de carreaux sont cassés et le nettoyage laisse à désirer mais rien de surprenant.

Dans celui-là il y a même un oiseau qui a commencé à faire son nid.

J’arrive devant la porte de l’appartement au deuxième étage et je rentre. Dans l’appartement se trouvent plusieurs personnes, un homme que l’on me présente comme le propriétaire et plusieurs autres hommes avachis dans les canapés et fauteuils du salon que l’on ne me présente pas. Je ne sais pas si ce sont des agents, d’autres visiteurs ou bien des membres de la famille du propriétaire et on ne semble pas important de me décliner leur identité. Bien, nous serons donc un certain nombre de personnes à l’identité incertaine pour cette visite, ça peut m’aider à visualiser le nombre de personnes qui peuvent rentrer dans l’appartement pendant une soirée !

Je suis agréablement surprise, l’appartement est bien. La cuisine est agréable, il y a un grand frigo, un four micro-ondes, une grande gazinière avec 5 plaques de cuisson et tout est propre. Le salon est assez grand et lumineux et il y a un balcon. L’appartement comporte deux chambres de taille correcte dont l’une possède la clim (élément essentiel ici). Il n’y a pas de fils électriques qui dépassent de partout et les finitions sont plutôt bien faites à part le tuyau de la clim du salon qui pend directement… dans le salon dans un seau qu’il faut vider quand l’eau est pleine. Je ne savais pas à quoi m’attendre avant de venir visiter car j’ai l’habitude des visites au Moyen-Orient et c’est généralement toujours une aventure ! J’ai visité des tas d’appartements en Egypte et c’est souvent sombre, mal agencé, rempli de câbles électriques qui pendent partout, des portes ou des fenêtres qui ne ferment pas, des problèmes d’humidité, le bruit de la circulation à longueur de journée, une cuisine souvent vétuste, une salle de bain parfois sans réelle douche, sans parler de la décoration qui consiste à faire rentrer le plus de meubles moches et volumineux dans une même pièce, ou de collectionner des objets kitchs, blingblings et bon marché. Mon ancien appartement au Caire était vert pomme, les murs bien abîmés, une cuisine modeste et une salle de bain qui laissait à désirer…

Bref je m’étais préparée à revivre un peu la même expérience. Ainsi quand j’ai vu cet appartement correct, je l’ai aimé tout de suite et je n’ai pas hésité à le prendre. Une fois ma décision prise, il fallait discuter des conditions avec le propriétaire. Ici à Damas, depuis quelques années, il faut payer 6 ou 12 mois de loyer (selon la volonté du propriétaire) à l’avance au moment de la signature du contrat. Cela représente évidemment une grosse somme d’argent, surtout qu’il faut également donner un mois de loyer comme caution et dans mon cas un demi loyer pour l’agent immobilier. J’ai justement droit à une aide à l’installation dans mon contrat à l’école prévue à cet effet mais cela ne suffisait pas pour couvrir une année entière de loyer et les frais supplémentaires. J’ai donc rencontré le propriétaire pour essayer de réduire à 10 mois de loyer ce qu’il a finalement accepté.

Une fois l’accord convenu, j’ai pu braquer une banque récupérer le montant du loyer afin de signer mon contrat et payer mon dû.

Ah oui petite précision, la comptable de l’école s’appelle… Madonna ! On adore. Du coup je vais voir Madonna pour qu’elle me passe de l’argent, tu connais Madonna, généreuse comme elle. Chaque année c’est toute une histoire la comptable. L’année dernière quand je travaillais au Collège de la Mère de Dieu au Caire, la comptable était l’une des bonnes sœurs, sœur Antoinette, pas toujours très commode et que l’on appelait la « sœur économe », pas pour rien d’ailleurs.

Après avoir récupéré l’argent auprès de Madonna donc, je ne faisais pas la fière à me promener à l’école puis à traverser le quartier avec une telle somme d’argent dans mon petit sac en toile. Ce n’est pourtant pas anormal de se promener avec beaucoup de billets sur soi au Moyen-Orient notamment parce que la plupart des achats se paient en liquide. En Égypte, j’étais payée chaque mois en liquide, je payais mon loyer, toutes mes charges et toutes mes courses en liquide. Je n’ai jamais utilisé ma carte bleue à part pour retirer de l’argent de mon compte français et peu de restaurants ou boutiques acceptent les paiements par carte. La plupart des gens qui sont payés sur un compte en banque retire chaque mois la quasi-totalité de leur compte. C’est pour ça qu’à la fin du mois, il y a toujours des files interminables devant les guichets de retrait. Ici en Syrie, ça a l’air d’être à peu près la même chose pour les paiements : tout en liquide. De plus les prix montent vite et il est nécessaire d’avoir un petit paquet de billets sur soi.

Je me retrouve donc à l’appartement avec l’intendant du lycée qui m’aide dans mes démarches, le propriétaire, l’agent et un autre homme dont je ne connais toujours pas l’identité. Lorsque j’arrive, tout le monde est assis dans le salon et un plombier est en train de réparer une fuite dans l’évier de la cuisine. On m’invite à m’installer sur le canapé… et on attend. Je ne sais pas trop quoi. Finalement le propriétaire décide de me montrer certaines particularités : les chauffages fonctionnent au mazout, pour les faire fonctionner il faut remplir le réservoir qui se trouve sur le toit. Nous montons sur le toit, le réservoir est fermé par un cadenas et le propriétaire n’a pas la clé. Ah. Bon mais il retrouvera la clé Inshallah, je ne dois pas m’en faire. Ah bon. Nous retournons dans l’appartement et nous allons dans une des chambres. Au-dessus de la porte se trouve une trappe qui donne sur un petit espace où se trouve le chauffe-eau pour la salle de bain et un autre réservoir pour le mazout. Je peux mettre le mazout là-dedans ! C’est un peu dangereux mais ça devrait le faire me dit-il. Me voilà rassurée ! Il y a aussi un petit robinet qui délivre du mazout directement sur le balcon. Comme c’est original ! Va falloir faire attention en soirée. Et puis bon le mazout c’est bien quand il n’y a pas de pénurie hein ! Bon, je pense que je vais faire comme en Égypte et que je m’achèterai un petit chauffage électrique.

Nous retournons dans le salon… et nous attendons. Chacun est sur son portable et je ne sais pas trop ce qu’on attend. On pourrait faire le contrat, signer, procéder au paiement, mais ouhla, pas question de faire plusieurs choses en même temps ! Il faut attendre que le plombier ait terminé. Tiens, le voilà, il a terminé. Le propriétaire le rejoint dans la cuisine et je les vois se disputer en silence avec de grands gestes lorsque le propriétaire essaie de négocier le prix de son intervention. Sans succès. Il est obligé de ressortir de nouveaux billets de la poche arrière de son jean et revient s’assoir en soupirant.

On peut enfin passer à l’étape sérieuse. Le contrat est signé et nous passons au paiement. J’ouvre mon sac en tissus contenant le butin de mon braquage ma prime et je commence à déposer les liasses de billets sur la table entre nous. Je ne peux pas m’empêcher de rire tellement la scène est absurde : je suis en Syrie dans un salon en train de déposer des tonnes de billets. Je dis aux autres « J’ai l’impression d’être dans un film avec la mafia en train de faire un deal et que chacun va sortir son flingue pour essayer de tout récupérer ». Tout le monde se met à rire. Je donne l’argent au propriétaire et à l’agent qui en donne une partie au troisième homme. Pendant de longues minutes, chacun compte silencieusement en claquant les billets entre ses doigts. Je n’entends que le bruit des billets et le bruit des lèvres qui remuent doucement. Chacun est très concentré et je rigole bien intérieurement en observant cette scène plus que cocasse.

Tout est en règle, je récupère mes clés : ça y est, je suis officiellement chez moi ! Je prends un taxi qui m’amène récupérer mes affaires dans la maison du centre-ville puis qui me ramène dans mon nouvel appartement. Le chauffeur porte même ma grosse valise et le plus gros sac jusqu’à la porte de mon appart et refuse le pourboire supplémentaire que je lui tends. J’insiste mais il refuse, il me dit que ce que j’ai payé pour la course est suffisant pour tout cela, c’est vrai que j’avais payé un prix plus conséquent mais tout de même, je n’en reviens pas qu’il refuse.

Tous mes sacs sont chez moi dans le salon. Ça y est, j’ai mon propre appartement à Damas. Il n’y a plus qu’à ouvrir mes valises et m’installer. Enfin ça, c’est ce que je crois…

 

Chronique syrienne #1 – Premières impressions

Après ce périple de plusieurs jours qu’a été le voyage pour rejoindre la Syrie (ici, et encore ici), me voici donc enfin à Damas.

Il était prévu qu’à notre arrivée, mon collègue et sa fille qui viennent aussi travailler au lycée français, et moi nous installerions dans la maison d’un collègue dans le centre-ville de Damas le temps de trouver un appartement. Notre collègue étant en France depuis 6 mois, le nettoyage et la préparation de la maison pour notre arrivée prend du temps, de plus les conditions de vie dans le centre-ville sont particulièrement compliquées, je vais y revenir. L’école nous avait donc réservé une chambre à l’hôtel Sheraton pour les premiers jours et, après toutes ces péripéties, le lit kingsize et la belle piscine ne furent qu’encore plus appréciés.

Quelle impression bizarre et presque déplacée de se prélasser dans la piscine d’un hôtel de luxe dans un pays qui sort tout juste de la guerre. Dans l’eau délicieuse qui me rafraichit bien de ces 38 degrés, j’admire la vue sur le Mont Qassioun et je regarde tous ces Syriens autour de moi. Je ne peux m’empêcher de me demander s’ils ont été touchés par la guerre, s’ils sont restés pendant tout ce temps ou si, comme certains, ils ont pu partir à l’étranger pendant quelques temps. Je ne peux m’empêcher aussi de penser qu’à quelques kilomètres d’ici ce n’est pas le luxe mais la désolation, les traces laissées par la violence et l’horreur de la guerre. J’ai, comme souvent, un arrière-goût de culpabilité que je tente de chasser de quelques brasses.

Quelques jours plus tard, la maison est prête. Nous prenons donc nos valises et nous dirigeons très impatients vers la fameuse maison dont tout le monde nous parle à l’école. Et dès les premiers pas dans sa cour effectivement, l’émerveillement est total.

C’est une maison traditionnelle damascène qui s’organise donc autour d’une cour. Au rez-de-chaussée se trouvent les appartements de notre collègue et en haut l’espace qui nous est réservé. Nous avons chacun notre chambre puis il y a une cuisine, un salon, une salle de bain et des toilettes. Nous prenons vite nos marques dans cette magnifique maison et nous nous y sentons très bien. On découvre cependant les fameuses « conditions de vie compliquées » du quartier. Chaque jour, plusieurs fois par jour pendant plusieurs heures, l’électricité est volontairement coupée. En journée cela veut dire pas de clim ou de ventilation quand il fait 38 degrés et le soir il faut faire sa cuisine ou lire à la lumière du téléphone portable (ici il faut nuit à partir de 18 heures). Heureusement, la cuisinière fonctionne au gaz (même si, j’y reviendrai, cela peut aussi être synonyme de problèmes). Il faut aussi penser à charger ses appareils électroniques lorsqu’il y a de l’électricité. Nous n’avions pas de wifi mais pour les personnes qui l’ont cela veut dire aussi pas d’internet pendant une bonne partie de la journée et de la soirée.

La maison se situe dans le cœur historique de Damas, Bab Touma, et nous en profitons pour découvrir le quartier. Pendant les années d’or de la Syrie, ce quartier était rempli de touristes. C’est difficile à imaginer aujourd’hui. Le quartier est beau mais délabré, les boutiques de souvenirs et d’artisanat sont vides, et nous semblons être les seuls Occidentaux.

Cela me rappelle quand je suis arrivée pour la première fois en Egypte en 2014 à la fin de la Révolution, l’actuel président Al Sissi avait été élu quelques jours avant mon arrivée. La ville était encore pleine de barbelés, de tanks et de checkpoints militaires, et le pays avait été totalement déserté par les touristes (à part les éternels bus remplis d’Asiatiques !) depuis des années. Il y a quelque chose de fort à être dans un pays où les gens ne veulent plus aller. On ne découvre pas la même facette d’un pays, on se retrouve seul face aux merveilles qu’il contient et le contact avec les gens est également différent. Il n’y avait ainsi quasiment personne quand j’ai vu les Pyramides pour la première fois en 2014 et en 2015 j’ai pu visiter Abu Simbel complètement SEULE. C’est un sentiment indescriptible que de se retrouver dans un endroit mythique sans personne. Entre 2014 et 2017, avant que les touristes ne commencent à vraiment revenir en Égypte, je me suis réellement sentie privilégie de découvrir ce pays sans personne. Et j’ai réellement senti la différence l’année dernière quand j’ai effectué un voyage scolaire avec mes élèves de troisième : nous avons voyagé 5 jours dans le Sud de l’Égypte et à Assouan et à Louxor particulièrement, les touristes étaient de retour, on se bousculait, on se marchait dessus, il fallait patienter et hisser la tête pour apercevoir les détails des murs des temples quand je pouvais avant en apprécier sans peine chaque détail. Je suis heureuse que les touristes retournent en Égypte et que l’économie puisse en bénéficier mais, j’ai bien conscience que c’est très égoïste, je n’aime pas trop partager mon Égypte et j’ai senti que je n’y voyagerai plus jamais de la même manière que pendant les trois premières années.

Je découvre donc le quartier et je me sens bien. Je me suis promenée seule au souk et qu’est-ce que ça change du Caire ! Pas de harcèlement ou d’agressivité. J’adore les Égyptiens mais c’est vrai qu’il faut se préparer mentalement à se promener dans les rues du Caire, c’est une vraie bataille. Ici c’est plutôt calme, les gens sont surpris mais heureux de voir des étrangers. Après la surprise de m’entendre parler égyptien, vient la générosité. En allant acheter du lait, le vendeur m’offre du chocolat, chez le vendeur de crêpes j’ai le droit à des crêpes gratuites. Un autre matin en emmenant la fille de mon collègue acheter des cookies, l’homme nous les a offerts. J’ai bien insisté pendant de longues minutes comme le veut la coutume, impossible de payer. Cette générosité n’est pas inhabituelle chez les Arabes, j’ai toujours eu des petits cadeaux supplémentaires que ce soit au Maroc, en Egypte ou en Palestine, ça fait partie de la tradition et des coutumes, chez les Arabes on se doit d’accueillir correctement, avec le cœur et avec générosité. Mais c’est vrai qu’en quelques jours j’ai été particulièrement gâtée.

Chaque soir, nous avons un petit rendez-vous avec la fille de mon collègue. Tous les jours à 19h, un homme vient donner à manger à une vingtaine de chats qui se réunissent pour l’occasion sur une petite place. L’homme apporte des restes de viande qu’il distribue avec amour aux chats errants du quartier. Il fait toujours attention à ce que chacun ait sa part et qu’aucun chat ne soit laissé de côté. Une fois sa mission accomplie, il balaie la place pour la laisser intacte. Chaque soir la vision de cet homme qui vient s’occuper des chats errants m’émeut et m’attendrit. Cette scène est typiquement le genre de moment qui me redonne foi en l’humanité et qui me montre encore et toujours la valeur des petits gestes, du « chacun sa part ».

Chaque jour je fais le trajet de la maison à l’école puis de l’école à la maison en taxi. Ici il n’y a pas de tram ou de métro, mais des bus, des microbus et des taxis. Quand on ne connait pas la ville c’est compliqué de prendre les bus et microbus, il faut savoir où ils vont, quel chemin ils prennent. De plus avec le corona il vaut mieux malgré tout être prudent, les transports en commun sont bondés et ici personne ne porte de masque. La plupart des taxis et des bus sont en service depuis aussi longtemps que leur chauffeur à en juger par leur aspect. Ici les taxis sont jaunes et les bus extrêmement colorés.

J’adore les trajets en taxi. C’est l’occasion idéale de tenter de se repérer et de découvrir le paysage avec en fond sonore neuf fois sur dix Fayrouz contre Om Kalthoum en Égypte (ou bien des récitations du Coran).

Chaque jour, je vois également des files d’attente interminables devant les stations essence et je découvre ainsi que le pays est frappé par une pénurie d’essence depuis ?. J’entends différentes explications : la raffinerie serait en panne, les Kurdes auraient mis la main sur la raffinerie ou bien créer une pénurie serait un bon moyen de faire passer la pilule d’une augmentation du prix de l’essence. Je ne sais donc pas la raison exacte mais ce qui est sûr, c’est que des gens attendent pendant des heures et parfois dorment dans leur voiture devant la station toute une nuit pour être sûrs d’en avoir le lendemain, les chauffeurs de taxi hésitent à nous ramener dans notre quartier de peur de manquer de carburant et le prix de la course est plus cher.

Il serait donc bon d’investir dans un petit vélo comme celui-ci à l’avenir 😉

Entre la pénurie d’essence et les coupures d’électricité, le quotidien devient un peu plus compliqué dans notre belle maison du centre-ville, surtout depuis la rentrée et la reprise du travail. Chacun se met donc à la recherche de son appartement, près de l’école qui se situe dans un quartier sympa, afin de s’installer enfin confortablement et pour de bon.

Rendez-vous dimanche prochain dans la prochaine chronique syrienne. Vous découvrirez comment j’ai braqué une banque pour payer mon appartement et les péripéties de mon installation dans mon nouveau chez-moi !

Lecture #5 – Aïcha, la bien-aimée du Prophète

Depuis que j’ai lu Saladin l’année dernière, Geneviève Chauvel est devenu une de mes autrices préférées et une de mes références en terme de Moyen-Orient.


Aïcha, la bien-aimée du Prophète nous plonge au cœur de l’histoire d’amour entre le Prophète et une de ses femmes, Aïcha, celle qui deviendra sa favorite, celle qu’il a formée, à qui il a transmis toutes ses connaissances. Après Khadiga, la première femme du Prophète, morte avant qu’il ne se marie avec Aïcha, elle fut la seule présente pendant les Révélations. Dès son plus jeune âge, elle a entendu, retenu et consigné les versets du Coran ainsi que les commentaires du Prophète. Avec son caractère bien trempé, elle réussira à se faire respecter en tant que figure indispensable de l’Islam et deviendra une référence dans le monde musulman, de son vivant mais aussi après sa mort.

Encore une fois, Geneviève Chauvel m’a submergée d’émotions grâce à son livre. Il faut un sacré caractère et une ouverture d’esprit incomparable pour s’atteler à l’écriture de la vie d’une femme telle qu’Aïcha. Elle a réussi à mettre de côté son regard de femme occidentale blanche et chrétienne pour nous conter avec passion la vie de cette femme arabe et musulmane du VIIe siècle.
Fascinant, passionnant, éblouissant…
❤️

Lecture #4 – Si je t’oublie Alexandrie

Après avoir lu L’Algérie c’est beau comme l’Amérique, j’ai lu un deuxième roman graphique de la fabuleuse maison d’édition Steinkis : Si je t’oublie Alexandrie.

A la mort de sa grand-mère, Jérémie décide de remuer le passé de ses grands-parents, Juifs expulsés d’Égypte à l’époque de Nasser. Il ne sait que peu de choses sur ce passé trouble et son grand-père ne semble pas enclin à partager avec lui ses souvenirs. Jérémie décide alors de partir en quête de son histoire familiale accompagné de sa mère. Son épopée le mènera dans la très restreinte communauté juive d’Égypte, puis à la recherche d’informations en Palestine et le plongera au cœur de la quasi indicible question juive au Moyen-Orient pour tenter de comprendre ses racines et son héritage.

Émouvant et juste, une belle découverte !

Mini-série – LES SAUVAGES, Sabri Louatah et Rebecca Zlotowski

LES SAUVAGES, ou la claque de la semaine.

Adaptée des romans éponymes de Sabri Louatah, cette mini-série de 2019 est un chef-d’œuvre.

Je ne vous dirai que peu de choses sur le pitch pour ne rien vous spoiler : un Français d’origine maghrébine se présente à l’élection présidentielle… Et ça part en cacahuètes.

Un casting impeccable, un scénario haletant extrêmement bien ficelé et une réalisation puissante vous tiendront en haleine jusqu’à la fin.
Malgré les seuls 6 épisodes de la série, l’histoire de Sabri Louatah et la réalisation de Rebecca Zlotowski exploitent habilement et justement différents thèmes actuels et importants tels que l’immigration, la quête identitaire de différents points de vue.

Je ne peux que vivement vous conseiller cette merveille dévorée pour ma part en deux soirées ❤️
(Et en plus il y a Fianso en acteur incroyable de sincérité et de justesse.)